En 2024, ces auteurs et autrices nous émerveillent plus que jamais !
«Finalement, il vous dit quelque chose, notre homme ? Nous arrivions à hauteur de Gonfreville-l'Orcher, la raffinerie sortait de terre, indéchiffrable et nébuleuse, façon Gotham City, une autre ville derrière la ville, j'ai baissé ma vitre et inhalé longuement, le nez orienté vers les tours de distillation, vers ce Meccano démentiel. L'étrange puanteur s'engouffrait dans la voiture, mélange d'hydrocarbures, de sel et de poudre. Il m'a intimé de refermer, avant de m'interroger de nouveau, pourquoi avais-je finalement demandé à voir le corps ? C'est que vous y avez repensé, c'est que quelque chose a dû vous revenir. Oui, j'y avais repensé. Qu'est-ce qu'il s'imaginait. Je n'avais pratiquement fait que penser à ça depuis ce matin, mais y penser avait fini par prendre la forme d'une ville, d'un premier amour, la forme d'un porte-conteneurs.»
En 2024, ces auteurs et autrices nous émerveillent plus que jamais !
C’est un roman qui débute comme un roman policier sans vraiment en être un. La narratrice, comédienne de doublage voix, revient au Havre, la ville de son enfance et sa jeunesse qu’elle a quittée depuis de nombreuses années. Convoquée par le lieutenant Zambra pour reconnaitre le cadavre d’un homme découvert sur une plage de galet, elle se questionne sur le fil qui pourrait la relier à ce mort inconnu. On a retrouvé dans sa poche un ticket de cinéma avec, inscrit dessus, le numéro de téléphone de la narratrice
Ce cadavre d’un inconnu n’est qu’un fil conducteur, il va amener la narratrice à exhumer son passé dans cette ville en bord de mer qui peut sembler attirante du fait de la proximité de la mer mais qui, pour ceux qui y vivent toute l’année, se révèle être un piège.
« Voir la mer, oui, puis nos visiteurs passaient le reste de leur séjour à se pâmer, certains que nous ne savions pas apprécier notre ville à sa juste mesure, quand pas un seul d’entre eux, of course, n’aurait songé à s’attarder ici, le béton leur étant inamical, le port opaque et trop industriel, les rues du centre-ville désertes à dix-huit heures, et déjà le premier soir ils se mouchaient, geignards, certains d’avoir chopé la crève. »
En quête de son passé, l’héroïne nous entraine sur les hauts lieux de la ville, revenant sur l’histoire tragique de la ville, sa destruction puis sa reconstruction dans un matériaux moderne, le béton, qui donnera son identité à la cité. Elle revient aussi sur les lieux de sa jeunesse, et, peut à peut évoque ce passé et Craven, l’homme aimé furtivement avant que l’océan ne l’entraine vers d’autres rives, d’autres vies.
L’enquête sur le mort anonyme se poursuit, plutôt poussive, mais elle ouvre de larges perspectives sur la vie de la narratrice qu’on apprend à connaitre à travers ses confidences, et les bribes de son passé, comme une amie tout juste rencontrée.
C’est à la fois un récit intime et une histoire plus universelle qui parle du monde actuel et du passé, celui de la seconde guerre mondiale. Ce n’est pas franchement gai, sans doute que l’horizon ouvert sur l’océan y est pour quelque chose tant l’atmosphère grise, humide et froide du Havre un jour de novembre teinte le roman de mélancolie sourde.
« Le rivage s’est brusquement éclairé d’une lumière de vitrail dont chacun savait qu’elle ne durerait pas, la transparence verte et jeune des rayons sublimant la grisaille avant de se fondre, le ciel d’autant plus noir qu’il venait de resplendir, et je me suis demandé si cette histoire, initiée la veille, alors que ma pizza me pesait encore su l’estomac, n’avait pas pour dessein secret de me faire revenir au Havre… »
Entre personnages bien réels et fantômes du passé, on louvoie le long de cette ville sans réelle beauté mais qui possède son propre charme. Car, à travers ses descriptions minutieuse et cinématographiques d’un lieu qu’elle connait bien, Maylis de Kerangal nous perd entre l’histoire un brin policière de son héroïne et ses propres souvenirs de sa ville de jeunesse. Elle transforme la ville en un personnage de roman et nous transporte dans le film de son récit grâce à sa plume évocatrice et son regard comparable à celui d’un cinéaste.
Cette succession de couches, alternant fiction et vécu, m’a beaucoup parlé et j’ai adoré traverser la ville en sa compagnie, séduite par l’élégance et la ciselure de son écriture.
Des descriptions, des sentiments, une écriture facile, mais …
Même si la nature, Le Havre, le côté documenté, la face émotionnelle y sont, pour le reste je suis restée sur ma faim par rapport au précédent roman que j’avais lu de Maylis de Kerangal, ‘’Réparer les vivants’’.
L’écriture est certes la même, précise, simple, fluide, mais le contenu ne m’a pas interpelé, comme le thème du précédent roman. L’autrice s’est fait plaisir à mettre en page des sentiments, des ressentis, un amour pour cette région, ça c’est indéniable. Palpable l’est tout autant son amour pour ce pays natal et son intérêt pour les souvenirs qui jalonnent nos vies, qui font de nous ce que nous sommes aujourd’hui et serons demain.
L’héroïne retrouve ses jeunes années passées au Havre. Nous l’arpentons avec elle les rues du Perret, la jetée, le phare, le bord de mer. Elle revit son amour pour Craven aussi bien que les échanges avec une femme lui racontant les jours sombres et horribles de septembre 1944. Qui était ce Craven ? Que lui raconte sa mort ? Au milieu de soucis professionnelles s’ajoute l’énigme de cette histoire. De quoi nourrir cet état dépressif que l’on devine en fond de roman. A ceci se rajoute le fait que l’héroïne, plutôt de type égocentrique, efface un peu trop les personnages secondaires, dommage.
Tout le roman repose sur des questions : ‘’qui est ce mort ? qui a bien pu le tuer ? le saura-t-on d’ailleurs jamais ?
Elle ne connait pas cet homme. Et pourtant, lorsqu’on découvre son corps sur une plage du Havre, il a son numéro de téléphone dans la poche.
Alors elle retourne au Havre, ville où elle a passé sa jeunesse, convoqué par la Police qui veut identifier cet inconnu.
Ce fil conducteur n’est en fait pas le sujet du roman car chaque pas qu’elle va faire dans la ville, la ramènera des années en arrière, depuis ce qu’elle connait de la libération durant la seconde guerre mondiale jusqu’à ce qu’elle a vécu dans sa jeunesse havraise.
Et ces histoires qu’elle nous raconte n’ont à priori rien à voir avec « l’homme de la digue Nord ». Ainsi nous découvrons la destruction totale de la ville par les alliés en 1944, le narcotrafic qui en a fait une plaque tournante de la cocaïne, les difficultés du métier de doubleuse de cinéma qu’elle exerce, la vie adolescente et ses lieux de rendez-vous ou l’inauguration d’une vedette de la Marine, entre autres.
Le style particulier de Maylis de Kerangal mêle un grand nombre de digressions au fil du roman mais son sujet de fond est plus la trace que laissent les souvenirs et les origines qu’une enquête de police.
Une lecture pas inintéressante mais qui m’a parfois perdue de trop de sujets et s’il n’y avait eu l’image poétique de cette ville rude et dynamique des côtes de la Manche, mon ressenti aurait peut-être été moins positif.
Mais le souvenir que j’en garde est plus attrayant que n’a été ma lecture et ce roman est pour moi, un de ceux qui ont besoin de mijoter un certain temps pour mieux se laisser apprécier.
Oups ! Une grande déception ressentie à la lecture du dernier opus de l'autrice...Je n'ai pas aimé le déroulé du récit que j'ai trouvé ennuyeux et sans grand intérêt que ce soit pour le personnage central ou la découverte de la ville du havre !
Un chaleureux merci à Babelio et aux éditions Verticales pour cette Masse critique privilégiée !
Impressionnée par "Réparer les vivants", j'attendais avec impatience de découvrir "Jour de ressac" de Maylis de Kerangal. Mais cette lecture m'a laissé un sentiment mitigé. Pas entièrement séduite mais pas complètement déçue et je ne parviens pas à discerner d'où vient cette infime réticence.
Un appel téléphonique du commissariat du Havre informe la narratrice que l'on a retrouvé son numéro de téléphone, noté sur un ticket de cinéma, dans la poche du corps d'un homme non identifié et qu'elle est convoquée le lendemain pour "fournir des informations". Entre cette annonce et l'entretien avec l'OPJ (officier de police judiciaire) la crainte, la curiosité, les hypothèses, les questions se bousculent sur la toile de fond d'une ville quittée plusieurs dizaines d'années auparavant.
Le Havre où la narratrice a vécu jusqu'à ses vingt ans.
Le Havre et les souvenirs qui émergent et qui font se superposer les strates d'une histoire personnelle tricotée à l'histoire et à la géographie de la ville elle-même.
Le temps d'une journée, la narratrice arpente la ville et opère un cheminement dans son propre passé avec pour balises les rues et les édifices actuels, eux-mêmes occultant ceux qui existaient avant septembre 1944, avant les bombardements et la destruction presque complète de la ville.
Le récit semble se placer sur deux axes : l'un horizontal qui décrit le parcours et la quête de renseignements sur l'identité de cet homme mort, trouvé allongé sur les galets ; l'autre vertical entre l'ancienne ville effondrée sous les bombes, les abris souterrains d'où émerge la population qui découvre les ruines et l'édification de nouveaux bâtiments, la réorganisation d'une nouvelle géographie urbaine. L'omniprésence de la mer qui concentre les deux mouvements, entre le calme et le surgissement de la vague, renforce cette idée de progression dans deux directions.
Forcément la vision du passé renvoie aux images que l'actualité nous montre quotidiennement et suggère beaucoup de questions. Que reste-t-il de l'existence des habitants d'une ville détruite ? Quels sédiments circulent et se déposent d'une ville disparue à celle qui l'a remplacée, sur les mêmes lieux ? Peut-on calquer l'histoire d'un individu sur l'histoire de son lieu de vie ? Qu'est-ce qui est immuable ? Qu'est-ce qui reste perpétuellement mouvant ? Le roman de Maylis de Kerangal ouvre une prolifération de réflexion et d'interrogations passionnantes.
Le ressac qu'évoque le titre désigne cette vague énorme qui renverse physiquement la narratrice, mais peut-être figure-t-il également le flot des souvenirs liés à cette ville, ce retour violent du passé, ainsi que Le Havre qui sombre sous des vagues de bombes, "renversée" physiquement, avant de renaître différente. Tout se passe comme si il y avait une forme d'identification de la narratrice avec sa ville natale. Le rythme de l'écriture semble épouser le parcours de la marcheuse à travers la géographie d'une ville qu'elle redécouvre : une longue déambulation scandée par des rencontres, des réminiscences, des incidents.
J'ai été sensible à l'évocation de ces cheminements intérieurs, de ces mâchonnements du passé au présent et à cette forme d'archéologie intime et topographique. C'est à la fois poétique et réaliste, âpre et mélancolique, opaque et limpide. Alors pourquoi ne suis-je pas enthousiaste, me direz-vous ? Tout prosaïquement, je pense que ce n'était pas LE moment d'une rencontre entre ce roman et moi. Je pense que je n'étais pas disponible pour éprouver le choc du ressac et que si j'ai apprécié le fond de l'oeuvre, je n'ai pas été submergée d'émotion par sa forme.
D'ailleurs, je suis certaine que ce commentaire plutôt froid et impersonnel reflète bien à la fois mon intérêt et mon manque de passion !
Jour de ressac
Maylis de Kerangal
Editions Verticales
Août 2024
248 pages
ISBN 978-2-07-305497-5
4ème de couverture :
« Finalement, il vous dit quelque chose, notre homme ? Nous arrivions à hauteur de Gonfreville-l’Orcher, la raffinerie sortait de terre, indéchiffrable et nébuleuse, façon Gotham City, une autre ville derrière la ville, j’ai baissé ma vitre et inhalé longuement, le nez orienté vers les tours de distillation, vers ce Meccano démentiel. L’étrange puanteur s’engouffrait dans la voiture, mélange d’hydrocarbures, de sel et de poudre. Il m’a intimé de refermer, avant de m’interroger de nouveau, pourquoi avais-je finalement demandé à voir le corps ? C’est que vous y avez repensé, c’est que quelque chose a dû vous revenir.
Oui, j’y avais repensé. Qu’est-ce qu’il s’imaginait. Je n’avais pratiquement fait que penser à ça depuis ce matin, mais y penser avait fini par prendre la forme d’une ville, d’un premier amour, la forme d’un porte-conteneurs. »
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Retrouver Maylis de Kerangal devait être un bonheur. Bonheur de retrouver son écriture, son style, son monde. Hélas !! Je n’ai pu trouver la port d’entrée, je suis allée aussi loin que je le pouvais, mais, je dois dire la vérité : je me suis ennuyée.
Ce n’était pas le bon tempo, le bon moment de nous retrouver et je le regrette beaucoup. Peut-être, sûrement pas envie d’introspection.
Nous nous retrouverons une autre fois.
Ce jour de ressac, nouveau roman de Maylis de Kerangal, est une belle aventure littéraire qui permet à l’autrice d’aborder plusieurs thèmes avec, pour point central, la ville du Havre.
C’est là que la narratrice est convoquée par la police au commissariat central car le corps d’un homme a été découvert sur une plage. Or, cet homme avait, dans une poche, un ticket de cinéma avec au dos, le numéro de téléphone de la narratrice qui est doublure de voix pour le cinéma, profession mise en péril par l’émergence de l’intelligence artificielle.
Cette femme est fort perturbée par cette convocation qu’elle se rend sans délai dans ce grand port dont elle est originaire.
Ici, j’ai tout ce qu’il faut pour amorcer un passionnant polar mais il ne faut pas y compter car l’autrice de Naissance d’un pont, de Réparer les vivants et de Un monde à portée de main, n’écrit pas des polars. Au contraire, elle excelle à plonger ses lecteurs dans un bain de littérature avec une écriture qui régale à chaque fois. Si ses phrases sont longues, elles sont parfaitement maîtrisées. C’est vivant, rythmé et m’accroche bien. Cela ne l’empêche pas de glisser, au passage, quelques réflexions bienvenues comme lorsqu’elle parle des textiles, produits en masse à des prix dérisoires pour finir en tas immenses au Ghana ou dans le désert d’Atacama.
Maylis de Kerangal a vécu au Havre et elle prouve ici qu’elle connaît parfaitement la ville puisqu’elle m’emmène au cinéma, le Channel, mais reste dans le hall pour conter une scène ordinaire avec une multitude de détails, la rendant vivante et animée, réelle.
C’est lorsqu’elle aborde les bombardements massifs de la ville, par les Alliés, que Jour de ressac devient, pour moi, de plus en plus passionnant. S’appuyant sur un travail de recherche effectué avec une camarade lorsqu’elles étaient en terminale, elle me bouleverse avec le récit de Jacqueline, recueilli à Southampton.
Tombent sur la ville et ses habitants deux mille tonnes de bombes, plus trois mille autres tonnes de bombes incendiaires déversées par la Royal Air Force, pour tenter de chasser l’occupant qui ne se rend pas alors que les dégâts matériels, physiques et psychiques sont considérables. Cela démontre toute l’inutilité du bombardement aérien et me fait penser à celui du 16 août 1944, sur la ville de Saint-Vallier (Drôme). Un train allemand était arrêté dans le tunnel passant sous la ville. La cible a été manquée et tout un quartier a été détruit et 97 civils tués. Que de souffrances et de morts inutiles !
Maylis de Kerangal raconte ici l’immense surprise des habitants du Havre sortant des abris souterrains qui, depuis la gare, voyaient la mer !
Après cela, le parcours de la narratrice se poursuit. Moments forts ou calmes, sa quête tourne autour de sa personnalité, de ses souvenirs, de Craven, cet amoureux disparu sans tenir sa promesse de retour.
Il y a deux Ukrainiennes, le trafic de drogue favorisé par l’usage massif des conteneurs, ces trois millions de boîtes qui transitent chaque année par le port du Havre.
Souvenirs familiaux, imagination débordante pour tenter d’identifier l’homme découvert au bord de l’eau, la qualité d’écriture de Maylis de Kerangal ne se dément pas tout comme son vocabulaire recherché qui n’exclut pas certains mots d’anglais glissés ici ou là.
Au passage, elle fait un crochet par l’Institut médico-légal de Rouen, visite qui permettra à l’autrice une pirouette finale pas si surprenante que cela.
Elle m’a permis de faire connaissance avec Blaise, le mari de la narratrice, et avec Maïa, leur fille, escrimeuse de talent, qui vient d’avoir vingt ans. Auparavant, j’ai appris que cette narratrice dont j’ignore le prénom – c’est pénible - avait été la marraine de l’Hirondelle de la Manche, vedette rapide pour les pilotes du port du Havre, cette grande ville reconstruite entièrement qu’elle donne envie de visiter, peut-être un jour de ressac ?
Chronique littéraire à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/09/maylis-de-kerangal-jour-de-ressac-7.html
C'est avec un immense plaisir que j'ai retrouvé la plume de Maylis de kerangal. J'aime énormément son style oscillant entre la description méticuleuse nous faisant vivre le roman et la poésie qui s'en dégage. Encore une fois, je suis ressortie de ce roman avec cette forte impression en moi.
Concernant l'histoire, j'avoue que cette fois-ci j'ai moins accroché que pour d'autres de ses romans. Est-ce l'effet enquête policière dont je ne suis pas une grande fan. Malgré l'introspection, ce sentiment de polar ne m'a pas quitté et c'est ce qui a gêné ma lecture.
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