Un douloureux passage à l'âge adulte, entre sensibilité et horreur...
« Le génie particulier de ce roman est d'avoir su rendre l'invraisemblable plausible. »
Colum McCann
À Dublin, un soir de pluie, deux hommes frappent à la porte d'Eilish Stack. Membres d'une toute nouvelle police secrète - le GNSB -, ils demandent à s'entretenir avec son mari, enseignant et syndicaliste,
mais celui-ci est absent. Larry se rend au commissariat dès le lendemain, puis disparaît dans des circonstances troublantes.
Tandis que le malaise s'installe peu à peu, Eilish voit son quotidien et celui de ses quatre enfants amputés d'une liberté qu'elle tenait pour acquise. Bientôt l'état d'urgence est déclaré, les rumeurs parlent de camps d'internement...
Prisonnière d'une logique cauchemardesque, jusqu'où devra aller Eilish pour protéger les siens ?
Récompensé par le Booker Prize, Le Chant du prophète saisit, dans un souffle d'une puissance implacable, le basculement progressif d'une société vers l'autoritarisme. Paul Lynch nous fait vivre cette expérience à travers un regard - celui d'une femme - qui nous renvoie à notre propre aveuglement.
Presse :
« Un singulier tour de force. » Kirkus Reviews
« Paul Lynch puise dans la littérature pour rompre avec la suffisance des sociétés occidentales qui, insensibilisées par les tragédies qui secouent le monde, sont persuadées d'en être à l'abri. » The Guardian
« Le récit extraordinaire et tragique d'un pays sombrant dans la guerre, qui résonne bien au-delà des frontières irlandaises. Il s'agit sans doute de l'un des romans les plus importants de cette année. » The Irish Examiner
« Cette dystopie est exactement ce dont nous avons besoin pour sortir de notre complaisance, de cette illusion réconfortante selon laquelle le fascisme surgirait toujours loin de nous, dans l'espace comme dans le temps. » The Washington Post
Comme dans une dystopie, l’Irlande imaginée par Paul Lynch dans "Le chant du prophète" est traversée par une crise majeure. Peu après l’arrivée au pouvoir d’un parti d’extrême droite, l’état d’urgence est déclaré et une police privée est instaurée. Dès lors, la situation se dégrade pour les citoyens : arrestations arbitraires, censure des médias, couvre-feu, inflation, coupures de courant, pénuries…
Le coup de maître de Paul Lynch, c’est le point de vue. L’histoire est vécue et racontée par Eilish. Sans nouvelle de son mari arrêté par le parti, cette scientifique tente de faire face à l'obscurité qui envahit son monde. Mais comment faire ? Fuir ? Avec à charge quatre enfants dont un bébé et des adolescents qui trimballent leur lot d’inquiétude et d’insolence, et un vieux père qui sombre peu à peu dans l’oubli ? “S’il te plaît, le supplie-t-elle, je veux que tu restes à la maison, mais il va et vient comme il lui plaît, il rentre tard et elle ne sait que faire.”
Tout ça est tellement plausible. Le lecteur s’identifie forcément à Eilish, à son angoisse, qu’elle soit citoyenne ou maternelle, à son obstination, à sa dignité, à son impuissance. Il partage avec elle un sentiment d’urgence et d’affolement, notamment grâce à la forme narrative qui intègre les dialogues et les pensées au sein du récit. “En temps normal, l’État laisse les gens vivre en paix, il n’entre pas chez eux pour empoigner un père de famille et le dévorer comme un ogre, comment pourrais-je donner un début d’explication à mes enfants, leur dire que leur pays est devenu un monstre ?” En plus du point de vue choisi, le réalisme du récit doit beaucoup à l’écriture minutieuse, précise, qui s’attarde sur des détails toujours plus sombres mais toujours concrets et crédibles.
De même que le grand-père oublie le visage de sa fille, il semblerait que le monde aussi perde la mémoire. Eilish “se sent hors du temps, porteuse d’un fardeau très ancien, ces choses-là se sont produites si souvent.” Une dystopie, ce livre ? Vraiment ?
C’est probablement sans importance. Larry tente de rassurer Eilish, sa femme, mais la visite de policiers de la police secrète chez eux n’a rien d’ordinaire.
Lors d’une manifestation à laquelle Larry participe en tant que responsable syndical, la police montée charge soudainement à travers la foule, transformant la scène en un enfer voilé de fumée. Les cavaliers, armés de matraques, frappent les manifestants, qui se recroquevillent sous les coups. Eilish appelle Larry, mais il ne répond pas. Quand elle essaie à nouveau, son téléphone est éteint.
Dans ce récit de fiction très anxiogène, Paul Lynch raconte le combat d’une mère pour sauver ses enfants dans Dublin en proie au fascisme. Une atmosphère très kafkaïenne, où peu à peu, les gens cessent d’être des personnes pour devenir des choses. L’auteur nous rappelle que le totalitarisme s’installe toujours insidieusement. Il prend place de manière banale, grignotant petit à petit les libertés. Puis, un jour, viennent les interdits au nom de l’ordre et de la sécurité. Nos démocraties sont fragiles. Paul Lynch tente d’éveiller notre conscience avec réalisme, avant qu’il ne soit trop tard.
Ca commence avec l’arrestation du professeur syndicaliste Larry Stack, comme dans le poème de Martin Niemöller.
D’entrée de jeu, nous sommes plongés dans un état Irlandais totalitaire qui étouffe toute contestation.
La disparition de son mari laisse Eilish seule avec son fils aîné Mark, sa fille Molly et son troisième Bailey, son bébé Ben dans les bras, son père Simon atteint d’Alzheimer à l’autre bout de la ville.
Sa soeur Aine qui habite au Canada lui propose de fuir, mais Eilish refuse, attendant son mari.
Elle n’attend pas les bras croisés, cette mère désespérée qui se fait bientôt virer de son travail : il faut nourrir la famille et les prix sont multipliés par 30, le marché noir renait de ses cendres.
J’ai eu un peu de mal au début avec la temporalité : dans un même paragraphe le personnage peut se retrouver d’une phrase à l’autre quelques heures plus tard à un endroit différent, contractant le temps.
L’auteur nous parle des mécanismes mis en oeuvre par le parti au pouvoir dont on ne saura jamais le nom pour assoir son autorité : création d’un ennemi et poursuite de celui-ci.
J’ai aimé que Molly attache un ruban blanc chaque dimanche depuis la disparition de son père sur le cerisier du jardin. Le blanc deviendra la couleur de la rébellion.
Je n’ai pas aimé qu’avec l’arrestation de son mari, les émotions d’Eilish entrent dans la maison telles une vraie personne, comme si son habitat n’était plus un rempart contre ce qu’il se passe à l’extérieur.
J’ai aimé le leitmotiv des chaussures trop petites de Bailey qui montre combien sa mère est dépassée par les événements.
J’ai eu de la peine pour son amie Caroll dont le mari a lui aussi disparu et qui cuisine des desserts à ne plus savoir qu’en faire pour conjurer le vide laissé par l’absent.
J’ai aimé les leitmotivs des pantoufles que Larry ne met plus, du vélo que Mark rentrait dans la maison.
J’ai aimé les couleurs bleues et jaunes qui parsèment le roman, y voyant les couleurs du drapeau ukrainien.
J’ai aimé que Bailey appelle les mensonges d’état « le ver », qu’il y soit sensible à un moment lui aussi : choisir son camp n’est jamais chose facile.
Tout au long de ma lecture, je me suis demandée quel était ce Chant du prophète. L’explication vient dans les dernières pages : un chant identique répété de siècle en siècle, le tranchant de l’épée, le monde dévoré par les flammes, le soleil qui sombre en plein midi… (p.288)
Un grand roman sur les mères qui se débattront toujours pour sauver leurs enfants, loin des Grands Guerriers Courageux. Leur courage à elles reste dans le registre silencieux de l’Histoire.
Quelques citations :
comme méthode, ils te prennent quelque chose et ils le remplacent par le silence, et toi tu ne vis plus,, tu es constamment face à ce silence, tu n’es plus qu’une chose confrontée à ce silence, une chose qui attend que ce silence s’achève (…) (p.160)
l’histoire est le registre silencieux de ceux qui n’ont pas su partir à temps (p.179)
consciente d’être malhonnête envers ses enfants, malhonnête et inutile, elle n’a ni secours ni consolation à leur offrir, seulement des mensongers (p.212)
L’image que je retiendrai :
Celle des check-points sur les rues qui ne facilitent pas les déplacements d’Eilish entre ses jeunes enfants et son père.
https://www.alexmotamots.fr/le-chant-du-prophete-paul-lynch/
Cela pourrait se passer dans n’importe lequel de ces pays autocratiques dont les habitants fuient en masse les persécutions ou la guerre. Sauf que le roman se déroule quelque part en Occident, un mot par-ci par-là permettant de le localiser en Irlande. En décrivant avec vraisemblance le glissement d’une société comme la nôtre dans la dictature, Paul Lynch pointe nos aveuglements face à la montée des extrémismes populistes en Occident et nous fait vivre de l’intérieur ce cauchemar qui n’arrive pas qu’aux autres : devoir fuir pour sauver sa peau et celle de ses enfants.
C’est en pente douce que s’ouvre le récit. Tandis que le frais élu gouvernement populiste irlandais vient de décréter l’état d’urgence pour mieux mater l’opposition, le mari syndicaliste d’Eilish disparaît après s’être rendu à une convocation de la toute nouvelle police secrète. Entre son travail de microbiologiste, ses quatre enfants – l’un presque adulte, l’autre encore en bas âge – et son père en perte d’autonomie à l’autre bout de la ville, Eilish n’a d’autre choix que de mettre de côté ses angoisses pour gérer comme elle peut un quotidien de plus en plus compliqué.
Mais, la rébellion s’organisant face au régime de terreur grandissante entretenu par le pouvoir en place, bientôt la guerre civile éclate. Enfermée dans le déni et incapable de croire au pire, Eilish s’obstine longtemps à ne rien vouloir lâcher de sa vie d’avant. Jusqu’à ce que tout s’écroule pour de bon, la violence transformant son existence et celle des siens en une descente aux enfers vertigineuse. Ne reste que la fuite pour tenter de sauver les survivants, dans une déroute absolue qui lui fait penser qu’« elle a cessé d’être une personne pour devenir une chose », un pauvre ballot livré à l’encan des passeurs, l’un de ses migrants n’ayant plus que sa vie comme bagage, et encore, rien n’est moins sûr.
L’immense force du roman est son réalisme confondant, alors que, narré du point de vue d’Eilish, autant dire de celui du lecteur tant l’identification fonctionne à plein, il nous immerge dans son histoire comme dans une essoreuse, encore incrédules de basculer d’un quotidien que l’on croyait à l’abri dans nos contrées à une réalité cauchemardesque qui n’en finit pas de tout nous arracher. Rien n’arrive en ces pages qui ne soit perçu au travers du flux de conscience d’Eilish, au fil de pensées et de sensations qui, collant aux évènements, donnent pour rythme au texte celui, de plus en plus erratique, de la respiration du personnage. Ainsi, faits, réflexions et dialogues se mêlent en une onde unique de phrases indifférenciées, tout entières centrées sur les effets concrets de la situation du pays sur la vie ordinaire, matérielle d’abord quand l’essentiel vient à manquer, affective surtout lorsqu’aux côtés d’Eilish, l’on se retrouve seul et impuissant à protéger ceux qu’on aime.
Rares sont les livres qui vous immergent avec une telle force, lecteur et personnage ne faisant plus qu’un et suffocant tous deux dans un réveil cauchemardesque, celui qui succède à l’aveuglement d’une vie si bien tendue autour de ses préoccupations quotidiennes qu’elle n’a rien vu venir de ce qui la menaçait. Avec la montée un peu partout des extrémismes de toutes sortes, les ombres sont pourtant là toutes proches, préfigurant chez nous aussi de fort possibles avenirs sombres. Alors, le sort de ces migrants que l’on pense aujourd’hui venir de mondes qui ne sont pas les nôtres prend soudain une dimension universelle. Coup de coeur.
Mais quel est donc le secret de ces auteurs irlandais que je découvre ces derniers mois ( merci Insta). A chaque fois une claque plus ou moins forte . Cette fois , la claque est ENORME . Tellement énorme qu’elle m’a retourné . Pas loin du KO assis ( j’évite depuis quelques temps de lire debout…)
Le chant du prophète fait partie de ces livres qui font réfléchir , qui bousculent , qui ne laissent pas indifferent. Bref , Paul Lynch nous ouvrent les yeux en nous offrant un superbe roman dystopique
L’histoire : Depuis 2 ans au pouvoir en Irlande , le National Alliance Party (NAP) décide l’état d’urgence. Ce qui l’ » autorise » à s’éloigner de l’état de droit tel que nous le connaissons dans nos démocraties.
Traduction :
• mise en place d’une police secrète le GNSB ( genre st@si)
• fermeture de la frontière avec l’Irlande du Nord
• suspension des droits civiques
• contrôle des institutions en mettant des hommes du NAP à leur tête
• instauration d’un couvre-feu etc…
Un soir , Eilish Stack, mère de 4 enfants , reçoit la visite de 2 policiers du GNSB demandant à ce que son mari Larry les contacte . Ce qu’il fait le lendemain en se rendant au commissariat . Larry disparait. Cela est d’autant plus inquiétant que Larry est syndicaliste ,que l’état d’urgence est déclaré , et qu’une chappe de plomb s’abat alors sur l’Irlande malgré les contestations (timides) des démocraties voisines . Certains ont pressenti cette situation, et ont quitté l’Irlande juste à temps. Les Stack sont restés parce que le père d’Eilish est malade . Et désormais on ne sait pas où se trouve Larry
Ce très fort roman dystopique est remarquable . Il décrit des situations qui ont existé dans nos démocraties et qui existent aujourd’hui encore dans des autocraties et dictatures. Surtout , il rend crédible un tel retour , si nous n’y prenons garde car nous ne sommes pas à l’abri. Ne soyons pas aveugle.
Dans ses précédents romans, Paul Lynch explorait avec minutie les grands événements de l’Histoire de l’Irlande et leurs répercussions sociales. Dans ce nouveau roman, il livre avec acuité une réflexion politique sur ce que pourrait devenir l’Irlande contemporaine. Il entraîne les lecteurs dans la chute vertigineuse d’un pays vers le chaos.
La tragédie survient au sein d’une famille paisible, un père enseignant et syndicaliste, une mère scientifique brillante et quatre enfants. Une visite impromptue de deux agents annonce la menace qui pèse sur le père. Sa disparition après une manifestation bouleverse le quotidien de cette famille et c’est le parcours de Eilish que l’on va suivre jusqu’à en avoir le souffle coupé, le cœur vrillé. Eilish, entre inquiétude et terreur, s'arme de courage et va tenter de surmonter les épreuves qui se dressent dans sa vie, elle ne va cesser de se battre pour protéger ses enfants, remuer ciel et terre pour le retour de son mari tout en veillant sur son père à la mémoire altérée.
C’est en se focalisant sur elle que Paul Lynch décrypte parfaitement tous les mécanismes qui font basculer un état de manière insidieuse dans l’autoritarisme.
À travers le personnage d’Eilish, héroïne inoubliable qu’on ne lâche pas un instant, qu'on suit face à ses dilemmes, sa lutte pour survivre, Paul Lynch donne à voir la violence contemporaine et éveille les consciences en décrivant une réalité glaçante.
Un récit percutant, criant de réalisme, au rythme porté par le déploiement de phrases longues à donner le vertige. Une écriture virtuose qui mêle subtilement les descriptions aux dialogues, aux pensées d’Eilish qui s’évadent parfois vers les fantômes de ses disparus, distille une atmosphère oppressante et anxiogène dans les neuf chapitres, entre obscurité et lumière. Paul Lynch, à hauteur de ses personnages, décrit de manière brillante une tragédie d’époque, l’avènement implacable d’une dictature.
Cette véritable prophétie donne des frissons, rappelle que se profilent à nos portes tant de matins bruns et appelle à la vigilance, à l’empathie autant qu’à l’engagement.
Prix Booker Prize pour Le Chant du prophète, un prix amplement mérité. Un roman puissant et une lecture qui n’en finit pas de vous hanter.
Incontournable dans cette rentrée littéraire !
Titre original : Prophet Song Traduction : Marina Boraso
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