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Dans ce recueil des écrits consacrés à la ville de Londres par Virginia Woolf, le lecteur en quête d’informations purement touristiques en sera pour ses frais. En revanche, la description des sensations, des états d’esprit générés par des promenades impromptues dans Londres et ses quartiers les plus pittoresques nous entraîne dans les méandres de la vie intérieure de l’auteure de Mrs Dalloway.
Ainsi, l’activité de courir les rues de Londres nous transforme, nous pousse à nous soumettre à des désirs inédits : « Le soir, lui aussi, nous offre cette irresponsabilité qui vient avec les ténèbres et la lumière électrique. Nous ne sommes plus tout à fait nous-mêmes (…) Nous nous dépouillons du moi que nos amis nous connaissent et intégrons cette vaste armée républicaine des randonneurs anonymes, dont la compagnie est si agréable après la solitude de notre chambre. »
Une promenade au bord du Strand, ce quartier des docks de Londres, au bord de la Tamise, est l’occasion pour Virginia Woolf, de s’interroger sur la nature humaine, sur notre véritable moi, sur nos motivations les plus secrètes : « Notre vrai moi, est-ce celui qui se tient sur le trottoir en janvier, ou celui qui se penche sur le balcon en juin ? » Pour Woolf, c’est le sentiment éprouvé au retour d’une promenade qui justifie la sensation première d’évasion : « C’est vrai, il n’y a pas de plus grand plaisir que l’évasion, de plus grande aventure que de courir les rues en hiver. » Mais c’est le retour au foyer qui procure le plus grand bonheur : « Voilà, à nouveau la porte familière ; là, le fauteuil placé tel qu’on l’a quitté, la coupe de porcelaine, le cercle brun sur le tapis. Là est le seul butin que nous ayons rapporté des trésors de la ville : un crayon à papier. »
Bien évidemment le quartier de Bloomsbury tient une place de choix dans les descriptions et observations de Virginia Woolf, ce quartier étant à l’origine du nom donné au groupe artistique et littéraire, le groupe de Bloomsbury qui vit passer dans ses murs des personnages célèbres au 46 Gordon Square : « De singuliers personnages passaient par le 46 : Rothen Stein, Sickert, Yeats, Tonkas. » Nous n’oublierons pas, bien sûr, John Maynard Keynes, le célèbre économiste, ou encore Duncan Grant, peintre de la bohême londonienne. Virginia Woolf se remémore les soirées de Bloomsbury, ponctuées par les visites successives des habitués : « Alors naturellement, quand nous entendions la sonnette et qu’entraient tous ces types stupéfiants, Vanessa et moi ne pouvions contenir notre excitation. Il était tard ; la pièce était enfumée ; il y avait des petits pains, du café, du whisky éparpillés partout ; nous ne portions ni satin blanc, ni colliers de rocaille, nous n’étions pas habillées du tout. Toby allait ouvrir la porte ; alors Sydney-Turner entrait ; alors, Bell entrait ; alors, Strachey entrait. »
Autre artère qui éveille l’attention de Virginia Woolf : Oxford Street : « Même le moraliste doit admettre que cette rue vulgaire et tapageuse, animée nous rappelle que la vie est un combat ; que tout immeuble peut s’effondrer ; que tout ce qui s’expose est vanité. »
Belle conclusion de l’auteure sur cette ville de Londres, à la fois si familière et si secrète, confirmée comme lieu romanesque par le talent de Virginia Woolf.
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