Des incontournables et des révélations viendront s'ajouter à cette liste au fil des semaines !
Huis-clos bouleversant entre la mère et sa fille, accentué par le tutoiement de la narratrice à la petite fille.
Les années d’après-guerre
Fanny est une mère célibataire, et elle assume avec fierté sa situation. La petite Marion est née d’un père allemand, mais il ne faut pas en parler :
« Elle t’a dit aussi qu’il était allemand, ton père, mais qu’il ne faut pas en parler, ma chérie. Jamais. A personne. C’est un secret. »
Marion, qu’elle appelle Funny-Face une façon de s’approprier l’enfant avec un prénom proche du sien, car Fanny est complètement seule avec sa fille. Les ponts sont coupés avec sa famille, pas d’amis, pas d’amoureux. Elle tolère seulement la présence épisodique de sa tante Élisa, qu’elle méprise et raille constamment. Elles vivent toutes les deux, repliées dans leur minuscule appartement parisien :
« Oui, vous êtes heureuses toutes les deux, ta mère et toi ; heureuses d’un bonheur lumineux, singulier, bien à vous. Un bonheur si naturel qu’on ne penserait pas qu’il puisse s’arrêter. »
Mais déjà à sept ans, Marion voit bien que sa mère est différente des autres mamans. Une mère qui clame son mépris contre les petits bourgeois, qui en fait toujours trop, qui clame sa différence. Même quand elle chante : « Elle chante avec les autres. Fort. Bien plus fort : on n’entend qu’elle, et tu meurs de honte de ce chant qui se distingue, de ce chant hors normes, qui vous sépare, qui vous isole. Les gens se retournent, la regardent. Tu vois bien qu’ils sont étonnés. Elle chante en latin, avec une prononciation bizarre, en articulant exagérément cette langue incompréhensible, cette langue de fous, qui lui plait, tu le sens, et tu as l’impression qu’il y a là une connivence qui te dépasse, qui te fait peur. »
Une mère fantasque qui traverse les rues, sans se soucier des voitures, en traînant Marion, morte de peur.
En grandissant, elle comprend que sa mère est malade. Désormais, c’est elle, l’adulte, qui protège, qui se tait quand sa mère ne prend pas la totalité de son traitement. Les troubles psychologiques de Fanny ne feront que s’amplifier, avec des séjours réguliers en HP.
Marion prend peur quand les crises de démence se présentent, d’autant plus que l’agressivité est désormais dirigée contre elle. Elle n’est plus la fille de Fanny, mais une autre femme, une concurrente, contre qui Fanny dirige sa violence.
Terreur, souffrance, honte et dégout. Puis culpabilité de la honte qu’elle éprouve. Car l’amour absolu qu’elle éprouve pour sa mère est toujours aussi fort.
Un univers oppressant et douloureux qui petit à petit se referme sur l’enfant puis l’adolescente.
Une analyse de l’intime parfaitement bien saisie. Un scénario angoissant qui m’a fait lire le récit d’une traite. Une écriture fluide et précise, presque visuelle tant les personnages évoluaient sous mes yeux.
J’ai moins aimé la narration avec le « tu » qui apporte une certaine lourdeur au récit. Le « je » de l’enfant, puis de l’adolescente aurait été encore plus percutant, il me semble...
Puis, je n’ai pas compris l’attitude et surtout la brève remarque finale du médecin qui suit Fanny. Un jugement qui remet en cause la souffrance de l’adolescente….
Exceptés ces légers bémols, j’ai adoré ce roman et le recommande à tous ceux qui apprécient les analyses psychologiques travaillées et accomplies.
Un roman particulièrement réussi qui reste en tête, longtemps après l’avoir refermé.
https://commelaplume.blogspot.com/
« Les petits personnages » de Marie Sizun est l’idée géniale de choisir des tableaux et de raconter l’histoire du(es) petit(s) personnage(s) qui s’y trouve (nt), comme par exemple celle de la jeune femme au chapeau de paille et tablier bleu dans ce paysage méditerranéen sur la couverture.
Marie Sizun donne vie à trente et un tableaux à travers l’histoire des petits personnages qui y sont dessinés ou juste esquissés.
Le récit de Marie Sizun commence par ses premiers souvenirs d'un appartement, modeste certes mais où elle a été heureuse auprès d'une mère affectueuse et fantasque et qui ne se fâche jamais.
Depuis la fenêtre de la cuisine, on distingue la fuite des toits de zinc. « C'est là qu'elle envoie à la volée nos fleurs fanées plutôt que de les mettre vilainement à la poubelle »
Il y a beaucoup de nostalgie dans ce récit. L'amour maternel est très présent, mais derrière se faufilent l'absence et l'abandon.
« A cette époque, le bonheur semé par ma mère est partout. Il est de chaque instant. »
Dans les années 1940, la famille a été dispersée par la guerre et c'est à cause d'elle que le père est parti. Mais la vie à deux est douce, la mère compense l'absence par une présence de tous les instants.
Le retour du père ne dure pas. le mot « divorce » est prononcé. C'est une nouvelle vie, singulière et pauvre, qui s'ouvre pour cette famille sans mari, sans père mais avec deux enfants, bientôt trois.
Pendant ces années difficiles ou la narratrice prend conscience de son déclassement social, la vie est rude mais on profite des moments de bonheur et de liberté. Dans ce minuscule appartement, on s'organise, l'important est ailleurs.
L'auteure aime le cinéma, la littérature, elle a peu d'amies mais va se forger une personnalité sans jamais baisser les bras face à l'adversité.
Ce récit est lumineux et tendre, jamais larmoyant malgré les difficultés de la vie, la maladie et l'abandon du père. Un récit familial et de résilience qui nous ouvre les portes intimes de l’œuvre littéraire de Marie Sizun.
J'ai bien aimé la lecture de ce récit biographique, tout en nuances et raconté par une véritable conteuse.
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