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Congolaise originaire de Kinshasa, Alia a cinq ans quand elle arrive à Bruxelles. C'est un nouveau monde, hostile, que découvre la petite fille. Son père, un fan de Mohamed Ali, l'initie à la boxe, qui devient pour elle le moyen de réprimer sa colère. Devenue adulte, elle entre dans la police. Mais c'est un milieu machiste où une majorité de ses collègues sont atteints par un racisme viscéral et veulent éliminer les migrants.
Pour prouver sa légitimité et s'imposer dans ce jeu de pouvoir, Alia commettra-t-elle l'irréparable ? Avec Furie, l'écrivaine Graiyna Plebanek nous offre un livre puissant et un inoubliable portrait de femme, celui d'une battante qui lutte pour exister.
FURIE ...ou la rage d'exister d'une écorchée déracinée.
Depuis qu'elle est petite, Alia (prénom inventé par un père fan de Mohamed Ali) n'a qu'une envie : FRAPPER.
Cogner pour faire taire sa colère et ses douleurs : Le déracinement de son Congo natal, l'abandon, la violence et le racisme quotidien,
Boxer pour s'élever et se légitimer dans une ville d'Europe qui lui est hostile,
Devenir flic pour s'accrocher, ne pas sombrer et avoir l'illusion d'une famille retrouvée.
Mais la violence ne lui laisse aucun répit : Elle cogne, elle aussi....sur les migrants torturés et laissés pour morts par ses collègues, au cours de séances qualifiées de formations supplémentaires en art du combat...Je n'en dirai pas plus...
Je pensais traverser cette lecture en dilettante... mais impossible d'en ressortir indemne : c'est vibrant, poignant, glaçant, suffocant, révoltant,...
Assurément un roman coup de poing !
Notre auteure polonaise a choisi un mode de narration particulier, ceci, dans le but de nous décocher un ultime uppercut dans les toutes dernières pages de son livre: on y observe donc l'alternance entre le récit de la vie d'Alia, et de la famille au passé et les événements qui vont faire basculer sa vie au présent, et nous mettre au tapis par la même occasion, jusqu'à ce que les temporalités des récits finissent par se chevaucher et s'amalgamer en 2014. Avec, en plus, quelques extraits de journaux de cette même année qui font état de la découverte de corps mutilés d'hommes, probablement ceux de réfugiés. Évidemment, l'auteure laisse planer le doute sur la relation entre Alia et ces massacres, le temps d'apprendre à la connaître, de se familiariser avec chacun des membres de sa famille et de son histoire ainsi que cette dynamique familiale, bien particulière. Avec un père bientôt aux abonnés absents et une mère insouciante, irresponsable, incapable de prendre sa famille à bras le corps, on devine que c'est donc Alia l'aînée qui va devoir mûrir d'un seul coup pour prendre, en quelque sorte, la place du père, de la mère, figure de l'autorité, rôle qui était sans doute prédestiné à lui échoir.
Alia, donc, celle qui va devoir s'intégrer à une société, encore profondément ancrée dans les clichés et les a priori de toute sorte, sexistes, racistes, cette jeune fille va devoir trouver un compromis entre les us et coutumes de son pays d'origine et cette société belge, qui vient juste d'oublier – ou pas – qu'elle a été le colon, pendant près d'une cinquantaine d'années, de ce pays marqué durablement par ses exactions. Elle ne détient pas la meilleure place, loin la, entravée par ce rôle de père et de mère, absents chacun à leur façon, ce rôle de soeur aînée de deux garçons en manque de figure paternelle, cette place de jeune étrangère, dans une société encore dirigée par une majorité d'hommes blancs. Mais voilà, elle tire profit de l'héritage que lui a légué son père, cette force de caractère qui lui permet d'encaisser les coups aussi bien que d'en donner.
Les hommes absents, les femmes dirigent, survivent, Alia l'a vite compris. Elle a bien assimilé que pour trouver sa place dans ce monde, il va falloir qu'elle se la crée, à la force du poignet, du bras et du poing. Grażyna Plebanek met en scène, décrit, nourrit cette volonté d'intégration, qui mènera à Alia à s'oublier elle-même, renier ce qu'elle est et d'où elle vient. Là, l'auteure touche le coeur même de notre actualité. Grażyna Plebanek, elle-même vivant dans un pays qui n'est pas le sien, et pratiquant une langue qui n'est pas la sienne, est idéalement placée pour traiter cette question de l'intégration, bassement instrumentalisée de gouvernances, partis divers, pour justifier leur propre lâcheté et incompétence. Dévoiler le texte masqué
Àl'image du déracinement de la famille Bomaye, l'auteure exploite l'expression de la violence, ses multiples modes d'action, qui pave le chemin de cette famille congolaise, et plus particulièrement celle d'Alia depuis le jour où elle a posé le pied sur le sol belge: une violence parfois salvatrice, la boxe permet à Alia de maintenir un semblant d'ordre et de repères dans sa vie, une vie qui se veut sans aucun doute être une vie de luttes incessantes et acharnées, une épreuve d'endurance comme l'est un combat sur le ring. Mais la violence est surtout celle du mal diffus: celle de la colonisation, du déracinement, du racisme, de la ségrégation, du sexisme, du rejet. Sans oublier, celle de l'intégration, une violence ordinaire, quotidienne, parfois.
Grażyna Plebanek plante un décor, une atmosphère équivoques ou Kinshasa n'est plus si loin de Bruxelles, ou Bruxelles pas si loin de Kinshasa, on ne sait pas vraiment. Les images de la capitale congolaise abondent, entrecoupent le récit, comme s'il n'y avait jamais vraiment eu de départ. L'auteure, à travers ses différents personnages issus pourtant d'une même famille et d'une même éducation, explorent les diverses voies choisies par les uns et les autres pour aborder cette nouvelle existence, faite de concessions, d'adaptations, chacun essayant de se composer une identité différente selon leur faculté à s'adapter, à allier leur propre culture à cette société belge, essayant d'instaurer un consensus de paix, une coalition, qui somme toute, ne tient à pas grand-chose. L'auteure souligne les capacités de chacun à ne pas se perdre en route, de se construire une place dans cette société encore foncièrement raciste, et de tenir à distance le chant de ces sirènes, xenophobes, qui voudraient sacrifier chacun d'entre eux sur l'autel de leur nationalisme intransigeant. Certains composent, d'autres refusent, les désillusions s'accumulent dans ce rapport déséquilibré qui lie les colonisateurs aux colonisés. Car une fois la balance penchée d'un côté, il est bien difficile de récréer un équilibre, qui n'a finalement jamais été.
C'est avec un intérêt constant, croissant que l'on suit les tribulations de cette famille congolaise, déracinée, qui essaie de survivre dans un environnement dans lequel elle se sent totalement décalée. La colonisation a peut-être été rayée des tablettes, le lien dominant/dominé n'a pas totalement disparu pour autant en tout cas pour ceux qui sont du bon côté du panier, et il est devenu tellement ancré dans les moeurs que ces dominants trouvent cela comme allant de soi. Mais l'humiliation d'avoir perdu contrôle de son pays, de ses richesses, de soi-même, elle, n'est pas oubliée et est prête à être ravivée. Pour ceux, qui ont à peine eu le temps de comprendre ce rapport de force, l'erreur de l'oubli les guette au moindre faux pas. L'auteure a réussi: elle a su dessiner, créer dans son roman ce nouveau rapport de force pernicieux que l'on voit émerger, non pas entre dominés et dominants, mais un combat entre dominés eux-mêmes, à l'instar de ce même groupe de dominants. Qui renforce encore plus sa position. Oui, Alain Mabanckou a raison, c'est un roman « coup de poing », où les velléités nationalistes, interventionnistes, impérialistes ont réussi à créer une hiérarchie grotesque, même dans la domination.
Dès le départ, Alia est sans doute trop investie, par son père, et ensuite sa mère, porter le prénom d'un champion de boxe la condamne à la probité et l'excellence, la jeune fille est lourdement lestée dès le départ. Alia est une jeune fille à la rencontre de multiples influences, congolaises, belge, est à mi-chemin entre deux cultures, boxeuse et conteuse ambulante comme son père, courageuse, moderne et indépendante, solide et dure comme sa tante. Je vous laisse lever le voile sur le destin d'Alia, une tragédie, celle de ne plus avoir personne pour la guider, fruit de haines, de combat qui la dépasse totalement, dans laquelle elle se laisse embrigader sans n'avoir dit non. La faute est ainsi dramatiquement inversée.
En sus, nous avons une belle immersion dans cette littérature orale, à travers Eddy le conteur, dont l'héritage est repris par la fille Alia, un bel interlude poétique, aérien et irréel, dans la froide réalité belge, des assauts de ces voix congolaises dans ce quotidien froid et dur, au milieu de la dureté de la boxe. Cette littérature qui se transmet de génération en génération, prenant comme source d'inspiration les événements du quotidien.
Finalement, Alia finit par se perdre, perdre ses origines, congolaise, kinoise, sa féminité, son humanité. La réussite, et l'intégration, ont un goût bien trop amer pour en valoir le coup. L'auteur a excellé en décrivant ce cheminement qui mène au désaveu de ses racines, à décrire cette violence implacable qui mène Alia à se renier et à sa propre destruction, à l'inversement de ses valeurs. L'Europe apparaît comme un monstre engloutissant quiconque aurait la faiblesse de ne pas se méfier. Si vous en souhaitez en savoir un peu plus sur l'auteure, n'hésitez pas à regarder ce très court reportage, sous forme de question-réponse qu'a diffusé Arte, intitulé L'Europe des écrivains.
Un très beau livre.
On ne peut qu’être touché par l’existence d’Alia, dont l’enfance et l’adolescence compliquées vont lui forger un tempérament et une carapace de guerrière. A travers elle, nous découvrons les problématiques de la décolonisation, de l’immigration, de la difficulté de savoir qui l’on est lorsqu’on vit entre deux cultures.
Alia nous montre aussi comment concilier la vie quotidienne d’une enfant et les tâches domestiques qui lui sont imposées par une mère démissionnaire.
Le poids de la famille paradoxalement personnifié par son absence va transformer Alia et engendrer sa colère.
La puissance de la boxe comme modérateur des pulsions, la puissance des contes et des récits comme catalyseur des sentiments et de l’énergie positive.
La violence est partout, sous toutes ses formes : verbale, physique, politique, sportive. La vie d’Alia est un combat au sens propre comme au sens figuré.
Ce récit bouillonne, brûle, trépigne, même au repos, nous sommes aux aguets, comme un boxeur qui sautille en attendant la prochaine attaque.
C’est un livre coup de poing, une claque, une boule d’énergie. A tel point qu’en le refermant, il nous faut un certain temps pour retrouver un rythme cardiaque normal….
Quand la famille d’Alia arrive à Bruxelles dans les années 80, c’est dans les bagages de Bastien qui quitte Kinshasa pour rentrer chez lui.
Dans cette famille il y a Eddy, le père qui est chauffeur de maitre, ou de maitresses, c’est selon. Eddy le conteur, le griot, qui aime la palabre et le contact avec ceux qui l’écoutent, mais qui s’étiole en Belgique. Jusqu’au jour où il rentre à Kinshasa pour quelques jours, et oublie de revenir, laissant sur la touche femme et enfants, y compris Riva, ce petit dernier qui s’annonce alors qu’il vient de les quitter.
Il y aussi Fourmi, collée devant l’écran de télévision à regarder chaque jour des séries. C’est Alia qui a la charge de l’éducation de son frère Joe. Il faut dire que là-bas, c’est Fourmi qui devait s’occuper de tous les enfants que son père a eu avec ses autres épouses, alors elle en a soupé et ne veut plus travailler.
Il y a Alia, la forte, la fille de son père, prénommée d’après Mohamed Ali, son idole, et qu’il va initier à la boxe, avec ce sac suspendu dans l’entrée et sur lequel elle frappe, frappe encore. Comme une violence contenue qui doit exploser, comme un appel au secours peut-être, face au racisme, à la difficulté d’être noire dans un pays de blancs, d’être fille aussi dans une cité difficile. Elle a des rêves Alia, que ses frères réussissent, que sa mère travaille, faire de la boxe, et surtout rentrer dans la police. Elle a du courage aussi, de la pugnacité et de la suite dans les idées. Alors malgré la violence, le racisme ambiant, elle devient celle quelle rêvait d’être, policière dans un monde d’hommes, violent, raciste, délétère.
Prenant prétexte de nous conter Alia et ses rêves, Grazyna Plebanek explore l’histoire récente de la Belgique
Lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2020/03/22/furie-grazyna-plebanek/
Alia, née au Congo mais arrivée en Belgique à l'âge de 4 ans, ne se souvient de son pays d'origine "que d'y être née".
Elle grandit, trop vite, entre une mère incapable de s'occuper de ses enfants, un père immature, une tante à l'instinct maternel qui les prend en charge, elle et son frère.
Son prénom, elle le tient de son père, grand admirateur de Mohamed Ali. De lui, elle hérite également le talent de conter des histoires.
Fille aimant les jeux de garçons, seule noire dans sa classe, ni congolaise ni belge, boxeuse talentueuse, Alia peine à trouver sa place.
Nous allons suivre son enfance, son adolescence et enfin le début de sa carrière de policière, mais à aucun moment elle ne cessera de se demander qui elle est.
Si les premières pages m'ont rapidement accrochée, grâce notamment aux histoires extrêmement vivantes racontées par Eddy, le père d'Alia, cette furie s'est essoufflée et la dernière partie du roman m'a laissée sur ma faim.
Je ressors de cette lecture pas vraiment convaincue mais pas frustrée non plus, plutôt indifférente.
Ecoutez, Alia, conteuse de…partout, vous raconter son histoire. Furie, c’est le nom qu’elle s ‘est donné lorsqu’avec son tambour, elle va relater ses histoires aux autres, pour exorciser ses démons et la surcharge de sa vie.
Alia, prénommée ainsi par son père grand fan de Mohamed Ali, part à 5 ans de Kinshasa pour aller vivre en Belgique. Elle appartient à une famille pauvre, qui se disloque au fil des pages. Eddy, le père, les quitte pour refaire sa vie au Congo, sa tante Mama Issa finira par se marier et ira habiter plus loin, sa mère Fourmi qui n’en est pas vraiment une pour elle et ses 2 petits frères qu’elle doit élever pratiquement seule, retournera elle aussi au Congo. Et puis il y a ses amants qui abusent d’elle, qui la quittent, qui la détruisent. Alors Alia boxe, pour se défouler, pour vaincre ses démons, ses peurs, ses colères, pour exister ? La boxe est son oxygène, son repaire, celui de son enfance avec son père. Elle y revient toujours, comme elle devient conteuse à son tour, comme son père autrefois. Elle façonne son vécu et ses émotions au travers d’histoires qu’elle raconte ensuite pour faire passer le message, celui d’une vie injuste, raciste, sexiste, violente.
35 ans en 430 pages, c’est le défi réussi de Grazyna Plebanek, pour nous montrer comment Alia est devenue femme, et quelle femme ! Un destin hors norme, un parcours semé d’embuches, de failles, de traitrise, de déception. Un portrait fort, attachant, marquant d’une jeune congolaise « borderline ».
Qui est la vraie Alia, l’adolescente timide et complexée, l’amie solitaire qui refuse toute forme d’attachement, la grande sœur qui doit se substituer à sa mère, la jeune fille amoureuse qui va de déception en déception, la femme meurtrie par la vie, la policière au cœur de la violence urbaine, confrontée à une milice au sein de son équipe ?
Un livre puissant, dont on a du mal à se détacher. Après un début un peu lent, le roman prend de la consistance, de la structure et du poids au fur et à mesure qu’Alia elle-même grandit. Une plume vive, acérée, des phrases au cordeau, un fil rouge avec la boxe et les contes, des thèmes d’actualité ancrés dans le réel de la Belgique actuelle. Un livre coup de poing, on n’oubliera pas Alia, superbement portraîtisée par une auteure enragée qui nous transmet aisément sa force de persuasion.
Je ne serais pas contre une suite de l’histoire d’Alia, savoir comment elle va évoluer après 40 ans, son univers va –t-il rester le même ? Sa famille ? Je pense que l’auteure a encore plein de choses à nous raconter.
Ce livre propose au lecteur de suivre la vie d'une jeune congolaise, Alia, qui se retrouve assez rapidement en Belgique. Ce livre balaye large avec tout de même un thème central, l'intégration, le racisme et les discriminations. Cela n'empêchera pas d'évoquer l'ensemble des étapes de la vie d'une jeune fille comme le premier amour par exemple.
La lecture est assez violente, il faut dire que la vie d'Alia n'est pas de tout repos. Un père quittant sa famille, une mère quasi-absente, une tentative de viol, un avortement, des policiers aux pratiques ignobles mais dans lesquels Alia va retrouver un semblant de famille...
J'ai eu un peu de mal au début avec une mise en place de l'histoire traînant un peu en longueur et puis je me suis attaché à cette petite fille qui devient très rapidement une femme forte. J'ai réussi à m'immerger dans ce roman, immersion qui fût facilitée par une écriture agréable. Je me suis indigné avec elle, j'ai ri avec elle, j'ai eu peur avec elle, jusqu'à cette fin brutale qui fait réfléchir.
C'est donc un roman intéressant, avec un début un peu poussif, quelques longueurs certes, mais dans l'ensemble la vie de cette jeune fille, les thèmes abordés et la manière de les traiter ne m'ont pas laissé indifférent. Ce roman pousse à la réflexion, c'est indéniable.
C'est donc une lecture que je pourrai recommander.
Je continue mes lectures pour le Prix des Lecteurs du Livre de Poche avec ce roman qui fait partie de la sélection de mars. C'est une totale découverte pour moi, je ne connaissais ni le roman broché ni l'autrice. J'ai trouvé le sujet du résumé très intéressant, j'aime beaucoup les romans écrits par des femmes racontant la vie de femmes. Je les trouve toujours plus sensibles et plus justes niveau pensées.
Il va donc être question ici d'Alia. Elle est née à Kinshasa, et arrive à Bruxelles au moment de ses cinq ans. Son père est un fan inconditionnel de boxe. Il a d'ailleurs féminisé le nom de Mohamed Ali pour prénommer sa fille. D'ailleurs son petit frère s'appellera Joe en hommage à Joe Frazier. La mère d'Alia, Fourmi, est très souvent aux abonnés absents avec ses enfants, elle est omnibulée par les séries télévisées, elle sort, elle boit, laissant Alia s'occuper de la maison et de son frère. Son père, est chauffeur pour un diplomate, et est un formidable conteur. Alia héritera de lui sa passion pour la boxe et les contes. Elle saura toujours transformer la réalité en histoire et la raconter à ses frères. Il y a aussi Mama Issa, la tante d'Alia, qui jouera un grand rôle dans l'éducation d'Alia, remplaçant de bien des façons sa mère. Mais le père d'Alia va repartir au Congo, et c'est la grand-mère qui arrivera alors, avec ses vieux principes, son éducation plus stricte. Alia se façonnera son identité, avec des difficultés d'adaptation à l'école du fait de ses origines. Les enfants ne sont pas tendres entre eux, ce sont les poings et les coups d'Alia qui feront qu'elle arrivera à se trouver une place. Rien ne sera simple pour elle, on lui fera toujours ressentir ses origines, sa couleur de peau. Difficile de grandir dans une telle société.
On va suivre ainsi Alia de son arrivée en Belgique à sa vie adulte, quand on la quitte, elle approche la quarantaine. Je me suis très vite attachée à elle, il est très difficile de ne pas rester insensible à ce qui lui arrive, à sa vie de petite fille qui veut tout simplement être considérée comme les autres enfants de son âge, tout en vivant des moments difficiles chez elle. Avec une mère qui ne s'occupe pas de son foyer et est complètement excentrique, toute la charge va retomber sur les épaules d'Alia. Heureusement, sa tante l'aidera beaucoup et lui apportera les valeurs humaines qu'il lui manque. On comprend très vite le choix du titre « Furie », car Alia se décrit elle-même comme une furie, tellement elle a de colère en elle face à ce qu'il se passe dans sa vie, et elle ne peut l'exprimer qu'en tapant dans son sac de boxe comme une furie.
À travers ce personnage, l'autrice fait passer énormément de messages, comme on peut se douter, sur la vie de ces Congolais en Belgique. Il ne faut pas oublier que le Congo était une colonie belge qu'ils ont eu bien du mal à quitter. Et lorsque ces mêmes Congolais viennent habiter chez le colonisateur, il est loin d'être facile pour eux de s'intégrer, surtout quand les habitants du pays sont récalcitrants. L'autrice va en profiter pour dénoncer les manquements du gouvernement belge, les milices policières, etc. J'ai beaucoup aimé cette peinture de la société des années 90, qui malheureusement, ne change pas beaucoup à notre époque.
J'ai pu apprécier le bon style de l'autrice, elle rend son récit très réaliste. Elle ressemble beaucoup à son personnage, Alia, à la seule différence qu'elle n'ont pas les mêmes origines. Elle vit elle-même à Bruxelles, elle sait donc de quoi elle parle, et de ce fait, ça ajoute beaucoup de réalisme au récit. Elle parle sans fards, elle dénonce, elle n'épargne pas ses personnages avec leurs drames, et en même temps n'épargne pas ses lecteurs. Elle dépeint la vie comme elle est, sans paillettes. Elle sait également faire passer les bons moments, les joies, l'amour que peuvent se porter les personnages. Tout n'est pas gris dans cette histoire, il y a de beaux messages d'espoir et d'entraide humaine.
Le choix narratif se fait à la troisième personne du singulier, je ne suis d'habitude pas entièrement fan de cette méthode, mais j'ai tout de même réussi à être au plus près du personnage principal et à ressentir tout ce qu'elle vit. Alia m'a très souvent émue, m'a fait sourire, je me suis sentie très proche d'elle.
Mon seul bémol porterait sur le résumé qui, pour moi, en dit beaucoup trop. Il nous parle du début, ça, ça va, mais il parle aussi du devenir d'Alia, de son travail en tant que flic. Et du coup, je m'attendais à ce que cela arrive rapidement dans le récit, et en fait non. Les deux-tiers du roman sont consacrés à la jeunesse et l'adolescence d'Alia, j'ai trouvé la partie de femme adulte pas assez développée, j'aurais aimé en savoir plus. Parce que les événements sont importants, on a affaire à une milice de policiers qui s'en prennent aux migrants, les torturent, ce sont des actes horribles et j'aurais aimé qu'ils soient plus développés. Pareil pour le final, je ne sais pas si c'est moi, mais je ne l'ai pas trouvé assez abouti, il me manque aussi des infos pour conclure l'histoire d'Alia. J'aurais aimé que l'autrice parle plus de l'immigration actuelle au travers de cette milice, j'ai trouvé que les faits de la jeunesse d'Alia et ceux de sa vie d'adulte ne sont pas proportionnés.
Les chapitres sont longs, le premier, par exemple, dure un peu plus de cent pages au format poche. Malgré tout, j'ai été tellement prise dans la vie d'Alia que je ne m'en suis pas trop rendue compte. Les chapitres sont entrecoupés par des articles de journaux de l'époque actuelle, soit 2014 et d'un chapitre sur la vie actuelle d'Alia dans son boulot de policière. Les chapitres étant longs, ceux consacrés à l'actualité sont très courts et reviennent peu souvent. J'ai ainsi dû assez souvent revenir en arrière dans ma lecture pour me remettre en tête les événements passés. Cette gestion du passé/présent m'a assez déroutée dans ma lecture.
Tout ceci n'empêche que c'est un livre bien écrit et que cela a été une bonne lecture. Alia et la vie de ses compatriotes m'a beaucoup touchée et émue. Malgré le point noir souligné au-dessus, ce roman, par son histoire, restera marqué dans ma mémoire, j'aurais beaucoup de mal à oublier cette jeune femme et sa famille. Et ce fut une belle découverte de l'autrice, elle a écrit d'autres romans, mais Furie est le seul à avoir été traduit en français. J'espère sincèrement que ses autres écrits seront traduits également, j'aimerais beaucoup la relire à nouveau.
Comme pour le premier mois de lecture du Prix des Lecteurs, j'ai fait une belle découverte grâce à lui, que je n'aurais sûrement pas fait sans lui. Franchement, je ne sais pas si je l'aurais lu, je serais passée à côté, et cela aurait été vraiment très dommage. Alors un grand merci au Livre de Poche pour cette très bonne lecture, je continue mes lectures, il m'en reste encore deux pour ce mois de mars..
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