Lara entame un stage en psychiatrie d’addictologie, en vue d’ouvrir ensuite une structure d’accueil pour jeunes en situation d’addiction au numérique...
Livre inoubliable, livre d’une humanité réconfortante, récit complexe, écrit et construit simplement. Ce roman est un énorme succès, il était vraiment temps pour moi de le découvrir puis d’écouter le Requiem de Mozart avec une intensité d’émotions renouvelée.
Alexandrine est dévouée depuis une vingtaine d’années auprès de son mari, s’accordant très peu de sorties. Incorporé lors de la deuxième guerre mondiale, Blaise est revenu gravement handicapé de la bataille de la Somme, le visage horrible à voir et les membres tronqués. Il a besoin de soins en permanence. Un jour Alexandrine reçoit une invitation d’une amie d’enfance Irène, pour une partie de chasse en Normandie. Elle décide d’y aller, confiant son mari à La Petite Bonne embauchée depuis peu. Début d’une confrontation étouffante entre une jeunette déjà bien marquée par la vie et un homme au corps en ruine, cherchant à en finir. Lui aurait pu en rester à sa colère, elle aux tâches ingrates de la liste établie par la patronne et retrouver dans quelques jours son mari violent. Et pourtant leurs vies va prendre un nouveau tour... On suit aussi Alexandrine dans ces quelques jours à la campagne qui vont modifier son destin.
Le style est superbe : des poèmes en vers libres – en fait des phrases courtes sans ponctuation, à gauche ou à droite de la page – décrivent l’essentiel des faits et des sentiments de La Petite Bonne, alternant avec une prose plus riche pour Monsieur ou Madame. Alignés à gauche on entre dans les pensées de La Petite Bonne (sa seule identité) et petit à petit dans celles de Blaise. Le texte en prose est réservé à Monsieur ou à Madame qui se nomment entre eux par leur prénom : Blaise et Alexandrine. Ces deux là se sont aimés follement mais maintenant la vie est un calvaire qui n’en finit pas. Enfin, il y a ces vers libres mystérieux alignés à droite dont le sens échappe au lecteur avant de se dévoiler peu à peu. L’autrice, habilement, nous réserve la surprise, inventant une construction remarquable, unique, plaisante. C’est une symphonie, Bérénice Pichat en chef d’orchestre des mots – les voix comme dans une chorale réparties dans l’espace de la page –, nous emmène vers un final grandiose, pour une tragédie moderne hésitant entre une mort annoncée et la vie qui cherche encore une place dans les décombres.
Le récit réaliste propose des passages cruels et d’autres d’une infinie douceur, entre une gueule cassée de « la grande guerre » et une petite bonne « au service des maisons bourgeoises ». Le huis clos entre ces deux-là va modifier les lignes. On découvre un homme et une femme aux vies abîmées que tout sépare, sauf une humanité que leur proximité imposée peut faire renaître. Pianiste, une carrière s’ouvrait à lui. La Petite Bonne dans une autre vie, débarrassée de la misère et de ce mari violent, aurait pu s’ouvrir aux émotions dirigées par l’art. On le ressent tellement sous la belle plume de l’auteure quand l’employée aux basses tâches entend le Requiem de Mozart sur le gramophone...
Malgré son état Blaise en est encore à commander. On perçoit aussi que le mari de La Petite Bonne décide pour elle, la bat à l’occasion… Pourtant Blaise ressent qu’il a en face de lui une autre âme brisée, et une sensibilité qui ne demande qu’à s’épanouir. Le suspens surprenant allie le fond et la forme. J’y ai vu l’affirmation qu’une paix est possible, qui passe par l’éducation des femmes, leur accès à l’égalité et à leur émancipation. J’y ai vu la question de l’aide à mourir que la fiction parvient à aborder à travers le sensible, mieux qu’une froide tribune. C’est un roman implacable sur des questions universelles, sur les rapports de classe, les rapports de sexe, les corps soumis... Parabole possible d’un patriarcat impliqué dans les désordres du monde avec des images et moments de la sphère intime, lorsque les femmes bousculent l’ordre établi.
Bérénice Pichat est professeure des écoles au Havre. Elle est présentée comme une passionnée d’histoire. On a en effet un tableau convainquant de ce petit peuple féminin peu ou pas considéré qui officiait dans toutes les maisons bourgeoises. Leurs rêves auraient pu être de pinceaux, de poésie, de musique, elles n’étaient que destinées aux balais et aux soins des hommes, ces hommes obligés d’apprendre le maniement des fusils à baïonnette… Merci à l’auteure pour La Petite Bonne, pour toutes Les Petites Bonnes, Merci à l’auteure pour tous les jeunes hommes aux corps écrasés par la guerre. Merci pour ce que cela dit de nos vies, de nos angoisses.
Hasard ou pas – mes lectures sont souvent choisies à l’intuition ou recommandations diverses, ce qui n’est pas si loin du hasard... – j’ai commencé Trois guinées de Virginia Woolf. Avec la possibilité de poursuivre la réflexion d’une manière plus théorique. J’ai hâte... La domination, les guerres semblent là depuis toujours. Et si une des possibilités de l’art était de ne jamais s’accommoder de cet état de fait ? Qu’en pensez-vous ?
+++ sur Bibliofeel...
Passée la surprise de l'écriture; Très agréable à lire.
Comment peut-on échapper au gouffre qui attire vers la mort ? Ce n’est pas ce musicien enrôlé dans la Première Guerre Mondiale et revenu lourdement handicapé qui pourra répondre à cette question. Ni cette jeune bonne qu’un avortement de jeunesse entraîne inexorablement vers le fond.
Alors est-ce que la rencontre de ces deux destins peut créer l’alchimie qui leur redonnera le goût de vivre ?
Ce roman de Bérénice Pichat est avant tout un roman social qui parle des conditions de vie de l’après-guerre, à la fois de la bourgeoisie parisienne mais également de ses employés de maison.
La différence de classe est très marquée dans cette période qui hérite d’anciennes traditions de servitude. La bourgeoisie a très peu de considération pour ceux qu’elle emploie et la misère rend le personnel de maison corvéable à merci. Chaque jour n’est qu’humiliation et combat pour une survie qui reste fragile.
C’est ce fort contraste entre deux niveaux opposés de l’échelle sociale qui m’a dérangée et le cheminement de ces deux êtres brisés est tellement faussé d’avance que j’ai eu du mal à y voir le côté positif.
C’est si facile donner la part belle à la culture face à l’ignorance, à l’expérience de l’âge face à la naïveté de la jeunesse, aux privilèges de la bourgeoisie face au dénuement du prolétariat.
Alors oui, la beauté intérieure est ce qui compte le plus, surtout quand on est riche et éduqué…. Et cette histoire, certes émouvante et porteuse d’espoir, m’aurait beaucoup plus touchée s’il n’y avait pas eu une telle fracture sociale et intellectuelle entre les deux personnages.
Un roman agréable à lire par sa jolie construction qui fait croître en nous l’émotion et nous offre une belle image de la grandeur d'âme de cette Petite Bonne mais qui, au final, m’a plus hérissée que séduite.
Avec ce huis clos Berenice Pichat aborde des thèmes qui reste d'actualité avec le droit à mourir, le handicap, la dépendance. Sur un fond historique de la première guerre mondial l'autrice explore la douleurs des corps des gueules cassés, les différences des classes sociales, un récit avec une profondeur psychologique, la résilience d'âmes marquées par la guerre ou la vie. Une brillante lecture où l'on alterne vers libres et proses. Récit humain, cruelle et lumineux, une musicalité envoûtante. Une oeuvre riche. Un couple atypique avec Blaise le pianiste revenu de la guerre mutilé et la narratrice une "Petite bonne" au service d'Alexandrine.
"À ce petit jeu, tel est pris qui croyait prendre. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle l'invite à sa table. Un point pour elle. Elle a compris qu'il jouait, elle est entrée dans la partie. Ce qu'elle ignore encore, c'est l'issue de ce jeu.
Elle se demande ce qu'elle doit faire."
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