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Peuplé de personnages qui sont autant d'écorchés vifs, Sunset Park explore les capacités de dévastation des traumatismes enfouis lorsqu'ils se trouvent relayés par la cruelle évolution des sociétés matérialistes contemporaines. Ou comment, sept ans après l'effondrement des Twin Towers, la crise des subprimes porte un nouveau coup au rêve américain et oblige les individus à une radicale révision de la manière d'appréhender leur propre histoire.
J'étais encore à l'université lorsque j'ai découvert Paul Auster, un véritable coup de cœur pour cet auteur américain, francophone de surcroît, dont je traquais chaque interview, chaque apparition télévisuelle et chaque nouveau roman avec assiduité. Puis, il y a eu "La nuit de l'oracle" qui m'a laissé un sentiment mitigé et surtout le pesant "Dans le scriptorium" qui a considérablement réfréné mon intérêt pour l'auteur. J'ai toutefois poursuivi la lecture le temps de "Seul dans le noir" avant de faire une halte nécessaire. Quelques années se sont écoulées avant que je ne replonge dans "Brooklyn follies" et "Invisible" mais l'envie n'était plus là.
Puis inscription sur Babelio, de belles critiques de lecteurs, quelques échanges avec des passionnés et l'envie soudaine de revenir vers cet écrivain qui, aujourd'hui, ne jouit plus de la même aura qu'il y a une dizaine d'années.
J'ai donc entamé la lecture de "Sunset Park" avec un peu d'appréhension, un sentiment qui s'est envolé dès les premières pages de ce roman pour se transformer en un véritable coup de cœur. Si ci et là, on reconnaît la plume singulière de l'auteur, il faut avouer que l'approche littéraire choisie par Paul Auster tranche considérablement avec ce à quoi il nous avait habitués.
"Sunset Park" se présente comme une succession de segments consacrés à l'un des personnages, à l'exception du dernier d'entre eux dans lequel chaque protagoniste a voix au chapitre. L'auteur/narrateur omniscient nous invite donc dans la psyché de ses créatures et dépeint avec une froideur surprenante les états d'âme et les aspirations créatives d'une communauté de cabossés qui aspirent, chacun à leur manière, à apaiser les palpitations ardentes d'un cœur mis a rude épreuve.
En rupture avec la société, Miles, Bing, Alice et Ellen décident d'unir leur force et de se retirer en un lieu que l'homme a abandonné, un abri qui a perdu sa fonction définie, un écrin parfait pour qu'ils puissent renaître socialement parlant. Autour de ces quatre-là gravitent d'autres personnages qui traversent leur existence ou l'ont traversé et qui auront, chacun à leur manière, une influence sur leur cheminement de vie.
Si Miles Heller tient le haut du pavé, Paul Auster parvient à donner à chacun une consistance, une profondeur qu'il nourrit grâce à la littérature, au cinéma, non en multipliant les références, mais en utilisant des œuvres comme fil d'Ariane. Ainsi, le film "Les plus belles années de notre vie" traverse l'ensemble du roman et l'on peut voir la perception et l'impact qu'il a pu avoir sur chaque personnage. Paul Auster, malgré la distance qu'il place dans son écriture, entend bien nous démontrer combien l'Art, au sens large, influence nos vies, marque nos existences et accompagne tant nos joies que nos tourments.
Pas de happy-end, pas de traitement particulier pour l'une ou l'autre de ses créatures, Paul Auster met Miles, Bing, Ellen, Alice, Morris ou son ancienne épouse face à leurs choix, à leurs erreurs et dresse de tout ce petit monde un portrait saisissant de réalisme, un portrait paradoxal puisque tout partait à la base d'une utopie. L'écrivain ne juge pas, ne ferme pas la porte à la rédemption, ni ne condamne la fuite, il montre simplement l'âme humaine dans toutes ses contradictions.
L'écrivain semble marcher sur un fil, le récit est en permanence à la limite de la rupture et l'on sent que tout peut basculer d'un moment à l'autre. Pourtant, ce que l'on ressent dans l'écriture d'Auster, c'est au contraire un véritable équilibre, une maîtrise narrative et stylistique impressionnante qui confère un plaisir de lecture immédiat et diffus. Autant l'avouer, je n'en demandais pas tant pour mes retrouvailles avec Paul Auster.
"Nous ne devenons pas plus fort avec les années. L'accumulation de souffrances et de chagrins affaiblit notre capacité à supporter d'autres souffrances et d'autres chagrins , et comme ceux-ci sont inévitables, un revers même petit, s'il survient tard dans la vie, peut résonner avec la même force qu'une tragédie majeure quand nous sommes jeunes."
Cette phrase qui résonne tout particulièrement en moi illustre bien "Sunset Park" dont on peut dire qu'il est le livre des possibles à jamais perdus. Les personnages attachants mis en scène par Auster ne vivent pourtant pas totalement engoncés dans les regrets et la rancœur comme on pourrait s'y attendre. Même Miles, le personnage principal, qui vit marqué par une erreur de jeunesse aux conséquences dramatiques, accepte son sort et s'y résigne à sa façon.
Les personnage deviennent à tour de rôle narrateurs pour raconter un événement fondateur de sa vie qui l'a marqué à jamais. Dans un second temps, chacun reprend la parole pour raconter leur présent, leur sentiment et leurs questionnements, tandis que leur avenir très incertain s'inscrit sous forme de point d'interrogation.
En dépit de personnages au vécu bien triste, la lecture de ce livre me laisse un sentiment positif. Loin du "Bonheur" permanent impossible que tant de gens recherchent, forcément sans succès, à notre époque, Auster décrit la vie telle qu'elle est : pleine de heurts et de malheurs, de joies et de peines, de bonheurs et de malheurs alternés. A nous de profiter des uns et de traverser les autres le mieux possible.
Un très grand livre qui m'a totalement envoûtée et transportée à New York.
Une belle aventure des états d'âmes et du soi.
Miles, un jeune homme rongé par la culpabilité, abandonne tout. De petit boulot en petit boulot, il se retrouve en Floride où il trouvera l'amour. Un amour interdit aux yeux de la loi, mais pourtant sincère. Pour se protéger et ne pas la perdre, il s'éloigne d'elle et retourne à ses origines, New York. C'est par amour pour elle qu'il va renouer avec sa famille, à qui il n'a pas donné de nouvelles depuis 7 ans, et accepter de vivre avec ce poids, le poids de la mort de son demi-frère.
Pendant ces 7 ans Miles n'aura gardé de son ancienne vie que son amitié avec Bing. C'est chez lui, ou plutôt dans leur squat, qu'ils vivront avec deux autres squatteurs. Il y rencontrera Alice, une intellectuelle peu sûr de son physique, et Ellen, une artiste qui a du mal à se trouver, en recherche d'amour.
Ce que je reprocherai à ce récit, ce sont ses quelques énumérations lourdes et mal écrites, les quelques fois où il s'épanche sur un sujet ennuyant et inintéressant pour l'histoire (le base-ball et les acteurs américains qui me sont inconnus, sujets qui ne me touchent pas du tout, mais bon il est américain on peut pas lui en vouloir). Et peut-être aussi la facilité de faire un livre court alors qu'il y avait matière à développer.
Sans ça, ça reste un roman très agréable à lire et qui se lit vite. Parfait à lire pour un petit week-end bien au chaud.
Paul Auster est décidemment un chouchou des médias, dès qu’un de ses livres sort, les critiques de la presse se précipitent ignorant des tas d’autres romans passionnants d’auteurs moins connus… et j’avoue que cet engouement me laisse un peu perplexe…
J’ai lu 5 ou 6 livres de Paul Auster mais j’ai du mal à savoir lesquels car si je les lis en général sans déplaisir, je les oublie également assez vite (à part le voyage d’Anna Blume et Moon Palace, les premiers que j’ai lus).
Je ne sais pas si Sunset Park me restera en mémoire… car si j’ai lu celui-ci encore sans déplaisir, je dois faire partie des lecteurs inattentifs ou trop pressés stigmatisés par Télérama qui n’ont pas décelé le bijou ou le chef-d’œuvre annoncé. D’abord, pour apprécier pleinement ce roman, il faudrait se plonger dans l’histoire et les règles du baseball, ce qui permettrait d’apprécier la vingtaine de pages qui y sont consacrées et auxquelles le lecteur français ne comprend en général pas grand-chose. Il faudrait également visionner auparavant « Les plus belles années de notre vie », film réalisé en 1946 par William Wyler qui a remporté 10 oscars en 1947 et qui raconte la démobilisation de trois soldats américains : ce film revient en fil rouge tout au long du roman et forcément, c’est mieux si le lecteur l’a vu avant !
En dehors de ces deux détails qui ne gêneront pas tout le monde, j’ai bien aimé cette histoire mélancolique qui met en scène un jeune homme rongé par la culpabilité à cause d’un acte commis consciemment ou pas dans sa jeunesse, et qui décide de rompre avec sa famille le temps de remettre les choses à plat, sur fond de crise économique et morale. Miles coupe les ponts avec New York, son père et sa belle-mère, sa mère, actrice à succès, et après une errance de 7 ans, rencontre Pilar, une jeune fille encore au lycée, une mineure dont il tombe éperdument amoureux et dont la sœur ainée le menace de chantage. Tout cela l’amènera à Sunset Park, à Brooklyn, un squatt délabré qu’il partagera avec trois jeunes gens un peu déboussolés, qui ont du mal à se retrouver dans l’absence de valeurs ambiante, en mal d’expression, de logement et de moyens…
Mélancolique et assez pessimiste…
Roman sombre ,tristement lucide
formidable livre sur la désespérance. Chacun des personnages est décrit, disséqué avec une fantastique justesse...
Un régal! Auster nous surprend encore! Il parle de culpabilité,de violence, de la difficulté de communiquer avec ses parents, de mort, de fuite etc....C'est sublime!
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