Des types comme Philippe, on en croise tous les jours. Sur le trottoir, dans les couloirs du métro, dans les gares. On ne les regarde souvent même pas. Des types qui avaient une vie, une famille, un boulot. Philippe avait tout ça. Mais lui et sa femme ont divorcé, elle l'a mis à la porte. Il a...
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Des types comme Philippe, on en croise tous les jours. Sur le trottoir, dans les couloirs du métro, dans les gares. On ne les regarde souvent même pas. Des types qui avaient une vie, une famille, un boulot. Philippe avait tout ça. Mais lui et sa femme ont divorcé, elle l'a mis à la porte. Il a quitté son travail deux jours avant la fin de son CDD, de toute façon, il n'aurait pas été reconduit. Il passe alors d'hôtels Formule 1 en hôtels miteux. Il perd son permis... et petit à petit, étonnamment vite, tout ce qu'il possède. Très rapidement, sa situation se dégrade. Chaque billet puis chaque pièce compte de plus en plus vite, l'argent s'amenuise, s'égraine, jusqu'à manquer totalement. Alors la spirale infernale l'engloutit : pas d'argent, pas de toit, pas d'adresse, pas de travail... pas d'argent. Philippe devient SDF. Sans domicile fixe. Puis sans rien du tout. Un parcours tristement banal, et effrayant. Cet hiver-là nous rappelle à chaque chapitre, à chaque page que ce peut être nous, non pas pour créer une empathie égocentrique mais au contraire pour nous interpeler, nous faire réfléchir, nous faire agir. Lui, c'est nous. Et nous pourrions tous être Lui.
Dans cette hiver si froid et si triste, il y une lueur d'espoir qui s'appelle Baudelaire, comme l'auteur des "Bons chiens". Car Baudelaire est un chien. Un bâtard errant qui devient son protecteur et son guide. C'est lui qui soutient Philippe, lui montre la voie et le sauve en lui faisant comprendre ces mots essentiels : "Prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur"...
Il y a aussi Bébère, Fatima, Ahmed, qui lui tendent la main, lui ouvrent leur cœur et leur porte, partagent le peu qu'ils ont. Et le Fleuron, une péniche amarrée quai de Javel, où Philippe et Baudelaire sont accueillis, et où, une fois la passerelle franchis, ils ne sont plus des SDF mais des passagers. Des passagers que l'on guide vers une nouvelle vie en les aidant à remonter la pente...
Et il y a Claire, la petite Princesse de l'Aurore, sa fille qu'il entr'aperçoit, à laquelle il pense, dont la photo lui redonne courage. Sa petite fée qui, malgré tous les efforts de sa mère pour l'éloigner de son père, ne cesse de le défendre, de l'aimer, de le porter dans son cœur à défaut de pouvoir le voir...
Harold Cobert, qui a passé pour ce roman beaucoup de temps à fréquenter des SDF, décrit avec beaucoup de justesse, d'efficacité, de précision ce déclin somme toute ordinaire. Pas de pathos, pas d'effusion inutile, simplement des mots qui sonnent juste, un ton, un style limpide et percutant qui font ressentir profondément tous les doutes, les désespoirs, les découragements, mais aussi les petits bonheurs, les espérances, les amitiés.
"Un Hiver avec Baudelaire", subtilement en prise avec le réel et émotionnellement très très fort, est sans conteste, comme l'écrit Tatiana de Rosnay, une "formidable fable contemporaine, un immense message d'espoir !"