"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
La vie d'Erasmo Aragón change soudainement quand il est faussement accusé d'abus sexuel. Il perd son travail dans une université américaine et ne peut plus renouveler son permis de séjour. Après une crise nerveuse il rencontre Josefin, une infirmière suédoise, à laquelle il s'accroche désespérément. Afin d'oublier son passé, ils démarreront une nouvelle vie ensemble à Stockholm, mais les fantômes latino-américains, la monotonie, la dépendance et les anxiolytiques feront ressurgir la paranoïa...
Dans ce roman bref mais intense, Castellanos Moya, l'un des auteurs latino-américains les plus respectés et influents, revient à l'un de ses sujets centraux : le déracinement des hommes et des femmes qui ont subi la violence et qui n'arrivent à trouver refuge ni chez eux ni ailleurs.
Le portrait précis et ironique d'un intellectuel condamné à l'errance. Un récit où la paranoïa et les souvenirs ensorcellent le lecteur.
Accusé d’abus sexuel Erasmo Aragon, se retrouve sans emploi. Professeur d’espagnol dans une université des USA où il a trouvé refuge après avoir fui la violence de son pays, le Salvador, Erasmo se retrouve sous la menace de devoir quitter les Etats-Unis maintenant qu’il est sans emploi. C’est lors de son hospitalisation en hôpital psychiatrique suite à la dépression où l’ont conduit les fausses accusations dont il est l’objet, qu’il fait la connaissance de Josefin, infirmière suédoise, avec qui il va vivre et qui va bientôt lui proposer de s’installer à Stockholm. De nouveau déraciné, sans travail et dépendant de Josefin, Erasmo va bientôt sombrer dans la paranoïa et l’angoisse.
Ce roman, très court, nous raconte le destin d’un homme déraciné qui peine à trouver sa place et dont les tentatives pour s’installer ailleurs et y faire sa vie sont vouées à l’échec ou, en tous les cas, soumises à de nombreux aléas.
Peut-être est-ce la brièveté du roman, mais il est un peu compliqué de s’attacher à ce récit. Ou plutôt, il demande un peu de temps pour apprivoiser le style de l’auteur et le personnage particulier d’Erasmo, et quand le lecteur y parvient, il est arrivé à la conclusion. D'où un léger sentiment de frustration et d’inachevé.
L’histoire se déroulant du point de vue unique d’Erasmo, on a aussi du mal à comprendre les motivations de Josefin. Qu’est-ce qui a pu ainsi la pousser à proposer à un homme qu’elle connait à peine et dont elle sait les penchants dépressifs à la suivre en Suède ? Qu’attendait-elle de cette relation avec un homme sans travail, qui ne parle pas Suédois et qui n’arrive donc pas à s’intégrer dans ce nouveau pays et entièrement dépendant d’elle financièrement ? Autant de questions sans réponses mais qui ne peuvent conduire qu’à une catastrophe finale.
Reste ce sujet intéressant en soi du déracinement, de la difficulté de vivre dans un autre pays, de créer des liens, d’accéder à une autre culture et des conséquences que cela peut avoir. Par ailleurs, Erasmo fait preuve d’une belle lucidité sur lui-même, sur ses manquements et ses faiblesses aidé en cela par la plume précise voire quasiment clinique d’Horacio Castellanos Moya.
Une lecture en demi-teinte mais qui m’a permis de découvrir un auteur que je ne connaissais pas jusque-là.
Dans le prolongement de la parution en poche de Moronga le 12 mai dernier, les Éditions Métailié ont également publié ce tout nouveau titre du Salvadorien Horacio Castellanos Moya. C'est un roman beaucoup plus court que le précédent, et qui reprend l'un des personnages de Moronga, Erasmo Aragón, journaliste et professeur, dont la situation à la toute fin de l'opus précédent, n'était guère brillante : à cause des mensonges de la fille adoptive de ses logeurs airbnb, l'accusant d'abus sexuels totalement fictifs, il se retrouve sans emploi, sans papiers, sans argent. Avec en prime, une dépression. Pour faire simple, un Erasmo Aragón au fond du trou. Hospitalisé, puis mis sous traitement, nous le retrouvons en Suède, logé et nourri par sa compagne, Josefin, qui n'est autre que l'une des infirmières qui l'a suivi lors de son hospitalisation.
Le pays est différent, les problèmes pour Erasmo restent les mêmes, si ce n'est pire puisqu'il ne parle pas suédois et que cet isolement ne favorise pas l'apaisement de sa paranoïa. Cette paranoïa est toujours latente, elle resurgit ponctuellement comme un diable en boite, et a trouvé dans la capitale suédoise un terrain fertile pour s'épanouir. La situation d'Erasmo n'est, en effet, guère glorieuse, il est presque totalement dépendant de sa compagne, ne vivant que des rares traductions qu'on lui propose, peu rémunérées, Erasmo vivote, plus qu'il ne vit. À cet égard, le titre est évocateur, l'homme, en perdant son indépendance, a perdu sa fierté, et la relation qui le lie à Josefin est totalement déséquilibrée, l'amour ou le désir ne fait plus partie de ses composantes, il est devenu une charge, un animal domestique que l'on nourrit et entretien, jusqu'à l'erreur de trop.
On pensait Erasmo au fond du trou, on s'aperçoit dans L'homme apprivoisé qu'il peut encore creuser un peu plus : la déshumanisation est totale. On l'observe s'enfoncer davantage encore, s'il croyait fuir le pire, il connaît ici une solitude un peu plus profonde qui épaissit encore un peu plus le brouillard paranoïaque dans lequel il s'est enfoncé. Certains se réfugient dans l'alcool, Erasmo a choisi la paroxetine comme ultime béquille : Erasmo ne brillait déjà pas par ses qualités humaines alors qu'il était aux Etats-Unis, et auparavant en Europe, il s'est encore plus enfoncé dans son propre univers, ici, ne considérant que ses besoins propres. Si lui n'a donc pas conscience du fossé grandissant qui le sépare de Josefin, le lecteur en revanche est touché en plein fouet par l'égoïsme de l'homme, qui ne finit par réagir qu'en termes de sursauts ultimes et instinctifs, des derniers réflexes de survie - celui de manger, boire et respirer - purement animaliers, ayant délaissé toute autre forme de réflexion, de travail intellectuel jusqu'au moindre esprit d'initiative.
La docteure lui a expliqué que ce genre de sentiments, culpabilité et auto-apitoiement, sont des restes de la dépression que la paroxétine n'arrive pas à contrôler. Elle lui a dit que le cachet était comme un excellent gardien de but qui laisse parfois un ballon entrer dans sa cage. Elle cherche presque toujours une comparaison footballistique pour expliquer les problèmes : elle a longtemps pratiqué ce sport. Lui, il s'est dit que le cachet était comme un gardien qui encaisse des buts toujours du même côté, mais l'image lui est venue après qu'il est sorti de la consultation. Il a perdu les réflexes, l'étincelle, l'envie de provoquer avec des traits d'esprit.
Si Erasmo abhorre les Etats-Unis et les valeurs qu'ils représentent, il n'a rien trouvé en Suède, l'homme est instable, qu'il ne voit plus comme un eldorado, comme un pays dépourvu d'intérêt pour lui, devenu hostile, ou les dangers sont désormais aussi présents qu'ailleurs, ou la Suède est devenu un ennemi à lui seul avec sa langue dont il ne capte pas un mot. Pour Erasmo, les choses finissent un peu comme dans Moringa, dans un statu quo qui ne mène à rien de concret pour Erasmo. On peut subodorer qu'il y aura une conclusion à l'histoire d'Erasmo, ce migrant déraciné, poussé hors de chez lui par la violence ambiante, dans un titre à venir. Néanmoins, où qu'il aille, le Salvador est toujours derrière lui, par l'ombre des mareros, et d'autres concitoyens, eux aussi, témoins indirects ou directs du marasme ambiant que font régner les gangs.
L’homme apprivoisé du titre, c’est Erasmo Aragón, l’un des (anti-)héros de « Moronga », précédent opus de Castellanos Moya.
Erasmo, ancien militant gauchiste salvadorien, avait fui la violence de son pays et trouvé refuge aux USA, où il occupait un poste de professeur d’espagnol dans une obscure faculté du Wisconsin.
Désormais quinquagénaire, il sort tout juste d’un bref séjour en hôpital psychiatrique après avoir souffert d’une grave crise nerveuse provoquée par des accusations d’abus sexuel. Lesquelles, bien que totalement fausses, ont tout de même causé son licenciement. Sans travail ni revenus, et bientôt sans permis de séjour, Erasmo évite néanmoins un retour fatal en Amérique centrale grâce à Josefin, une infirmière suédoise qui l’a hébergé avant de lui proposer d’aller s’installer avec elle à Stockholm.
Voilà donc Erasmo qui coupe les ponts avec son passé et qui commence une nouvelle vie, sous anxiolytiques et aux crochets de sa nouvelle compagne. Mais malgré les médicaments, le désœuvrement, la dépendance financière et les frustrations auront tôt fait de ranimer sa paranoïa.
Dans ce roman court et intense, l’auteur revient à ses thèmes de prédilection : l’angoisse, le déracinement et l’errance perpétuels de ceux qui ont fui leur pays, tentent leur chance dans un autre mais échouent à s’y sentir chez eux.
Ce livre-ci me laisse un peu sur ma faim, parce qu’il est un peu trop bref et un rien moins intense que d’autres textes de Moya, notamment ceux écrits à la première personne du singulier, dans lesquels on se retrouve jouissivement enfermé dans la tête du narrateur en pleine logorrhée féroce proche du flux de conscience. Mais en toute logique, Moya n’a pas utilisé ce procédé ici, le cerveau autrefois bouillonnant de ce pauvre Erasmo étant désormais « apprivoisé » par les calmants.
Quoi qu’il en soit, le propos est toujours aussi pertinent, le ton lucide et ironique, et les fans de l’auteur y trouveront largement leur compte.
En partenariat avec les Editions Métailié.
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