A quoi ressemble la vie d'une femme passée par la prison ?
Quatorze femmes brisent un tabou : la sortie de prison. Car la libération, angle mort de la politique carcérale, se révèle bien plus périlleuse que pour les hommes.
Il faudra réapprendre les gestes du quotidien. Renouer avec le corps. Beaucoup ne porteront plus de bleu, la couleur des gardiens.
D'autres achèteront du parfum capiteux pour oublier l'odeur.
Certaines retrouveront leurs enfants, devenus grands.
Dehors, c'est un terrain miné, surtout pour les victimes de violences conjugales, qui ont vécu la prison comme un répit.
Ces voix déchirantes s'élèvent grâce au talent d'Elvire Emptaz. Leïla Slimani, qui préface le livre, ne s'y est pas trompée : il fallait cette délicatesse pour écrire, enfin, ces destins tranchés à la lumière du jour.
A quoi ressemble la vie d'une femme passée par la prison ?
La question en sous-titre interpelle et lorsqu'on la lit, on s'interroge sur ces faits qu'on occulte souvent : les femmes aussi vont en prison et comment le vivent-elles ?
L'angle de point de vue choisi par l'auteure Elvire Emptaz est plus précis, celui de la sortie de prison parce qu'elle s'est rendu compte que c'est un moment stressant, inquiétant pour les femmes en prison. Dans une sorte d'enquête, Elvire Emptaz nous présente donc ce fait et ces raisons, et en expliquant cela à partir de témoignages, elle aborde forcément sans s'alourdir les autres sujets et elle répond à notre curiosité.
14 femmes se sont livrées à l'auteure et ont accepté de se raconter, raconter la plongée dans le monde judiciaire, dans le monde carcéral voire avouer la raison de leur condamnation, leur vie dans l'enfermement et leur sortie souvent espérée toujours crainte.
Ce sont des témoignages profondément humains qui nous font entrer dans la vie de ces femmes qui nous semblent pour certaines proches de nous ou qui pourraient l'être; Elvire Emptaz par son écoute a recueilli leurs confidences, et dans une sorte d'essai a classé leurs préoccupations, a décortiqué leurs émotions et leurs sentiments. Elle réussit à force de chiffres à nous renseigner sur cette condition de la femme en prison, une condition qui est encore inégalitaire par rapport aux hommes : le soutien extérieur, de la famille, et intérieur, les parloirs, les études et les formations ... C'est finalement de réinsertion dont on s'inquiéte en lisant ces témoignages et cette enquête pour ces femmes.
C'est une véritable mise en lumière de ces exclues en plus d'un texte agréable à lire, intéressant et nécessaire pour notre société. #Jesuisdehors #NetGalleyFrance !
Elvire Emptaz a rencontré et interrogé, pendant une année, 14 femmes détenues ou ex-détenues pour comprendre comment elles vivaient leur vie dehors ou leur prochaine sortie définitive de prison. Cet essai aborde un sujet très rarement évoqué et pourtant essentiel à la non-récidive de ces femmes, qui représentent 3,1% de la population carcérale en France.
Le constat principal est que toutes ces femmes, surtout les longues peines, ont peur de l'extérieur, de quitter un milieu familier, voire protecteur dans un sens car l'immense majorité d'entre elles avaient subi des violences avant leur incarcération. Elles redoutent de ne plus êtres prises en charge dans un quotidien structuré, sans responsabilités ni décisions à prendre. Dehors, elles doivent apprendre à se déconditionner de toutes les contraintes de la prison subies et intériorisées, il leur faut apprivoiser la solitude, devenir des individualités et n'être plus uniquement un numéro d'écrou. Toutes ces femmes restent à jamais marquées par la prison dans leur vie, leurs corps, leur esprit, leurs relations aux autres. Elles sont souvent dépendantes aux anti-dépresseurs qui leur sont prescrits avec facilité en prison pour qu'elles restent calmes et qu'elles puissent dormir.
Les inégalités hommes-femmes perdurent dans la traitement judiciaire des femmes délinquantes ou criminelles : comme il y a très peu de prisons pour femmes, elles sont le plus souvent à des centaines de kilomètres de leurs proches et reçoivent peu de visites, les jugements pour avoir tué son conjoint sont plus durs quand le meurtrier est une meurtrière, elles bénéficient de moins de stages de formation, ceux-ci ouvrant sur des métiers sans perspective, on leur accorde moins de permissions de sortie.
La journaliste les a écoutées sans juger même si un témoignage d'infanticide a violemment heurté sa sensibilité de mère. L'auteure nous donne à voir avec respect, sans voyeurisme ni sensationnalisme, une réalité peu connue. On ressent toute l'empathie d'Elvire Emptaz pour les femmes qu'elle a rencontrées et elle nous transmet, à travers ces témoignages, le message que chacune d'entre nous peut un jour faire la mauvaise rencontre, prendre la mauvaise décision, ne plus voir d'issue autre que la violence et se retrouver en prison.
Cet essai est passionnant, il m'a fait prendre conscience d'un monde qui m'est totalement inconnu et m'a fait réfléchir sur les parcours de vie que la journaliste nous a présentés.
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