Avec notre lecteur du mois d'octobre, découvrez Arturo Pérez-Reverte et son dernier roman "Deux hommes de bien"
À la fin du XVIIIe siècle, deux membres de l'Académie royale d'Espagne sont mandatés par leurs collègues pour se rendre à Paris et en rapporter les 28 tomes de l'Encyclopédie, alors interdite dans leur pays. Le bibliothécaire don Hermógenes Molina et l'amiral don Pedro Zárate, hommes de bien intègres et courageux, entreprennent alors de Madrid à Paris un long voyage semé de difficultés et de dangers. Par des routes infestées de brigands, faisant halte dans des auberges inconfortables, les deux académiciens arrivent à Paris, où ils découvrent avec étonnement les rues de la capitale française, ses salons, ses cafés, ses librairies, ses moeurs libertines et ses agitations politiques. Mais très vite, leur quête de l'Encyclopédie se révèle d'autant plus difficile que l'édition originale est épuisée et qu'une partie de l'Académie espagnole, opposée à l'esprit des Lumières, a lancé à leurs trousses un espion chargé de faire échouer l'entreprise.
Nourri de réalité et de fiction, habité par des personnages ayant existé ou nés de l'imagination de l'auteur, Deux hommes de bien est un merveilleux roman d'aventures et un éloge de ce qui fut la plus grande entreprise intellectuelle du XVIIIe siècle. Mais c'est aussi, dans la reconstitution minutieuse et passionnante d'un Paris prérévolutionnaire plus vivant que jamais, un hymne à l'amitié et un bel hommage à Don Quichotte d'un écrivain profondément épris de la France.
Avec notre lecteur du mois d'octobre, découvrez Arturo Pérez-Reverte et son dernier roman "Deux hommes de bien"
Dominique Lemasson, lecteur du mois d'octobre, parlez nous de vous !
Deux membres de l'Académie d'Espagne missionnés par leurs pairs pour aller en France et rapporter l'encyclopédie interdite.
Deux autres, aux opinions contraires, s'allient pour faire échouer la mission.
Nous sommes juste avant la révolution française, il y a des brigands, des personnages éclairés, des femmes de petites vertus, des dames de la bonne société qui sont, elles, libertines et un abbé aux idées révolutionnaires.
Voltaire, Montesquieu ou Rousseau se tapissent au gré des pages.
Je m'apprêtais donc à lire un roman d'aventures passionnant avec des rebondissements à foison et plein de péripéties.
Mais que de longueurs, que de réflexions philosophiques, certes intéressantes, mais trop nombreuses, que d'aller et retour entre le 18ème siècle et nos jours qui cassent le rythme et rendent la lecture poussive.
Les 3 étoiles se justifient par la qualité de l'écriture, par quelques scènes vraiment intéressantes, par la richesse de la documentation et par le thème qui reste original.
Au final, quand même, une déception.
J'ai adoré ce roman que l'on pourrait classer dans le genre "aventure". Ce livre est très bien écrit et les dialogues, échanges d'idées et de points de vue, entre les différents personnages sont savoureux.
On ne s'ennuie jamais durant les pérégrinations des deux personnages principaux. Ceux-ci sont chargés par l'académie royale d'Espagne de ramener la première édition de l'encyclopédie, alors interdite dans ce pays. Ce projet ne fait pas l'unanimité et de nombreux obstacles vont se dresser devant les deux personnages.
Un travail de recherche considérable a été réalisé pendant la phase d'écriture de ce roman. Il est d'ailleurs décrit par l'auteur dans certaines parties de l'ouvrage. J'ai eu un peu peur au début que cela vienne clairement couper le récit mais pas du tout, c'est au contraire très intéressant et cela s'intègre parfaitement à l'histoire sans casser le rythme.
Je recommande vivement ce roman (et les autres de l'auteur aussi).
Roman documenté et intéressant. Toutefois, un peu de déception car par moment on peut faire face à des répétitions et des longueurs.
Comme tout le monde, j’ai dévoré la série de cape et d’épée du capitaine Alatriste (Tiens, j’en ferais bien une chronique, c’est tellement formidable !), et lu plusieurs romans de cet écrivain navigateur, escrimeur, qui connaît bien l’aventure puisque ancien reporter de guerre.
Mais mon préféré, c’est celui-là.
On y retrouve tout ce qui fait la richesse de cet auteur : le sens de l’intrigue, l’érudition, l’humour et des personnages parfaitement campés. L’histoire elle-même est tellement extravagante que Pérez-Reverte prend bien soin de nous expliquer qu’il en a retrouvé les traces dans les archives de l’Académie Royale d’Espagne, noble institution à laquelle il appartient, l’équivalent de notre Académie Française.
En plein dix-huitième siècle, quelques années avant l’explosion révolutionnaire, les membres honorables de cette Académie se réunissent et décident d’envoyer deux des leurs en France afin d’acquérir l’intégralité de l’Encyclopédie, joyau des Lumières, phare de la connaissance de l’époque (un projet inédit et incroyablement audacieux !).
Ils réussissent à obtenir – par on ne sait quel miracle ! - l’autorisation royale mais doivent se débrouiller pour financer l’expédition sur leurs propres deniers. S’ensuit un récit picaresque, où l’esprit du grand Cervantes - dont Pérez est un fervent admirateur - plane à tous les coins de page. Notre auteur n’est pas plus tendre avec la France, qu’il décrit par le menu - en particulier la misère et les injustices flagrantes - qu’avec son pays dont il montre sans aménité l’esprit engoncé dans une morale religieuse stérilisante.
Pour pimenter le récit il y a bien sur les bons, nos deux académiciens et les méchants à la solde des anti progressistes. Pièges, traquenards, duels, tout est mis en œuvre pour faire échouer nos héros dans leur entreprise. Mais certains académiciens (à l’instar de Pérez) cachent un passé qui n’est nullement bureaucratique. Surnommé l’Amiral, l’un des académiciens est un ancien marin qui a fait les cent coups, et cette aventure est l’occasion pour lui de retrouver avec bonheur les fibres de sa jeunesse, sentiment que partage certainement notre auteur qui a soixante-sept ans. Cette histoire telle que je la résume suffirait à nous contenter amplement, si Pérez n’y avait en plus ajouté une idée risquée mais captivante : intercaler chaque chapitre historique avec le récit de ses pérégrinations contemporaines à la recherche des documents nécessaires pour étayer son roman. Quand je dis risqué, il n’y a en réalité guère de risque pour un auteur aussi reconnu ! Et c’est manifestement avec cette confiance que donne la célébrité que Pérez adopte cette formule qui - on le comprend - pourrait rompre le fil du récit et le rythme de la narration. Or, il n’en n’est rien !
Car nous avons droit à une deuxième histoire, parallèle, aussi passionnante que la première. Pérez - pour mieux les imaginer - parcourt en voiture les routes (chemins devenus parfois autoroutes !) suivis par ses protagonistes en calèches. Quelquefois il retrouve des lieux d’époque. Ses amis bouquinistes de Paris l’alimentent en traités anciens qu’il achète à prix d’or, peu importe : il est bibliophile ! Les relevés de Google Map sont même mis à contribution !
Six cents pages captivantes, particulièrement pour tous ceux qui aiment le siècle des Lumières, creuset des idées nouvelles. L’abbé Bringas, personnage réel, tient un rôle important dans cette histoire, car représentatif de ces révolutionnaires, intellectuels frustrés, qui, selon Reverte : ont su prendre leur tour quand la révolution est arrivée, avec, bien souvent, une soif de sang…
Un roman très bien écrit, qui nous emmène au XVIII siècle sur les routes d'Espagne et de France en compagnie de deux érudits, à la recherche des 28 tomes de L'Encyclopédie (première édition), ouvrage interdit en Espagne, et dont l'acquisition divise l'Académie espagnole.
Ce roman d’aventures est un éloge de ce qui fut la plus grande entreprise intellectuelle du XVIIIe siècle. Mais c’est aussi, dans la reconstitution minutieuse et passionnante d’un Paris prérévolutionnaire,un hymne à l’amitié; au respect de l'autre.
Une très long blabla multipliant les références... sans parvenir à susciter l'enthousiasme du lecteur, tant l'histoire se traîne en longueur. N'est pas Dumas qui veut.
« Charles III a été un bon roi dans la limite de ce que l’on pouvait en attendre » et, en dépit de l’opposition de l’Inquisition et de la papauté, il a autorisé l’Académie royale espagnole à se procurer les vingt-huit volumes de la fameuse Encyclopédie publiés entre 1751 et 1772 sous la direction de Diderot et D’Alembert. Plus facile à dire qu’à faire ! En 1780, se procurer un des 4400 exemplaires de la collection est une aventure des plus risquées. Deux académiciens parlant le français sont chargés de se rendre à Paris pour tenter de trouver et rapporter ce que l’Europe entière considère comme le phare de l’ère des Lumières.
Point de navires ni de cartes marines, on ira par voies terrestres de Madrid à Paris en passant par Bayonne. Il est rare que les académiciens soient de première ou même de seconde jeunesse, les nôtres n’échappent pas à la règle : Don Pedro Zarate est un marin à la retraite qu’on appelle à l’Académie l’Amiral, Hermogenes Molina est un bibliothécaire qui n’a jamais quitté l’Espagne et « n’a plus l’âge ni la force d’encaisser de telles fatigues ». Le premier est agnostique et le second catholique pratiquant.
Il y a aussi, comme dans toute bonne chasse au trésor, des opposants. Ceux-là sont également académiciens et assez sournois pour commanditer un spadassin chargé de faire échouer la mission. La route passe par Meung sur Loire (clin d’œil à D’Artagnan au tout début des Trois Mousquetaires), on fait le coup de feu pour échapper à des bandits de grand chemin, un policier véreux tend une embuscade, l’ambassadeur d’Espagne se désintéresse de la mission mais présente l’abbé Bringas, un compatriote exilé qui, moyennant finances, doit les aider à trouver ce qu’ils cherchent tout en leur faisant découvrir le Paris pré-révolutionnaire.
Tous les personnages sont authentiques, le spadassin pourrait être le capitaine Alatriste ou l’un de ses frères d’armes. Il a perdu son honneur un jour au Portugal et parfois, le vieux lieutenant courageux qu’il a laissé partir seul au combat et à la mort vient le hanter. On découvre que Bringas fut plus tard un des plus sanguinaires membres de la Convention et qu’il eut le privilège de monter à l’échafaud le même jour que Robespierre, juste après Saint Just. Il faisait partie du petit nombre de détenus libérés de la Bastille le 14 juillet 1789 où il séjournait selon lui pour ses écrits séditieux mais plus vraisemblablement selon les historiens pour commerce de pornographie ! On croise un charlatan qui se dit médecin, entend soigner un rhume par une saignée et se nomme Marat. On mesure l’abîme séparant les élégants du faubourg Saint Honoré des spectres survivant rue des Rats ou rue du Pet-au-Diable. Nos académiciens courent les libraires et rencontrent, au café Procope, Condorcet, D’Alembert, Bertenval et Franklin sans oublier (ah les échecs tellement présents dans l’œuvre de Pérez-Reverte) Philidor qui « joue mentalement…(sans) échiquier ou adversaire…seul contre le monde ». On comprend, à travers Bringas, ce que la Révolution et ses bains de sang doivent aux écrivains, poètes, philosophes, avocats médiocres et jaloux du talent et du succès de leurs confrères.
On philosophe avec D’Alembert « nous n’avons pas fait l’Encyclopédie pour ça (la révolution sanglante) », « pour notre révolution nous n’avons pas besoin d’autres armes que celles des livres et des paroles » mais Bringas a le dernier mot « forger l’homme nouveau va nécessiter une étape intermédiaire…il n’y aura d’école possible que là où l’on aura dressé un bon échafaud…il faut éliminer les ennemis du progrès…en séduisant les membres de la classe dirigeante…que leurs cœurs, leurs intérêts ou l’air du temps conduisent vers les Lumières puis…se substituer à eux…c’est bien simple : on les extermine sans pitié»
L’Amiral se voit provoqué en duel par l’amant d’une belle qui a jeté les yeux sur lui. Vingt ans sans avoir tiré l’épée, vingt ans de plus que son adversaire, Don Pedro saura-t-il se tirer d’affaire ? Saura-t-il aussi se tirer d’affaire avec la coquette qui reçoit chez elle, dans sa chambre, pour le petit-déjeuner.
C’est une très belle et très riche aventure remarquablement contée (si vous ne vous sentez pas trempés jusqu’à l’os comme le cavalier de la page 146, c’est à désespérer) avec le sens extraordinaire du détail qui caractérise tous les romans de Pérez-Reverte. Ici, il nous offre le plaisir rare, en préambule puis à l’intérieur de son récit, de nous dévoiler son travail de documentaliste sur les traces de ses deux héros. C’est aussi passionnant que l’histoire de cette chasse au trésor dont voici les premières lignes:
« Imaginer un duel à l’aube, dans le Paris de la fin du XVIIIème siècle, n’est pas difficile. Le raconter par écrit est plus compliqué. Le tout est d’obtenir du lecteur qu’il voie ce que l’auteur voit ou imagine. De devenir le regard de l’autre, celui qui lit, et de s’effacer discrètement afin que ce soit lui qui fasse corps avec l’histoire qu’on lui raconte. Celle de ces pages demande un pré couvert de givre au petit matin, et une lumière diffuse, grisaillante, pour laquelle il serait utile de recourir à la douce brume, pas trop épaisse, qui s’élevait le plus souvent des bois aux alentours de la capitale française dès les premières lueurs du jour…Ce qui doit attirer notre attention, ce sont les deux hommes immobiles qui se font face…du groupe assemblé sous le couvert des arbres vient une voix et les deux hommes lèvent lentement leur épée »… maintenant poursuivez la lecture !
Finiront-ils par dénicher leur Graal ? Seront-ils capables de le défendre ? Sont-ils prêts à mourir pour lui ? Assurément car ce sont « Deux hommes de bien » tandis qu’Arturo Pérez-Reverte est un Grand d’Espagne.
L’histoire de l’acquisition de l’Encyclopédie au 18 e siècle par l’Académie royale d’Espagne est retracée avec brio par Arturo PEREZ-REVERTE dans ce roman, lui-même membre de cet organisme, alors qu’elle était interdite dans leur pays.
Vers 1780, l’Académie royale espagnole décide de se procurer L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, éditée de 1751 à 1772 sous la direction de Diderot et D’Alembert. Au 18e siècle, la représentation de l’univers a évolué avec les théories héliocentriques de Copernic, reprises par Galilée au 17e siècle. La théorie de la gravitation universelle de Newton est diffusée vers 1730 en France par Voltaire. Toute ces nouvelles connaissances vont être compilées afin que le plus grand nombre puisse y accéder. Cet ouvrage considéré comme subversif (et il l’était : Dans le Discours préliminaire de l'Encyclopédie, d'Alembert critiquait sévèrement les abus de l'autorité spirituelle dans la condamnation de Galilée par l'Inquisition en 1633) est mis à l’index le 7 mars 1759 par le pape Clément XIII.
La péninsule ibérique est restée à l’écart des mouvements intellectuels qui fourmillent en Europe. Par cette acquisition, les académiciens souhaitent faire participer l’Espagne à ce renouvellement des idées et sortir des siècles d’obscurantisme.
Deux académiciens sont désignés pour aller jusqu’à Paris et acheter les 28 volumes. Ces deux « hommes de bien » sont le bibliothécaire de l’Académie, un petit homme rond, débonnaire, latiniste émérite et l’Amiral, un ancien brigadier des armées de la Marine du roi, auteur d’un dictionnaire sur la marine.
Cet achat ne fait pas l’unanimité au sein des académiciens. Un journaliste catholique et un philosophe qui s’approprie les idées de ses congénères français s’allient pour empêcher cet achat. Ils engagent un mercenaire pour faire échouer ce projet.
Cette antinomie se retrouve aussi chez nos aventuriers. Le bibliothécaire ne veut pas la chute des rois ni la disparition de la religion. Pour lui, « la lumière qui nous guide doit rester celle de la foi ». Quant à l’amiral, « la lumière doit être celle de la raison ».
Arrivés à Paris, ils vont avoir à faire à un bien singulier guide : l’abbé Bringas, un prêtre espagnol qui a renié la religion catholique. Alors que les « deux hommes de bien » admirent la liberté qui règne en France, l’abbé Bringas calme leur enthousiasme « il y a ici une presse plus hardie et des livres dont la publication est sans doute inimaginable en Espagne, mais qui ne sont destinés qu’aux élites…. Le peuple n’a pas droit à la parole et n’est pas écouté… son ignorance politique crasse n’est dépassée que la nôtre : celle des Espagnols ».
A travers les archives (actes, courriers…), l’auteur relate ce voyage long et aventureux. Deux récits vont évoluer en parallèle : les recherches de l’auteur et les péripéties de nos deux compères.
Loin d’entraver le rythme de la narration, l’étude de différents documents historiques, nous permettent de concevoir le voyage au 18e siècle et de nous transporter dans les différents lieux du roman. Sa quête de documents pour éclairer son récit est minutieuse.
Il s’agit bien d’un roman. Fort de ses connaissances historiques, il campe ses personnages et imagine leurs péripéties avec maestria.
C’est un livre passionnant que l’on dévore comme un thriller.
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