Encore plus de découvertes, auteurs à suivre et lectures indispensables
« Je marche sur un fil. Je suis le funambule sur le fil tendu au-dessus des abysses de la mémoire. Il ne faut pas que je tombe. Je suis sur le fil qui menace de rompre au moindre faux pas. » Pendant des années, l'auteur de cet intense monologue est parvenu à tenir en laisse ses souvenirs. Tétanisé à l'idée d'affronter le monde extérieur, celui qui était devenu journaliste vit cloîtré dans son appartement, tout en parvenant à donner le change à sa rédaction. Un appel téléphonique fait basculer son existence : Alma, la seule femme qu'il ait aimée, vient de mourir. Le lendemain de son enterrement - auquel il s'avère incapable de se rendre -, il sort enfin de chez lui, décidant de vivre dans la rue après avoir jeté ses clefs dans une bouche d'égout.
Dans un périmètre bien délimité autour du cimetière du Père-Lachaise, il change d'emplacement tous les soirs, cherchant à conjurer les violentes réminiscences qui malgré tout le hantent : ce bleu profond de la mer qui l'obsède, ce soleil écrasant... Réfugié dans sa nouvelle errance, il ponctue ses semaines par des échanges fugaces, mais quotidiens, avec des femmes ou des jeunes filles, toujours les mêmes, dont le prénom rime avec celui de son Alma disparue. À son insu, comme si ces figures le révélaient à lui-même, des images refoulées de vergers en fleurs, des odeurs d'iode, d'anis ou de jasmin le submergent...
Renonçant à lutter contre l'insoutenable déferlante du passé, que ni les rituels, ni la drogue, ni l'alcool n'ont pu contenir, il baisse la garde... Ses nuits tourmentées, sur lesquelles veille la fidèle Minuit, une chienne rencontrée sur une tombe, il va les consacrer au récit du cauchemar éveillé dans lequel il se débat depuis si longtemps, et qu'il avait pourtant essayé de fuir en venant s'installer de l'autre côté de la Méditerranée.
Bouleversant portrait d'un homme en proie à ses fantômes, Bleu nuit est un livre d'une puissante humanité, celle de ces laissés-pour-compte rencontrés dans la rue, et celle d'un magnifique personnage, sombre et lumineux à la fois, luttant de toutes ses forces pour échapper au pire.
Encore plus de découvertes, auteurs à suivre et lectures indispensables
Profond, sombre et lumineux comme la couleur éponyme
Chronique en images sur aikadeliredelire.com
https://www.aikadeliredelire.com/2023/05/lu-et-approuve-bleu-nuit-de-dimah.html?m=1
Ce monologue est le récit d’un homme exilé, finissant en marge de la société car brisé par la guerre civile qui faisait rage dans son pays natal que l’on devine, sans que cela ne soit jamais confirmé, être le Liban.
Ce roman illustre sa déchéance à partir de l’instant crucial où il lui est annoncé que la seule femme de sa vie est morte et qu’elle repose désormais au cimetière de Père Lachaise.
Névrosé et à bout de forces, le narrateur abandonne son cadre de vie normale et devient SDF. Il s’accroche à ce qu’il lui reste de poésie et d’humanité pour expier ses remords, ses fautes, ses crimes à travers l’écriture de carnets, sûrement vestiges de son ancienne carrière professionnelle de journaliste.
Le chemin vers la paix intérieure est chimérique pour qui a connu la guerre et y a participé activement de surcroît. Les anxiolytiques, la came, l’alcool et les faux-semblants sont sans effets; les démons reviennent toujours à la charge tantôt sous forme de maniaquerie et de troubles obsessionnels compulsifs tantôt sous forme de graves crises de dépression nerveuse voire de schizophrénie.
Pour ma part, bien que les péripéties soient fictionnelles,ce roman révèle et dépeint les effets psychologiques de la guerre sur les hommes envoyés au front: de retour à la vie civile, les survivants ne s’en sortent jamais totalement indemnes en dépit de bonne volonté et de maintes tentatives de reconstruction… Ainsi ce livre montre les potentielles conséquences d’un choc post-traumatique à long terme.
Enfin, grâce à une écriture exquise et intense, ce roman ressemble à une lettre d’amour, de pardon et de deuil, à la mémoire d’une mère qui ne voulait que le meilleur pour son fils et d’une femme aimante infiniment humaine.
J’applaudis la poésie omniprésente et l’amour qui illumine ce récit, le rendant si émouvant.
+À lire pour comprendre ce qui pousse un être humain à choisir de vivre dans la rue.
Sortir. Sortir de cet appartement où il s’est enfermé depuis plusieurs années dans une routine mortifère. Faire fi de tout ce passé si lourd à porter. Et jeter la clé dans une bouche d’égout…
C’est ainsi qu’il se retrouve à la rue, libéré de ses tics et de ses tocs et prêt à adopter le rythme d’une ville qu’il regarde d’un oeil attentif.
La rue est un microcosme qui en dit long sur ceux qui l’arpentent , pour peu que l’on daigne leur jeter un regard. Ella, Emma, Carla, Martha, toutes ces figures « tout ce qui s’est interposé entre lui et la rue », des relations superficielles mais suffisantes pour comprendre les tourments de chacune.
Sans oublier Minuit, ce chien avec qui il a noué une relation de protection mutuelle.
Cette précarité volontaire l’a certes pour un temps sauvé de la folie, mais n’en reste pas moins une errance parfois lourde à assurer, sans compter les dangers que la consommation inéluctable de produits illicites l’expose à des agressions.
Par la voix du narrateur , Dima Abdallah nous propose une série de portraits de gens ordinaires, avec leurs failles plus ou moins tues, tandis que les souvenirs affluent pour nous révéler le chemin semé d’obstacles qui l’a conduit là où il est arrivé.
Roman profondément humain, révélant une empathie immense pour les anonymes ordinaires, et porté par une très belle écriture, simple et convaincante. On apprécie aussi les en-tête de chapitres, références littéraires qui donnent le ton à chaque nouvelle étape du parcours.
240 pages Sabine Wespieser, 6 janvier 2022
Le narrateur vit cloîtré dans son appartement parisien, refusant ainsi tout contact. « J'habitais le 20ème arrondissement depuis des années, mais je n'y avais jamais vécu. J'habitais une cellule, un donjon coupé du monde et entouré de douves infranchissables. » Et puis un jour, celle qu’il a aimé, meurt. Du jour au lendemain, il décide de jeter les clés de son logement dans le caniveau. L’homme part, pour oublier. Ainsi, par choix, il vit dans la rue. S’imposant la faim, le froid, la peur. Cherche-t-il à se punir de quelque chose ? À vivre une liberté pour être enfin oublié ? « Je marche sur un fil. Je suis le funambule sur le fil tendu au-dessus des abysses de la mémoire. Il ne faut pas que je tombe. Je suis sur le fil qui menace de rompre au moindre faux pas. »
Dans un monologue d’une intense poésie, Dima Abdallah raconte un homme tourmenté, brisé par son passé. Elle nous promène dans les rues de Paris à coup de références littéraires rendant l’errance du narrateur plus lumineuse. Les lieux et les rencontres que l’homme fait sont des rayons de soleil qui donnent le sourire.
Bleu nuit est un texte sombre, qui donne mal au bide mais sans jamais mettre mal à l’aise. La beauté qui s’en dégage, vous enveloppe du beau et du puissant. Le travail d’écriture est remarquable.
Coup de cœur
http://www.mesecritsdunjour.com/archives/2022/12/15/39744874.html
Un homme vit reclus dans son appartement, hanté par son passé. Il a grandi de l’autre côté de la Méditerranée, avant de fuir sa vie et de se réfugier en France pour devenir journaliste à Paris. Il a toutes sortes de stratagèmes et de tics pour oublier ses fantômes. Mais quand le téléphone sonne pour lui annoncer la mort de la femme qu’il a aimé et avec laquelle il a vécu, ses tics remontent. Tout commence à dérailler. Il ne se sent plus à l’abri entre ses murs. Il décide alors de vivre dans la rue, comme un sans-abri mais en ayant de l’argent pour s’acheter de la nourriture, des vêtements et sac de couchage chaud.
Dans la rue, il marche inlassablement dans le même quartier de Paris pour éviter de penser. Mais les odeurs font remonter les souvenirs à la surface. Il a des habitudes, chaque jour il se place à un endroit précis pour rencontrer une personne précise. Le mardi, par exemple, il a rendez-vous avec Ella qui lui tend un croissant. Il est obsédé par l’odeur de la crème dont s’enduit Layla, une femme également SDF.
Son monologue alterne avec des extraits de ses carnets. Ce sont des passages très poétiques. L’écriture est singulière et unique. J’avais beaucoup aimé le premier roman de Dima Abdallah, « Mauvaises herbes ». Je suis ravie de retrouver sa plume. Les sujets abordés sont à nouveaux graves et l’ambiance est étouffante. L’autrice tient le lecteur en haleine jusqu’à la fin, où l’on découvre les secrets qui rongent cet homme seul. Car il est question de solitude dans ce roman. Il nouera des liens avec une chienne, Minuit, rencontrée au cimetière du Père Lachaise. Ces deux êtres meurtris ne se quittent alors plus.
C’est un livre puissant dont on ne ressort pas indemne car on ne peut qu’être bouleversé par ce personnage qui lutte contre la folie. A la fois sombre et lumineux, impossible d’abandonner cet homme, cette chienne et tous les autres sans-abris de ce roman très humain et sensible.
Après Mauvaises Herbes paru en 2020, récit croisé d’un père et de sa fille, premier roman de Dima Abdallah, Bleu nuit confirme le talent de cette auteure.
Dès les premières pages, le narrateur délivre les deux seules dates qu’il tolère, le 25 octobre 1961, jour de sa naissance, marquée après tout, noir sur blanc sur ses papiers d’identité et le 21 mars 2013, date à laquelle va débuter pour lui une nouvelle vie.
Cet homme, ancien journaliste, est parvenu pendant des années à tenir en laisse ses souvenirs, en vivant cloîtré dans son appartement, n’échangeant que quelques mots avec les coursiers qui le livrent à domicile. Impossible pour lui de sortir car dès qu’il ouvrait la porte de son immeuble, ses jambes le lâchaient et ce n’est qu’au prix d’efforts intenses qu’il parvenait à rentrer.
Un appel téléphonique fait basculer alors sa vie. Alma, la seule femme qu’il a aimée est décédée.
Ce 21 mars, lendemain de l’enterrement, enterrement auquel il s’était préparé à assister mais auquel il a été incapable de se rendre, vers 6h 30 du matin, il prend son sac à dos, y déverse ses médicaments, quelques livres, son pull le plus chaud, deux ou trois vêtements, son bonnet en laine, avant de refermer l’armoire, tente de convoquer le souvenir de l’odeur d’Alma en portant à son nez ses vêtements, mais subsiste seulement une odeur de poussière et de renfermé, claque la porte de l’entrée et dévale l’escalier. Il cherche la première bouche d’égout de la rue et y jette les clefs de l’appartement.
Il a l’impression de se réveiller d’un long sommeil. Son domicile est désormais la rue.
Il change d’emplacement chaque soir et au bout de quelques mois arrive à connaître chaque rue, chaque boulevard, chaque impasse dans un grand périmètre autour du Père-Lachaise, évitant seulement celle où il habitait. « Je veux que toute ma vie d’avant brûle doucement et tombe en ruines ».
Il se crée une nouvelle routine, le mardi, rue des Passants, le mercredi, rue des Amandiers, le jeudi, c’est le Père-Lachaise, sans toutefois n’y avoir jamais cherché la tombe d’Alma, et passe tous les vendredis rue du repos. Dans chacune de ces rues, chaque semaine, il a un échange fugace avec des jeunes filles ou des femmes, toujours les mêmes, chez qui il sait déceler la tristesse et la détresse. Si Emma lui ramène à l’esprit des images refoulées de vergers en fleurs, puis en septembre de pommes englouties avec Hana, Ella, quand à elle, lorsqu’elle lui tend un croissant, ce sont alors mille odeurs qui envahissent la rue des Amandiers, le quartier entier qui embaume d’un parfum de galettes à l’anis et la grâce des mains généreuses de la tante Zeina qui apparaissent…
Il sera cependant vite submergé par cette infinité d’images, « avec les souvenirs d’elle (Alma), tous les autres, morts et enterrés, ressuscitaient … Tout le satané bleu remontait en moi... »
Bientôt, les fantômes qu’il avait essayé de fuir en venant s’installer de l’autre côté de la Méditerranée, ni les rituels, ni la drogue ni l’alcool ne pourront les contenir. Il va alors consacrer ses nuits tourmentées au récit de ce cauchemar éveillé dans lequel il se débat depuis tout jeune.
Au travers de ce fabuleux monologue, Dima Abdallah dresse le portrait bouleversant d’un homme en proie à ses fantômes, qui essaie de forcer sa mémoire à se vider de ses souvenirs, mais l’oubli est tellement difficile. À chaque instant, le noir côtoie la lumière.
Cette errance dans Paris est racontée de façon absolument poétique et nous fait rencontrer ces laissés-pour-compte que souvent, nous ne savons plus voir.
Une profonde humanité se dégage de ce récit raconté par un homme qui souffre, mais surtout, parvient à ressentir au plus juste la détresse de ses semblables.
J’ai aimé cette remontée des souvenirs, notamment au travers des odeurs, des sensations, si délicatement et poétiquement transmises, que ce soit le feuilletage du croissant, le parfum des galettes à l’anis, la grâce des mains généreuses de sa tante ou encore le parfum de Layla, « ce savant mélange de crème hydratante, d’iode et de jasmin » qui le ramène à sa mère. Ces réminiscences dégagent beauté et sensualité.
Il faudra cependant attendre les derniers chapitres pour comprendre totalement le passé de cet homme et je dois dire que pour moi, cette attente s’est révélée un peu longue.
Bleu nuit est un roman poignant, sensible, rude, sur l’oubli, la rue, un roman sombre, très sombre et pourtant radieux, empreint de poésie.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
COUP DE COEUR
« C'était le 21 mars 2013 ». Ainsi commence le second roman de Dima Abdallah. En ce jour de printemps, le narrateur apprend la mort d'Alma, la femme qu'il a tant aimée.
Jusqu'à cette annonce, il vivait cloîtré dans son appartement de l'est de Paris, incapable de s'extraire de ce cocon en apparence protecteur.
Après avoir jeté les clés de son logement, il se confronte à la rue. Pour oublier Alma... Pour se guérir des angoisses du confinement qu'il s'est imposé...
Il prend ses quartiers autour du Père-Lachaise et, changeant de rue chaque jour de la semaine, rencontre des femmes dont le prénom, réel ou inventé, se termine par un « a ».
Ces femmes, qu'elles soient caissière de supermarché au bord du précipice, lycéenne anorexique, vieille dame, SDF moribonde, sont les miroirs de ses souffrances et de son propre exil intérieur que les fantômes d'antan, contre lesquels il se bat, vont aggraver. Jusqu'à la colère, jusqu'à la folie qui vous font croire que vous êtes vivant.
Cette solitude, elle va s'exacerber tout au long du récit. Malgré les attentions que les passantes ont à son égard et, surtout, en dépit de la présence presque spectrale de Minuit, la chienne qui pleure sur la tombe de sa maîtresse.
Via un long monologue intérieur d'une intense beauté hallucinatoire qui rend hommage aux invisibles des rues, l'autrice a tissé une émouvante mélopée qui pose des questions existentielles pour les pauvres humains que nous sommes :
peut-on oublier celui ou celle qu'on a été, peut-on faire table rase du passé, l'enfance ne vous rattrape-t-elle pas toujours ?
Avec « Bleu nuit », un bijou de poésie, Dima Abdallah, née au Liban, prouve une nouvelle fois qu'elle est une voix singulière et attachante de la littérature d'expression française.
Sélectionné par les libraires de l'Armitière dans le cadre du prix des lecteurs 2022, ce roman est l'un des plus beaux que j'ai lus ces derniers temps. Merci à eux pour cette belle découverte.
EXTRAITS
J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans, mais j'enterre chacun d'eux, l'un après l'autre, dans les cimetières des rues de l'oubli.
On renonce à beaucoup de choses avant de renoncer au pain frais.
Entre ce qui est utile et ce qui est beau, elle a choisi ce qui est beau.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-bleu-nuit-dima-abdullah-sabine-wespieser/
Mme Dima Abdallah est une auteure à la plume assurée, et elle nous en livre une belle démonstration avec « Bleu nuit ».
Nous suivons l’errance d’un homme habité par les démons du passé, qui choisit de vivre dans la rue, pour échapper à ses hantises. Qui finiront par le rattraper, et l’obligeront à ne pas quitter le quartier du cimetière du Père-Lachaise, où il tentera d’entrer en contact avec des inconnues qui le touchent, et qui lui permettent de se sentir encore membre de la communauté des hommes, sans parvenir toutefois à trouver l’apaisement, toujours ramené à ce bleu nuit qui ne disparait jamais.
Très bien écrit, le livre révèle par petites touches les hantises du personnage principale, et parvient à maintenir jusqu’au bout l’intérêt du lecteur.
Au final, un témoignage fort et pudique, qui donne envie de poursuivre l’exploration des ouvrages de cette romancière.
Un monologue poignant, noir, rude, qui évoque le passé et le présent. Mais pas d'avenir pour cet homme blessé qui se penche sur le visage de femmes perdues et fantasmées. Il y a la mère, l'amante, la fugitive, la cousine, et ces belles inconnues qui peuplent son monde de solitude. Il a été le snipper qui a tué et qui renonce aujourd'hui à vivre. S'il interroge la rue après avoir tout quitté, c'est pour mieux tenter de recoller les morceaux d'une existence qui fut cependant heureuse mais qui n'a pas tenu ses promesses.
Un roman qui se lit le coeur serré et troublé. Quelques longueurs qui traduisent les errances dans les rues de Paris, mais cela n'ôte rien à la qualité de l'écriture.
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