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1978. Deux ans avant qu'il ne mette fin à ses jours, Romain Gary entreprend un voyage vers les lieux de son enfance.
Six décennies plus tard, il n'aspire qu'à une chose : revenir sur cette terre des débuts.
Après une vie passée à tenter de réaliser les rêves maternels, à jongler entre les multiples facettes de sa personnalité, re-devenir, une dernière fois, Roman Kacew, s'impose.
Ce retour sur les lieux de son enfance lui permettra-t-il de retrouver son véritable JE ?
Retrouvera-t-il ses premières amours ?
Mona Azzam est professeur de lettres modernes. Elle est auteur d'une dizaine de romans, notamment Camus, L'espoir du Monde et Ulysse a dit.
Pour planter le décor Romain Gary, écrivain français d’origine russe, est né Roman Kacew le 21 mai 1914 à Vilna faisant partie à l’époque de l’Empire russe. La ville redevient polonaise en 1920 jusqu'en 1939 et puis après la guerre deviendra Vilnius en Lituanie. Homme aux multiples activités, il a été successivement aviateur, résistant et compagnon de la libération , diplomate, romancier, scénariste et réalisateur.
Il eut mille vies, sans compter celles qu'il s'inventa dans une œuvre qui tient du palimpseste et du mille-feuille. Une œuvre électrique et baroque, signée d'un cortège de pseudos : Romain Gary, mais aussi Emile Ajar, Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat.
Romain Gary, qui disait avoir fait un pacte pour ne jamais vieillir s’est suicidé par balle le 2 décembre 1980 à Paris, laissant une lettre mystérieuse avec l'inscription "Jour J" et dans laquelle est notamment écrit : « Aucun rapport avec Jean Seberg , Je me suis enfin exprimé entièrement.» Il choisit ainsi de disparaître à l'âge de 66 ans, un an après le suicide de son épouse, Jean Seberg.
Mettre ses pas dans ceux de Romain Gary ou plutôt devrais-je dire Roman Kaciew c’est un sacré challenge que nous propose Mona Azzam
Un voyage sur les lieux de ses souvenirs d’enfance , un autre monde , une introspection à la fois étonnante et douloureuse …
«La vérité? Quelle vérité? La vérité est peut-être que je n'existe pas.» Ce n'est pas une formule, mais un désir d'échapper à tous, pour se fuir et s'inventer.
Un écrivain incandescent hors des standards qui m’a enchantée dès mon adolescence me faisant comprendre la différence entre un écrivain et un raconteur d’histoires …
Merci à Mona Azzam pour ce voyage
« Vivre est une prière que seul l’amour d’une femme peut exaucer »
Mona Azzam excelle dans l’exercice de partager ses amours littéraires, après son Camus elle nous entraîne dans un magnifique voyage avec Romain Gary.
Pour cela il faut bien connaître l’œuvre et l’homme sans faire peser son savoir mais au contraire rendre la route légère de façon à donner envie de découvrir ou redécouvrir les monuments de la littérature.
Elle a la parfaite connaissance de son sujet et chaque mot est gonflé de la passion qui l’habite.
Nous visitons Vilnius au crépuscule de Romain Gary qui souhaite remettre ses pas dans ceux de l’enfant qu’il est jusqu’à son dernier souffle.
Une construction en quatre actes et des unités de la promesse zéro à la promesse zéro.
Gary a vécu sa vie comme un homme de théâtre, il a tout donné mais lorsque le rideau se baisse il est face à lui-même. Un homme accompli, qui a su prendre des risques, mais c’est un homme qui a des failles.
« Mais …permets-moi Mina, de te dire que je suis fatigué. Fatigué d’avoir à assembler sans arrêt ces multiples facettes de moi. Fatigué de me replier sous des carapaces qui aujourd’hui me pèsent. Mon habit de scène m’étouffe aujourd’hui. Il m’empêche de respirer. »
Bien évidemment dans ce voyage à Vilnius les lecteurs retrouvent Mina plus vivante que jamais, illustration parfaite qu’un mort est vivant autant de temps qu’une personne qui l’a connu le garde en son cœur jusqu’à son dernier souffle.
Mais ce voyage, et c’est là sa force, montre les failles sur lesquelles s’est construit l’immense GARY, la réussite n’efface pas les humiliations de l’enfance.
L’homme est un mélange explosif d’émotions, l’enfant toujours tapi au creux de son âme, la bravoure, l’héroïsme, le succès rien n’est venu colmater ces failles.
Pour moi Gary est un écrivain immense et le plus émouvant, émotions démultipliées avec Ajar.
Il a exercé sa liberté jusqu’à l’ultime geste.
J’ai été émue par cette lecture où j’ai retrouvé l’écrivain et l’homme que l’on rencontre dans son œuvre.
Une image m’a hanté celle du Dormeur du Val
« Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine.
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. »
Chez Gary, ces deux trous rouges étaient invisibles mais tellement prégnants.
Je crois que le choix de sa mort est dû à la disparition de l’humour que l’on porte sur la vie.
Il écrivait dans Le sens de la vie « L’humour est l’arme blanche des désarmés ».
Quel pirouette nous servirait-il pour parler du succès qu’il a toujours ?
Un voyage riche nous est offert par Mona Azzam qui réussit à faire revivre son Gary mais sans enfermer ses lecteurs dans sa vision, la porte est toujours ouverte et chacun peut faire vivre sa vision et se reporter aux œuvres si riches qui sont sur nos étagères prêtes pour une relecture.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2024/05/03/romain-gary-ou-la-promesse-du-crepuscule/
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