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Pour ou Contre ? Les critiques de "Beaux rivages" Nina Bouraoui

Rentrée littéraire 2016 JC Lattès

Pour ou Contre ? Les critiques de "Beaux rivages" Nina Bouraoui

De la zizanie sur lecteurs.com !

 

Les Explorateurs n’auront pas travaillé pour rien, vous découvrirez semaine après semaine le résultat de leur travail dans ces pages. A travers leurs lectures ont émergé des lignes de force et des points de vue parfois très différents sur les romans.

On vous fait profiter de leurs plus beaux désaccords à travers ces « pour-contre » que vous retrouverez une fois par semaine. 

Parce que la critique d’un livre est subjective mais toujours juste quand elle est solidement argumentée, nous avons sélectionné les chroniques les plus tranchées afin que vous, lecteurs, puissiez vous faire une idée de l’étendue des émotions, réactions, réflexions proposées par un texte.

 

Et on démarre avec un premier affrontement, celui de Marie-Laure Vanier et Hervé Gabeloteau sur Beaux rivages de Nina Bouraoui (ed. Lattès). L’auteure est attendue comme chaque année, et elle a suscité chez nos deux lecteurs des lectures plutôt très tranchées. Alors, qui vous convaincra le plus, Hervé ou Marie-Laure ?

 

C'est une histoire simple, universelle. Après huit ans d'amour, Adrian quitte A. pour une autre femme : Beaux rivages est la radiographie de cette séparation.
Quels que soient notre âge, notre sexe, notre origine sociale, nous sommes tous égaux devant un grand chagrin d'amour.
Les larmes rassemblent davantage que les baisers.
J'ai écrit Beaux rivages pour tous les quittés du monde. Pour ceux qui ont perdu la foi en perdant leur bonheur. Pour ceux qui pensent qu'ils ne sauront plus vivre sans l'autre et qu'ils ne sauront plus aimer. Pour comprendre pourquoi une rupture nous laisse si désarmés. Et pour rappeler que l'amour triomphera toujours. En cela, c'est un roman de résistance.               

 

 

Pour !

Hervé Gabeloteau : très beau livre sur la quête de soi et des autres.

 

La première page s’ouvre sur la fin d’une histoire d’amour fusionnelle par un lâche SMS adressé à A par Adrian.

Beaux Rivages (ed. JC Lattès) est un livre poétique et sensuel, peut-être autobiographique. Poétique car inspiré du romantisme aux accents très mussétiens, avec la satisfaction d'avoir aimé et souffert en même temps. Authentique car c'est un cœur tendre et brisé qui s'exprime.

Le charme et la difficulté d’un ouvrage sur une rupture sentimentale est la facilité pour le lecteur de s’identifier à une des phases explorées entre éblouissement et dépit amoureux.

 

Comme un peintre à la recherche de sa ligne d'horizon, la narratrice trouve son originalité dans sa quête de l'équilibre pour son héroïne. Adrian est le centre de gravité ; toute l’histoire tourne autour de lui, lui le seul à avoir un prénom ; l’héroïne perd sa boussole et son axe  lors qu'elle prend conscience de la perte de sa place dans la vie d’Adrian. Plus dure est la chute lorsque l’on a touché le bonheur absolu : les sentiments réprimés cherchent leur vengeance jusqu’à la haine de l’Autre ; le désir de victoire sur la rivale atteint un stade obsessionnel.

 

Dans ce livre très réussi sur la recherche de soi et des autres, Nina Bouraoui explore les cimes et les abîmes de la carte du Tendre dans un style chanté rappelant Aragon mis en musique par Ferrat. Toutefois, les questions essentielles demeurent : comment connaître vraiment ceux que l’on aime et que réserve l’avenir sentimental en l’absence de toute prescience ? Ni scientifique ni quantifiable, l’amour se confronte à un nouveau virus, celui des réseaux sociaux, point d’ancrage manichéen embrassant les meilleurs comme les pires messages.

 

L'écriture, dans un style très intimiste, confère une vraie complicité avec le lecteur qui se nourrit d’allers-retours entre le réel et la romance. Mais si l'auteur a sa réponse sur la quête du bonheur entre braises et cendres, c'est à chacun de trouver la solution  pour renouer avec son équilibre dans l’adversité.

 

Une des forces de ce livre est l'offre faite au lecteur de s'identifier non pas à un mais plusieurs personnages. Si Nina Bouraoui a réussi à capter mon attention  c'est qu'elle dépasse les clichés et touche à l'intime. Attention danger : en amour aussi la réalité peut dépasser la fiction.

© herve gabeloteau

 

 

Contre !

Marie-Laure VANIER : A. aime Adrian qui n'aime plus A., une histoire de bobos parisiens.

 

Nina Bouraoui dans son dernier livre Beaux rivages se propose, comme l'indique la quatrième de couverture, de faire « la radiographie de cette séparation ». L'auteur ajoute : « Quels que soient notre âge, notre sexe, notre origine sociale, nous sommes tous égaux devant un grand chagrin d'amour. »

Oui, c'est incontestable, mais pourquoi choisir de le montrer à travers des personnages qui ne nous ressemblent pas, qui ne sont pas nous, les gens, vous, moi et les autres ?

Comment parvenir à partager la peine de bobos parisiens vivant rue de Charonne, qui ont passé leur enfance près du jardin du Luxembourg, se déplacent en taxi, vont régulièrement au restaurant : chez « Charlot » où Madame a ses habitudes, à « La  Société », place St-Germain-des-Prés, aux « Chouettes », pas loin de chez Madame (Ah ! C'est pas la cantine du pauvre, a dit ma copine Annie en regardant les photos du resto sur Internet!), au « Lutetia », commandent sur le site Houra tout ce que Monsieur aime : « champagne, fromage blanc(!), œufs, Ginger Beer, cottage cheese, viande des Grisons, lait de coco car Madame ne peut plus mettre les pieds dans un supermarché depuis qu'elle a perdu de l'appétit, tiennent une galerie d'art à Zurich où l'on peut acheter des œuvres de Peyton, Bucher, Weatherford, Coplans, Bourgeois, Warhol … et bien d'autres, ont des projets de voyages modestes : Bali, Hong Kong « le monde était si vaste, nos envies si diverses » (on les plaindrait presque de n'être pas allés au bout de leurs rêves!) ?

Malgré tout ce qui leur arrive, limite si on ne les envie pas !

C'est triste à dire, mais je veux bien aller pleurer un amour perdu en Corse avec un très bel homme de quinze ans mon cadet et plonger dans les eaux transparentes de la Méditerranée pendant qu'il me prépare de délicieux smoothies aux fruits !

Je veux bien vivre un bel été « dans une maison simple, dont la construction n'est pas achevée… deux chambres, avec des matelas à même le sol, un salon avec un canapé, une table, quatre chaises » Retrouver l'essentiel, ça se paye !

Trêve de plaisanterie… On peut certainement faire de la bonne littérature avec des histoires d'amour malheureuses dans un monde privilégié - d'ailleurs la littérature française en est pleine - mais ici, cela fait trop magazine glacé, trop cliché, trop clinquant. Et l'écriture, si elle n'est pas désagréable, ne parvient pas à dépasser ces lieux communs et ces personnages trop stéréotypés.

 

Je suis restée complètement extérieure à ces personnages, ces lieux, ces situations. Ce n'est pas le monde de ceux qui, lorsqu'ils sont abandonnés, se retrouvent vraiment seuls, sans rien ni personne, même pas un décor de rêve pour leur changer les idées.

Ce qui arrive aux personnages de ce livre ne me concerne pas. Et pourtant, croyez-moi, j'aimerais tant que ça me parle !

 

© Marie-Laure VANIER

 

Retrouvez leurs avis sur les fiches des 50 romans français lus par les Explorateurs de la rentrée littéraire 2016,

Mais également les chroniques :

"Où la lumière s’effondre" Guillaume Sire (Plon)

"Chanson douce" Leila Slimani (Gallimard)

"Une bouche sans personne" Gilles Marchand" (Aux Forges de Vulcain)

"Les lois de l’apogée" Jean Le Gall (Robert Laffont)

"Anguille sous roche" Ali Zamir (Le Tripode)

"Police" Hugo Boris (Grasset)

"Ma part de Gaulois" Magyd Cherfi (Actes Sud)

"Une fille et un flingue" d’Ollivier Pourriol (Stock)

"Celui-là est mon frère" de Marie Barthelet (Buchet-Chastel)

"Marcher droit, tourner en rond" Emmanuel Venet (Verdier)

"Le Zeppelin" de Fanny Chiarello (L’Olivier)

"Crépuscule du tourment" Léonora Miano (Grasset)

"Comment tu parles de ton père" de Joann Sfar

 

Les Pour ou Contre :

"Beaux rivages" de Nina Bouraoui (Lattès)

"L’Année la plus longue" de Daniel Grenier (Flammarion)

"L’innocent" de Christophe Donner (Grasset)

"Le Garçon" de Marcus Malte (Zulma) : Prix Fémina 2016

"Les sorcières de la république" de Chloé Delaume (Seuil)

"La sainte famille" Florence Seyvos (éditions de l'olivier)

 

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