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Les non-dits ravagent sournoisement les esprits. Quelle blessure peut renfermer une femme au point de la rendre cruelle sans qu'elle s'en rende compte ? Issue de la France rurale, Henriette va tout faire pour s'en éloigner. Vivre à la ville ressemble à une délivrance. Mais le bonheur file vite, surtout quand son époux décide de reprendre la ferme dans el village qui l'avait fait tant souffrir. Pierre Perrin nous plonge dans la vie d'une femme née au siècle dernier. Ses descriptions du monde rural et de ses pratiques enrichissent finement le texte. Enlisée dans une époque, Henriette survit, s'entête, souffre, se laisse submerger par la colère, sans que personne comprenne que ses rêves avortés l'ont brisée. Son fils, si peu compris lui aussi, n'a pas encore vu que sa mère était morte de n'avoir pu partager le soleil des autres .
Au fin fond de la campagne française, nous suivons l'histoire de Henriette, fille de paysans, d'Adrien, son mari et de François, son fils.
L'histoire commence en février 1945 quand Adrien, journalier agricole, rentre de captivité et retrouve sa fiancée, Henriette, qui le convainc de passer l'examen pour devenir gendarme; il le réussit et voilà le couple parti en poste en Allemagne où naît François. Mais Adrien a la nostalgie de la terre, il démissionne et en février 1954, la famille rentre à la ferme. François a quatre ans. Henriette, qui avait tant rêvé d'en partir, est détruite de l'intérieur, devenant dure, insensible, injuste avec son mari et son fils.
François, à son tour, voudra échapper, non à la ferme mais à sa mère et part à 11 ans au séminaire qu'il quittera à 18 ans. Il se marie, a des enfants, des petits-enfants mais le manque d'amour de sa mère reste une blessure inguérissable.
Ce roman fleure bon (et parfois nettement moins bon !) le terroir. L'auteur dépeint fort bien la vie à la ferme dans les années 50-60, pénible, dure, harassante mais aussi la découverte de la nature, des animaux, des fleurs, des plantes par un enfant au travers des yeux de son père dont il est très proche. Le monde rural de cette époque est marqué par la violence des enfants entre eux, contre les femmes qui sont souvent perçues comme des proies, contre les animaux qui ne se conçoivent qu'utiles.
"Le Soleil des autres" nous offre deux beaux portraits; celui d'Henriette, la mère, qui perd toute joie de vivre à son retour à la ferme, qui s'assèche, se durcit mais jamais ne se plaint, qui reste droite quelles que soient les épreuves, qui ne courbe pas et celui de François son fils; toute sa vie, il quémandera l'amour de sa mère et ne comprendra que fort tardivement ce qu'elle a du endurer. Lui aussi subit en silence la dureté de la vie rurale en étant le souffre-douleur de deux vauriens, en ne pouvant laisser exprimer sa sensibilité.
Le style est recherché, très travaillé, un peu trop au point que j'ai dû relire certains phrases à plusieurs reprises pour en saisir le sens; l'auteur varie les registres en fonction des personnages jusqu'à le rendre ordurier. Le style sait se faire poétique pour décrire la nature et ses trésors.
Je remercie les éditions Sinope pour m'avoir donné l'occasion de découvrir l'auteur et de me replonger dans mes souvenirs de petite-fille de paysan à la même époque.
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