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J’ai une façon intuitive d’appréhender la lecture d’un recueil de poèmes. Mon ressenti s’élabore en vers que je picore çà et là, ils infusent et diffusent mes émotions et forment un cours texte, je n’oserais pas dire un poème personnel.
Le voici :
« Offre-moi les contours des vers de l’enfance
La parole dénudée s’est unie au mistral
J’aurais voulu retrouver la pierre de l’enfance
Tu répands ta symphonie
Aligner les virgules aux courbes infinies
Voici venu bientôt le règne automnal
S’emparer de l’instant. Construire un monde. »
Et puis, il y a un poème qui émerge, celui du temps fugace, sur lequel on revient pour moi ce fut Consonnes, il a réveillé en moi la musicalité que l’avait offert la lecture de New York de Léopold Sédar Senghor.
Mona Azzam nous nourrit en abordant tous les thèmes qui lui sont chers : les mots, les éléments, la quête d’un ailleurs, une évasion salutaire.
« L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne » écrivait René Char, j’ajouterai que Mona ressemble à ces mamans oiseaux qui n’ont de cesse de chercher le meilleur pour donner la becquée à ses petits.
Merci.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2024/10/08/insomnies-perpetuelles/
« J’ai rêvé d’un monde de soleil dans la fraternité de mes frères » Léopold Sédar Senghor
Hélas, le monde est aussi tempête et des êtres aiment dominer les autres pour les rendre prisonniers dans leur pouvoir d’anéantissement. L’esclavage remonte à la nuit des temps et malgré son abolition, il demeure encore vivant sur terre. Pourtant l’un des biens les plus précieux de l’homme est la liberté durant son passage éphémère dans notre univers. Ne plus bâtir de porte sans retour.
Justement, cette porte sans retour. Un mur de pierre, une ouverture sur l’océan qui sera une fermeture sur la vie pour des milliers d’esclaves qui partaient de l’île de Gorée pour l’Europe ou l’Amérique après avoir été capturés à travers le continent africain. Mona Azzam rend hommage à ces victimes de la brutalité humaine par ce nouveau roman en mettant en scène un enfant italien qui trouve un trésor dans les eaux méditerranéennes : des rouleaux de papier contenant le témoignage manuscrit d’un esclave de l’île de Gorée. Seulement, il manque des rouleaux. Devenu archéologue, il continue sa recherche et arrive au Sénégal où il rencontre le père du directeur du musée de la Maison des esclaves…
Par la voix d’Acilio ou d’autres personnages, l’écrivaine fait résonner celles qui se sont tues.
Autant comme la laideur peut envahir le monde, autant comme la poésie et la beauté peuvent se poser avec délicatesse pour caresser les âmes meurtries par la sauvagerie humaine. Ce roman est sublime : pour le côté imaginaire, pour la force de l’hommage à ces milliers d’esclaves, pour le souvenir, pour les scènes finales qui vous font encore croire à l’humanité.
Plus on lit Mona Azzam, plus on peut définir la romancière comme une autrice humaniste qui transforme son cœur en encrier pour déverser sur les pages une myriade de mots aux couleurs de la vie et de la paix.
Le domaine de Squirelito ==> https://squirelito.blogspot.com/2024/06/noisette-en-memoire-dans-la-fraternite.html
Contemplerai les choses éternelles dans l’altitude de tes yeux
J’ai voulu un vers de Léopold Sédar Senghor pour continuer ce titre magnifique(issu des Éthiopiques), il n’est pas tiré de la même poésie, mais je trouve que l’association montre ce que Mona Azzam souhaite au plus profond d’elle-même.
Elle nous propose un autre regard, à Sant’Angelo la famille Maronti vit de la pêche de génération en génération. Elle est composée de la Nonna octogénaire vaillante et pudique du dernier des fils Luigi veuf et du jeune Acillio dix ans qui ne sera pas pêcheur.
Les adultes sont taiseux et d’une pudeur extrême « Les Maronti ne pleurent pas » ils sont naturellement solidaires.
Seul Acillio sait lire, il vit son enfance en liberté jusqu’au jour où il risque sa vie pour un trésor découvert lors d’une plongée risquée qui a laissé son père et la Nonna sidérés par la peur.
Ce trésor est si fabuleux qu’il va déterminer la vie d’Acillio, il sera archéologue.
La grand-mère le verra de l’au-delà.
Un petit coffre la photo d’un jeune noir et neuf rouleaux de papier.
Découvrez l’histoire de Venerdi, Domenica et tant d’autres, représentants d’un monde où l’esclavage était presque une norme.
Des voix s’élèvent qui disent que désobéir ce n’est pas naturel pour tous.
« Mais mes bourreaux ont fait de moi un bourreau passif. Je n’ai pas eu le choix. C’est eux, les maîtres. Et moi, l’esclave. Je n’ai pas eu le choix. J’ai obéi. Comme un esclave obéit à son maître. Sans rechigner. Je me rebelle ici même. Ces mots que tu lis ne sont autres qu’un acte de rébellion. La plus grande insurrection, de mot en mot, de phrase en phrase, de paragraphe en paragraphe…de page ne page. »
En ligne de mire, faire œuvre de mémoire.
Surprenante Mona dans la construction, l’articulation de son roman, fidèle dans ses valeurs qu’elle véhicule avec pugnacité.
Elle rêve d’un monde sans esclaves, d’aucune sorte, un monde de valeurs humanistes et elle n’est pas la seule.
Son roman résonne de cette musicalité douce résignée puis révoltée, en alternance, toujours traversé d’éclairs déchirant le noir du ciel et frappant au cœur de l’humanité la plus simple, la plus essentielle, celle de l’équité.
« Tu dois te demander, toi qui me lis, comment l’on fait pour survivre quand on est esclave ; quand on est dominé. Comment on fait pour ne pas se révolter. Comment on fait pour continuer à vivre, malgré tout. Sache que l’on ne se pose pas de questions. Un esclave obéit. Un point c’est tout. »
L’équité passe par l’éducation et la connaissance, les valeurs véhiculées sainement, nous sommes loin très loin de cela aujourd’hui la littérature est un vecteur essentiel pour cela.
« Les racistes sont des gens qui se trompent de colère »
Merci Mona de ce plaisir de lecture toujours doublée de cette réflexion tellement nécessaire. Rêvons tous d’un monde de soleil.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2024/06/09/dans-la-fraternite-de-mes-freres/
Pour planter le décor Romain Gary, écrivain français d’origine russe, est né Roman Kacew le 21 mai 1914 à Vilna faisant partie à l’époque de l’Empire russe. La ville redevient polonaise en 1920 jusqu'en 1939 et puis après la guerre deviendra Vilnius en Lituanie. Homme aux multiples activités, il a été successivement aviateur, résistant et compagnon de la libération , diplomate, romancier, scénariste et réalisateur.
Il eut mille vies, sans compter celles qu'il s'inventa dans une œuvre qui tient du palimpseste et du mille-feuille. Une œuvre électrique et baroque, signée d'un cortège de pseudos : Romain Gary, mais aussi Emile Ajar, Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat.
Romain Gary, qui disait avoir fait un pacte pour ne jamais vieillir s’est suicidé par balle le 2 décembre 1980 à Paris, laissant une lettre mystérieuse avec l'inscription "Jour J" et dans laquelle est notamment écrit : « Aucun rapport avec Jean Seberg , Je me suis enfin exprimé entièrement.» Il choisit ainsi de disparaître à l'âge de 66 ans, un an après le suicide de son épouse, Jean Seberg.
Mettre ses pas dans ceux de Romain Gary ou plutôt devrais-je dire Roman Kaciew c’est un sacré challenge que nous propose Mona Azzam
Un voyage sur les lieux de ses souvenirs d’enfance , un autre monde , une introspection à la fois étonnante et douloureuse …
«La vérité? Quelle vérité? La vérité est peut-être que je n'existe pas.» Ce n'est pas une formule, mais un désir d'échapper à tous, pour se fuir et s'inventer.
Un écrivain incandescent hors des standards qui m’a enchantée dès mon adolescence me faisant comprendre la différence entre un écrivain et un raconteur d’histoires …
Merci à Mona Azzam pour ce voyage
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