Et Pascal Thuot, juré, aujourd'hui directeur général de la grande librairie Millepages à Vincennes
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La Revue de Presse littéraire de février
Alors que le dernier roman de Maylis de Kerangal "A ce stade de la nuit" vient d'être publié aux éditions Verticales, on vous fait gagner "Réparer les vivants" collection Folio, Prix Orange du livre 2014
Le temps des vacances, qui rime souvent avec lecture, est le moment idéal pour s’abandonner à ces titres qui nous ont fait envie et que nous n’avons pas eu le temps de lire. Ils viennent de sortir en format de poche, un format idéal à glisser dans la valise ou le sac de plage.
Oups ! Une grande déception ressentie à la lecture du dernier opus de l'autrice...Je n'ai pas aimé le déroulé du récit que j'ai trouvé ennuyeux et sans grand intérêt que ce soit pour le personnage central ou la découverte de la ville du havre !
Un chaleureux merci à Babelio et aux éditions Verticales pour cette Masse critique privilégiée !
Impressionnée par "Réparer les vivants", j'attendais avec impatience de découvrir "Jour de ressac" de Maylis de Kerangal. Mais cette lecture m'a laissé un sentiment mitigé. Pas entièrement séduite mais pas complètement déçue et je ne parviens pas à discerner d'où vient cette infime réticence.
Un appel téléphonique du commissariat du Havre informe la narratrice que l'on a retrouvé son numéro de téléphone, noté sur un ticket de cinéma, dans la poche du corps d'un homme non identifié et qu'elle est convoquée le lendemain pour "fournir des informations". Entre cette annonce et l'entretien avec l'OPJ (officier de police judiciaire) la crainte, la curiosité, les hypothèses, les questions se bousculent sur la toile de fond d'une ville quittée plusieurs dizaines d'années auparavant.
Le Havre où la narratrice a vécu jusqu'à ses vingt ans.
Le Havre et les souvenirs qui émergent et qui font se superposer les strates d'une histoire personnelle tricotée à l'histoire et à la géographie de la ville elle-même.
Le temps d'une journée, la narratrice arpente la ville et opère un cheminement dans son propre passé avec pour balises les rues et les édifices actuels, eux-mêmes occultant ceux qui existaient avant septembre 1944, avant les bombardements et la destruction presque complète de la ville.
Le récit semble se placer sur deux axes : l'un horizontal qui décrit le parcours et la quête de renseignements sur l'identité de cet homme mort, trouvé allongé sur les galets ; l'autre vertical entre l'ancienne ville effondrée sous les bombes, les abris souterrains d'où émerge la population qui découvre les ruines et l'édification de nouveaux bâtiments, la réorganisation d'une nouvelle géographie urbaine. L'omniprésence de la mer qui concentre les deux mouvements, entre le calme et le surgissement de la vague, renforce cette idée de progression dans deux directions.
Forcément la vision du passé renvoie aux images que l'actualité nous montre quotidiennement et suggère beaucoup de questions. Que reste-t-il de l'existence des habitants d'une ville détruite ? Quels sédiments circulent et se déposent d'une ville disparue à celle qui l'a remplacée, sur les mêmes lieux ? Peut-on calquer l'histoire d'un individu sur l'histoire de son lieu de vie ? Qu'est-ce qui est immuable ? Qu'est-ce qui reste perpétuellement mouvant ? Le roman de Maylis de Kerangal ouvre une prolifération de réflexion et d'interrogations passionnantes.
Le ressac qu'évoque le titre désigne cette vague énorme qui renverse physiquement la narratrice, mais peut-être figure-t-il également le flot des souvenirs liés à cette ville, ce retour violent du passé, ainsi que Le Havre qui sombre sous des vagues de bombes, "renversée" physiquement, avant de renaître différente. Tout se passe comme si il y avait une forme d'identification de la narratrice avec sa ville natale. Le rythme de l'écriture semble épouser le parcours de la marcheuse à travers la géographie d'une ville qu'elle redécouvre : une longue déambulation scandée par des rencontres, des réminiscences, des incidents.
J'ai été sensible à l'évocation de ces cheminements intérieurs, de ces mâchonnements du passé au présent et à cette forme d'archéologie intime et topographique. C'est à la fois poétique et réaliste, âpre et mélancolique, opaque et limpide. Alors pourquoi ne suis-je pas enthousiaste, me direz-vous ? Tout prosaïquement, je pense que ce n'était pas LE moment d'une rencontre entre ce roman et moi. Je pense que je n'étais pas disponible pour éprouver le choc du ressac et que si j'ai apprécié le fond de l'oeuvre, je n'ai pas été submergée d'émotion par sa forme.
D'ailleurs, je suis certaine que ce commentaire plutôt froid et impersonnel reflète bien à la fois mon intérêt et mon manque de passion !
Jour de ressac
Maylis de Kerangal
Editions Verticales
Août 2024
248 pages
ISBN 978-2-07-305497-5
4ème de couverture :
« Finalement, il vous dit quelque chose, notre homme ? Nous arrivions à hauteur de Gonfreville-l’Orcher, la raffinerie sortait de terre, indéchiffrable et nébuleuse, façon Gotham City, une autre ville derrière la ville, j’ai baissé ma vitre et inhalé longuement, le nez orienté vers les tours de distillation, vers ce Meccano démentiel. L’étrange puanteur s’engouffrait dans la voiture, mélange d’hydrocarbures, de sel et de poudre. Il m’a intimé de refermer, avant de m’interroger de nouveau, pourquoi avais-je finalement demandé à voir le corps ? C’est que vous y avez repensé, c’est que quelque chose a dû vous revenir.
Oui, j’y avais repensé. Qu’est-ce qu’il s’imaginait. Je n’avais pratiquement fait que penser à ça depuis ce matin, mais y penser avait fini par prendre la forme d’une ville, d’un premier amour, la forme d’un porte-conteneurs. »
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Retrouver Maylis de Kerangal devait être un bonheur. Bonheur de retrouver son écriture, son style, son monde. Hélas !! Je n’ai pu trouver la port d’entrée, je suis allée aussi loin que je le pouvais, mais, je dois dire la vérité : je me suis ennuyée.
Ce n’était pas le bon tempo, le bon moment de nous retrouver et je le regrette beaucoup. Peut-être, sûrement pas envie d’introspection.
Nous nous retrouverons une autre fois.
Ce jour de ressac, nouveau roman de Maylis de Kerangal, est une belle aventure littéraire qui permet à l’autrice d’aborder plusieurs thèmes avec, pour point central, la ville du Havre.
C’est là que la narratrice est convoquée par la police au commissariat central car le corps d’un homme a été découvert sur une plage. Or, cet homme avait, dans une poche, un ticket de cinéma avec au dos, le numéro de téléphone de la narratrice qui est doublure de voix pour le cinéma, profession mise en péril par l’émergence de l’intelligence artificielle.
Cette femme est fort perturbée par cette convocation qu’elle se rend sans délai dans ce grand port dont elle est originaire.
Ici, j’ai tout ce qu’il faut pour amorcer un passionnant polar mais il ne faut pas y compter car l’autrice de Naissance d’un pont, de Réparer les vivants et de Un monde à portée de main, n’écrit pas des polars. Au contraire, elle excelle à plonger ses lecteurs dans un bain de littérature avec une écriture qui régale à chaque fois. Si ses phrases sont longues, elles sont parfaitement maîtrisées. C’est vivant, rythmé et m’accroche bien. Cela ne l’empêche pas de glisser, au passage, quelques réflexions bienvenues comme lorsqu’elle parle des textiles, produits en masse à des prix dérisoires pour finir en tas immenses au Ghana ou dans le désert d’Atacama.
Maylis de Kerangal a vécu au Havre et elle prouve ici qu’elle connaît parfaitement la ville puisqu’elle m’emmène au cinéma, le Channel, mais reste dans le hall pour conter une scène ordinaire avec une multitude de détails, la rendant vivante et animée, réelle.
C’est lorsqu’elle aborde les bombardements massifs de la ville, par les Alliés, que Jour de ressac devient, pour moi, de plus en plus passionnant. S’appuyant sur un travail de recherche effectué avec une camarade lorsqu’elles étaient en terminale, elle me bouleverse avec le récit de Jacqueline, recueilli à Southampton.
Tombent sur la ville et ses habitants deux mille tonnes de bombes, plus trois mille autres tonnes de bombes incendiaires déversées par la Royal Air Force, pour tenter de chasser l’occupant qui ne se rend pas alors que les dégâts matériels, physiques et psychiques sont considérables. Cela démontre toute l’inutilité du bombardement aérien et me fait penser à celui du 16 août 1944, sur la ville de Saint-Vallier (Drôme). Un train allemand était arrêté dans le tunnel passant sous la ville. La cible a été manquée et tout un quartier a été détruit et 97 civils tués. Que de souffrances et de morts inutiles !
Maylis de Kerangal raconte ici l’immense surprise des habitants du Havre sortant des abris souterrains qui, depuis la gare, voyaient la mer !
Après cela, le parcours de la narratrice se poursuit. Moments forts ou calmes, sa quête tourne autour de sa personnalité, de ses souvenirs, de Craven, cet amoureux disparu sans tenir sa promesse de retour.
Il y a deux Ukrainiennes, le trafic de drogue favorisé par l’usage massif des conteneurs, ces trois millions de boîtes qui transitent chaque année par le port du Havre.
Souvenirs familiaux, imagination débordante pour tenter d’identifier l’homme découvert au bord de l’eau, la qualité d’écriture de Maylis de Kerangal ne se dément pas tout comme son vocabulaire recherché qui n’exclut pas certains mots d’anglais glissés ici ou là.
Au passage, elle fait un crochet par l’Institut médico-légal de Rouen, visite qui permettra à l’autrice une pirouette finale pas si surprenante que cela.
Elle m’a permis de faire connaissance avec Blaise, le mari de la narratrice, et avec Maïa, leur fille, escrimeuse de talent, qui vient d’avoir vingt ans. Auparavant, j’ai appris que cette narratrice dont j’ignore le prénom – c’est pénible - avait été la marraine de l’Hirondelle de la Manche, vedette rapide pour les pilotes du port du Havre, cette grande ville reconstruite entièrement qu’elle donne envie de visiter, peut-être un jour de ressac ?
Chronique littéraire à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/09/maylis-de-kerangal-jour-de-ressac-7.html
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