"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Profond, sombre et lumineux comme la couleur éponyme
Chronique en images sur aikadeliredelire.com
https://www.aikadeliredelire.com/2023/05/lu-et-approuve-bleu-nuit-de-dimah.html?m=1
Ce monologue est le récit d’un homme exilé, finissant en marge de la société car brisé par la guerre civile qui faisait rage dans son pays natal que l’on devine, sans que cela ne soit jamais confirmé, être le Liban.
Ce roman illustre sa déchéance à partir de l’instant crucial où il lui est annoncé que la seule femme de sa vie est morte et qu’elle repose désormais au cimetière de Père Lachaise.
Névrosé et à bout de forces, le narrateur abandonne son cadre de vie normale et devient SDF. Il s’accroche à ce qu’il lui reste de poésie et d’humanité pour expier ses remords, ses fautes, ses crimes à travers l’écriture de carnets, sûrement vestiges de son ancienne carrière professionnelle de journaliste.
Le chemin vers la paix intérieure est chimérique pour qui a connu la guerre et y a participé activement de surcroît. Les anxiolytiques, la came, l’alcool et les faux-semblants sont sans effets; les démons reviennent toujours à la charge tantôt sous forme de maniaquerie et de troubles obsessionnels compulsifs tantôt sous forme de graves crises de dépression nerveuse voire de schizophrénie.
Pour ma part, bien que les péripéties soient fictionnelles,ce roman révèle et dépeint les effets psychologiques de la guerre sur les hommes envoyés au front: de retour à la vie civile, les survivants ne s’en sortent jamais totalement indemnes en dépit de bonne volonté et de maintes tentatives de reconstruction… Ainsi ce livre montre les potentielles conséquences d’un choc post-traumatique à long terme.
Enfin, grâce à une écriture exquise et intense, ce roman ressemble à une lettre d’amour, de pardon et de deuil, à la mémoire d’une mère qui ne voulait que le meilleur pour son fils et d’une femme aimante infiniment humaine.
J’applaudis la poésie omniprésente et l’amour qui illumine ce récit, le rendant si émouvant.
+À lire pour comprendre ce qui pousse un être humain à choisir de vivre dans la rue.
Sortir. Sortir de cet appartement où il s’est enfermé depuis plusieurs années dans une routine mortifère. Faire fi de tout ce passé si lourd à porter. Et jeter la clé dans une bouche d’égout…
C’est ainsi qu’il se retrouve à la rue, libéré de ses tics et de ses tocs et prêt à adopter le rythme d’une ville qu’il regarde d’un oeil attentif.
La rue est un microcosme qui en dit long sur ceux qui l’arpentent , pour peu que l’on daigne leur jeter un regard. Ella, Emma, Carla, Martha, toutes ces figures « tout ce qui s’est interposé entre lui et la rue », des relations superficielles mais suffisantes pour comprendre les tourments de chacune.
Sans oublier Minuit, ce chien avec qui il a noué une relation de protection mutuelle.
Cette précarité volontaire l’a certes pour un temps sauvé de la folie, mais n’en reste pas moins une errance parfois lourde à assurer, sans compter les dangers que la consommation inéluctable de produits illicites l’expose à des agressions.
Par la voix du narrateur , Dima Abdallah nous propose une série de portraits de gens ordinaires, avec leurs failles plus ou moins tues, tandis que les souvenirs affluent pour nous révéler le chemin semé d’obstacles qui l’a conduit là où il est arrivé.
Roman profondément humain, révélant une empathie immense pour les anonymes ordinaires, et porté par une très belle écriture, simple et convaincante. On apprécie aussi les en-tête de chapitres, références littéraires qui donnent le ton à chaque nouvelle étape du parcours.
240 pages Sabine Wespieser, 6 janvier 2022
Le narrateur vit cloîtré dans son appartement parisien, refusant ainsi tout contact. « J'habitais le 20ème arrondissement depuis des années, mais je n'y avais jamais vécu. J'habitais une cellule, un donjon coupé du monde et entouré de douves infranchissables. » Et puis un jour, celle qu’il a aimé, meurt. Du jour au lendemain, il décide de jeter les clés de son logement dans le caniveau. L’homme part, pour oublier. Ainsi, par choix, il vit dans la rue. S’imposant la faim, le froid, la peur. Cherche-t-il à se punir de quelque chose ? À vivre une liberté pour être enfin oublié ? « Je marche sur un fil. Je suis le funambule sur le fil tendu au-dessus des abysses de la mémoire. Il ne faut pas que je tombe. Je suis sur le fil qui menace de rompre au moindre faux pas. »
Dans un monologue d’une intense poésie, Dima Abdallah raconte un homme tourmenté, brisé par son passé. Elle nous promène dans les rues de Paris à coup de références littéraires rendant l’errance du narrateur plus lumineuse. Les lieux et les rencontres que l’homme fait sont des rayons de soleil qui donnent le sourire.
Bleu nuit est un texte sombre, qui donne mal au bide mais sans jamais mettre mal à l’aise. La beauté qui s’en dégage, vous enveloppe du beau et du puissant. Le travail d’écriture est remarquable.
Coup de cœur
http://www.mesecritsdunjour.com/archives/2022/12/15/39744874.html
Un homme vit reclus dans son appartement, hanté par son passé. Il a grandi de l’autre côté de la Méditerranée, avant de fuir sa vie et de se réfugier en France pour devenir journaliste à Paris. Il a toutes sortes de stratagèmes et de tics pour oublier ses fantômes. Mais quand le téléphone sonne pour lui annoncer la mort de la femme qu’il a aimé et avec laquelle il a vécu, ses tics remontent. Tout commence à dérailler. Il ne se sent plus à l’abri entre ses murs. Il décide alors de vivre dans la rue, comme un sans-abri mais en ayant de l’argent pour s’acheter de la nourriture, des vêtements et sac de couchage chaud.
Dans la rue, il marche inlassablement dans le même quartier de Paris pour éviter de penser. Mais les odeurs font remonter les souvenirs à la surface. Il a des habitudes, chaque jour il se place à un endroit précis pour rencontrer une personne précise. Le mardi, par exemple, il a rendez-vous avec Ella qui lui tend un croissant. Il est obsédé par l’odeur de la crème dont s’enduit Layla, une femme également SDF.
Son monologue alterne avec des extraits de ses carnets. Ce sont des passages très poétiques. L’écriture est singulière et unique. J’avais beaucoup aimé le premier roman de Dima Abdallah, « Mauvaises herbes ». Je suis ravie de retrouver sa plume. Les sujets abordés sont à nouveaux graves et l’ambiance est étouffante. L’autrice tient le lecteur en haleine jusqu’à la fin, où l’on découvre les secrets qui rongent cet homme seul. Car il est question de solitude dans ce roman. Il nouera des liens avec une chienne, Minuit, rencontrée au cimetière du Père Lachaise. Ces deux êtres meurtris ne se quittent alors plus.
C’est un livre puissant dont on ne ressort pas indemne car on ne peut qu’être bouleversé par ce personnage qui lutte contre la folie. A la fois sombre et lumineux, impossible d’abandonner cet homme, cette chienne et tous les autres sans-abris de ce roman très humain et sensible.
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