Pour cette rentrée littéraire 2016, les éditeurs vous proposent plus de 500 romans.
Mais alors, que lire et comment ne pas passer à côté de belles découvertes ?
Cette année, Lecteurs.com a choisi d’explorer 50 romans français. Pendant tout l’été, les Explorateurs les ont lu en avant-première.
Ils ont relevé le défi, ils ont aimé ou détesté, mais dans tous les cas ils ont chroniqué pour vous avec leur passion de lecteurs
Nous sommes dans la zone côtière de l'Afrique subsaharienne, peut-être au Cameroun. Quatre voix de femmes, s'adressant au même homme, Dio, se succèdent pour composer les quatre parties de ce roman choral: celle de sa mère, Madame ; celle de la femme à laquelle il a tourné le dos parce qu'il l'aimait trop et mal, Amandla ; celle la femme avec laquelle il avait choisi de vivre parce qu'il ne l'aimait pas, Ixora ; celle de sa soeur, Tiki. A partir de leur adresse à ce destinataire unique, ces femmes nous racontent leur vie et relatent parfois les mêmes épisodes d'un point de vue différent, dans une langue différente, avec un arrière-monde culturel, une personnalité et une sensibilité différentes. Ce qu'elles ont toutes néanmoins en commun : une part amputée, un secret refoulé, une enfance douloureuse, un désir sacrifié, une ascendance inavouable... et confusément, pesant sur leurs épaules depuis la nuit des temps, le double fardeau de la colonisation et d'une féminité asservie...
Découvrez la critique de Gilles Borrel pour Crépuscule du tourment de Léonora Miano
Deux jours déjà que j'ai terminé la lecture de ce livre. Il fallait ce temps afin que se décantent en moi les eaux troubles du "Crépuscule du tourment". Cette lecture m'a été pénible, non pas que je n'ai pas apprécié le style fort riche, le contenu très intéressant, la démarche intellectuelle courageuse mais il émane de ces propos à quatre voix un profond désespoir qui a résonné étrangement en moi. Quatre monologues féminins tous adressés au même homme et présentant tous une face sombre d'un personnage que je n'ai pas réussi à détester.
Ces comptentrices nourrissent envers lui des sentiments très contradictoires. Elles voient ses défauts mais elles ne peuvent s'empêcher de l'aimer et leurs propos m'amène à penser qu'elles pensent qu'il est plus à plaindre qu'à blâmer. Elles voudraient voir en lui le nouvel homme africain qui prend à bras le corps les souffrances du continent et lui redonne dignité et fierté. Il le voudrait lui aussi mais il n'en a pas la force. Héritier d'une noble lignée qui s'est fourvoyée dans la collaboration avec le colonialisme, il traîne sa honte sans savoir comment rompre avec un passé infamant. Le "Nord" l'attire autant qu'il le révulse et dans son errance il perd tous ses repères. Toutes ces femmes qui l'ont aimé, qui l'aiment peut être encore, ont tenté de l'attirer chacune à leur manière sur le chemin du succès et de la grandeur. Elles n'ont eu en retour qu'une grande déception et d'autre choix que de chercher par elle-même la dignité et l'honneur. La femme africaine doit combattre si elle ne veut pas sombrer, écrasée par le poids d'une société machiste. Même riche la femme est inférieure à l'homme, même intelligente et cultivée, elle n'a pas le droit de s'exprimer sauf de manière occulte.
Léonora Miano ne nous donne aucune piste qui pourrait nous laisser entrevoir un quelconque espoir. La société africaine reste totalement clivée; telles les planètes d'un système solaire sans soleil les hommes et les femmes sont soumis à une force d'attraction qui les maintien dans un système où jamais ils ne se rencontrent. Difficile pour moi de dire si ce livre m'a plu tant il m'a troublé. J'ai relu certains passages et il est incontestable que l'écriture est forte et riche de sens. Certains passages présentent une analyse très profonde des règles obscures qui régissent les relations entre les êtres humains d'un continent martyrisé. J'en ressors avec une vision de l'Afrique pleine de nuances. A lire donc si l'on veut s'éloigner des clichés sur l'Afrique.
Retrouvez les 50 romans français et les Explorateurs de la rentrée littéraire 2016
Les chroniques :
Mais également les chroniques :
"Où la lumière s’effondre" Guillaume Sire (Plon)
"Chanson douce" Leila Slimani (Gallimard)
"Une bouche sans personne" Gilles Marchand (Aux Forges de Vulcain)
"Les lois de l’apogée" Jean Le Gall (Robert Laffont)
"Anguille sous roche" Ali Zamir (Le Tripode)
"Ma part de Gaulois" Magyd Cherfi (Actes Sud)
"Une fille et un flingue" d’Ollivier Pourriol (Stock)
"Celui-là est mon frère" de Marie Barthelet (Buchet-Chastel)
"Marcher droit, tourner en rond" Emmanuel Venet (Verdier)
"Le Zeppelin" de Fanny Chiarello (L’Olivier)
"Crépuscule du tourment" Léonora Miano (Grasset)
"Comment tu parles de ton père" de Joann Sfar
Les Pour ou Contre :
"Beaux rivages" de Nina Bouraoui (Lattès)
"L’Année la plus longue" de Daniel Grenier (Flammarion)
"L’innocent" de Christophe Donner (Grasset)
"Le Garçon" de Marcus Malte (Zulma)
"Les sorcières de la république" de Chloé Delaume (Seuil)
"La sainte famille" de Florence Seyvos (Editions de l’Olivier)