Des idées de lecture pour un été plein d’émotion et d’inattendu !
PRESQUE JAMAIS AUTREMENT est une saga familiale qui se déroule dans les Carpates ukrainiennes au début du XXe siècle. Elle met en exergue les grandes passions des gens ordinaires, avec en arrière-plan le destin d'un territoire martyrisé par les guerres et les dominations successives.
Dans un style remarquable, entretissant magistralement les fils narratifs, Maria Matios livre un récit, souvent cruel, où les frères s'entretuent pour de maigres parcelles de terre, où des femmes téméraires défient, sans toujours la contester, la loi d'hommes parfois vertueux et courageux, parfois lâches et impuissants, et où la sorcellerie semble exercer un pouvoir réel.
Prix du livre de l'année en Ukraine
Des idées de lecture pour un été plein d’émotion et d’inattendu !
Je suis tenter par cette histoire ukrainiennes ,une bonne lecture en perspectives pour l ete merci de cette selection
Presque jamais autrement est une saga familiale qui se déroule dans les Carpates ukrainiennes au début du XXe siècle.
Dans un style remarquable, entretissant magistralement les fils narratifs, Maria Matios livre un récit, souvent cruel, où les frères s’entretuent pour de maigres parcelles de terre, où des femmes téméraires défient, sans toujours la contester, la loi d’hommes parfois vertueux et courageux, parfois lâches et impuissants, et où la sorcellerie semble exercer un pouvoir réel.
Éminente figure de la littérature ukrainienne et personnalité publique, Maria Matios compte parmi les autrices ukrainiennes les plus prolifiques et est considérée comme l’une des cent femmes les plus influentes d’Ukraine.
Mon avis
3 raisons ( plus ce serait abusé
L’histoire nous installe en Ukraine dans les montagnes des Carpates au début du XXe siècle. “Ici, dès la conception du monde, l’homme s’était occupé de la bonne santé de sa semence, et la femme, de l’endurance de son ventre.”
Sur ce bout de terre fatiguée par la guerre et l’orgueil des hommes, vivent quelques familles : les Varvartchouk, les Tchekiouv, les Keyvan. Leurs jours semblent rythmés par des activités somme toute bien paysannes : s’occuper des bêtes, élever les enfants, garder la santé. Mais la rudesse du quotidien n’empêche pas les passions. Et avec elles, les vengeances, les regrets et les lâchetés.
Lorsque Petrounia Varvartchouk se retrouve esseulée après le départ de son époux pour le front, Dmytryk, le plus jeune fils Tcheviouk, vient lui prêter main forte. Entre ces deux-là, il ne faut que quelques regards et quelques frôlements pour que naisse une idylle interdite.
Maria Matios tisse autour de cet adultère d’autres intrigues, toutes tragiquement liées, qu’elles lui soient antérieures ou ultérieures, parfois soufflées par une diseuse de bonne aventure, perchée sur une balançoire
qui oscille entre les malheurs des uns et des autres. La mort suspecte d’un père, des querelles d’héritage, un mariage houtsoule plein de déshonneur…
Curieuse langue que celle de Maria Matios, pleine de tendresse et de diminutifs affectueux, de termes anciens documentés dans un glossaire final, de phrases courtes, brutes et poétiques. Dans ce livre presque shakespearien, c’est la trahison et la cruauté qui règnent. Les hommes qui gouvernent et les femmes qui souffrent ne semblent pouvoir vivre que côte à côte, ni vraiment ensemble, ni totalement seuls, avec chacun leurs vérités, chacun leurs tourments. “Le monde est toujours le même : les uns tuent les uns pendant que d’autres en aiment d’autres. Et d’autres encore détestent ceux qui aiment. Et ni les premiers ni les seconds ne peuvent faire face. Ni à l’amour. Ni à la haine. Et il n’en va presque jamais autrement.”
Ce roman ukrainien de Maria Matios traduit par Nikol Dziub a déjà reçu le Prix du Livre de l'année dans son pays d'origine.
Cela ne m'étonne guère, les secrets infusent ce texte d'une lucidité extraordinaire !
J'ai ressenti une affinité certaine entre ce texte et les romans champêtres que l'on peut souvent qualifier de contes d'une de mes autrices adorées : George Sand (qui d'ailleurs comme le livre de Maria Matios évoque aussi l'univers féminin de la sorcellerie ! Je pense par exemple à La petite fadette…).
Bien sûr, il s'agirait ici d'un conte cruel et implacable (les contes ne manquent jamais de cruauté et d'actes barbares qui sont souvent édulcorés dans la littérature jeunesse car les contes classiques que l'on racontait lors des veillées s'adressaient surtout aux adultes).
Dans cet environnement isolé, presque intemporel, les femmes sont souvent les premières victimes de cette cruauté, de l'amour que l'on force, qui détruit..
Je vous laisse décider s'il y aurait une morale à en tirer…
Nous sommes évidemment bien loin du Berry natal de George Sand, et pourtant j'y trouve encore des correspondances : les croyances et la sorcellerie qui rythment le quotidien, l'importance viscérale de la terre que l'on se dispute sans vergogne, l'amour passion qui rend fou…
Au début du XXème siècle, les Carpates ukrainiennes sont le lieu de traditions séculaires qui accrochent les hommes à la terre et les femmes à des maris qu'elles n'ont pas toujours choisi. Ainsi en va-t-il de ces hommes et de ces femmes tour à tour victimes et bourreaux.
La guerre n'est jamais bien loin non plus avec son lot de violence et de peur… des luttes de territoire inhérentes à la condition des hommes prompts à se battre pour mieux asseoir leur pouvoir encore une fois sur la terre mais aussi les femmes qui la peuplent.
Vous l'aurez compris : j'ai adoré ce récit au style narratif d'une grande richesse et qui laisse en bouche comme une amertume… Je vous invite à le découvrir sans attendre !
« Presque jamais autrement » est le basculement de la vie-même. Une fresque puissante, terriblement humaine, sans lyrisme, quasi d’animalité.
Ici, c’est l’épreuve existentielle. Le poids de l’Histoire dans le tout début du vingtième siècle. L’affront des coutumes, les déchirures entre frères, la loi de l’homme qui prime dans les Carpates ukrainiennes, où les montagnes impriment l’hostilité ou la ferveur sentimentale, l’amour ou la haine.
Ce serait à l’instar d’un livre en noir et blanc, filmique au possible, tant les arrêts sur image sont signifiants. Implacable, mais empreint de rémanence, tant, cette mise en abîme est l’exigence d’une littérature de vertige.
Le pouvoir d’une trame de justesse et d’observation, de faits et de conséquences.
Le poids insidieux des habitus et des implacables cruautés.
C’est l’intensité qui dévore ce grand livre qui s’efface immanquablement et cède la place aux protagonistes.
Tempétueux, hypnotique, presque jamais autrement, traces indélébiles extrêmes, inoubliables et rudes. On ressent d’emblée la mort qui plane, les liens à la vie à la mort, les attaches endurantes, des ventres qui enfantent le désespoir. Les gestes à l’instar du linge frais battu par grand vent. Les visages cinglés de haine ou de désespoir. Les destinées éloignées des effigies des cartes postales montagneuses au creux des mémoires.
Les Carpates, ici, sont le microcosme d’un peuple ployé sous les affres aux mille traductions dévorantes. Les croisées des chemins, regards baissés, règlements de compte, coups bas, mais la beauté est dans le furtif des possibilités. Et c’est ici, le règne de cette épopée manichéenne.
« Convoque les enfants pour demain, Femme, ordonna Kyrylo à Vassylyna après avoir dîné silencieusement et dit le Notre Père. »
Plusieurs familles ornent ce récit palpitant, de chair et d’esprit. Le point central est celui de la famille Tcheviouk, et les quatre fils. Le patriarche Kyrylo, autoritaire, fourbe, dirige la maisonnée d’une main de fer.
Le tremblant de ce grand livre est l’exactitude même, de ce qui fut d’une période condamnée dans ses épreuves. Vivre ce qui ne peut être montrer en plein soleil. Les armoires familiales fermées au grand jour, à double tour.
Fils des guerres, filles des malheurs, le poids lourd des secrets, amours assassines, adultères, vengeances et trahisons. Les forêts mentales abattues à coup de hache, presque jamais autrement.
« J’aurais pu dire non à Varvartchouck quand il a dit que nous devions tuer Dmytryk à cause de Petrounia...Mais je ne l’ai pas fait. Parce que je revenais de la guerre. J’avais ma propre colère à l’époque. Ici, à gauche. Du côté du cœur. Et Varvartchouck avait la sienne. »
« C’était ainsi. Chaque homme était sauvage à sa manière. »
« Et sur le seuil de la grange se tenait son petit chat, son petit minet, son unique enfant . »
« Pourquoi une jeune fille aurait-elle dû contempler ces collines sans fin jusqu’à sa mort ? »
Solaire, la sonorité et l’ardeur d’un titre signifiant. Ce serait comme un conte, une histoire empruntée, magique et intranquille, douloureuse et inoubliable. Le don de Maria Matios, qui délivre et interroge les fascinantes et lancinantes fatalités. Écrire la terre et les hommes et les voies de traverse qui font d’un pas, le miracle de ce livre magnétique.
Incontournable, une référence inconditionnelle, la littérature européenne en apogée, « Presque jamais autrement » est une fierté éditoriale. Traduit à la perfection par Nikol Dziub, publié par les majeures Éditions Bleu & Jaune.
Retour à la littérature ukrainienne, de nouveau chez les Editions bleu et Jaune après Artem Chapeye : les éditions ont publié cette fois une autrice, qui a reçu en 2005 le prix Taras Chevtchenko du nom du poète national, Maria Matios, Марія Василівна Матіос. Elle est originaire de la région de Tchernivtsi, située juste à la frontière avec la Roumanie et la Moldavie, issue d’une famille Houtsoule. Ce roman s’appuie justement sur la vie de familles Houtsoules, du début de XXè siècle dans l’empire austro-hongrois, des familles Tcheviouk, Keyvan et Varvartchouk. Les Houtsoules sont un peuple montagnard vivant en Houtsoulie se situant dans les Carpates ukrainiennes. La république Houtsoule fut un état le temps de six mois en 1919, ensuite rattachée à la Tchécoslovaquie puis à l’URSS et enfin à l’Ukraine indépendante.
Tout se passe dans le village de Tyssova Rivnia. Dotsia est enceinte de Pavlo. Elle vit mal sa grossesse, se nourrit peu. Pavlo est le fils aîné de Vassylyna et Kyrylo Tcheviouk. Ils ont d’autres enfants : Andriy, Oksentiy et Dmytryk, décédé, et dont on apprendra les circonstances terrifiantes de la lente agonie et la mort par la suite. L’histoire débute comme un conte Dans cette contrée… Un conte aux quatre fils, ou la jalousie et l’envie mais aussi le poids des traditions profondément ancrées vont coudre de fil noir cette saga familiale, ou plutôt ces trois sagas familiales, où la tragique mort de Dmytryk raisonne avec les béances des deux autres familles. Trois nouvelles forment ce roman et elles sont brodées à l’aide d’un vocabulaire, volontairement non traduit (mais expliqué dans un glossaire en fin d’ouvrage ), originaires de lieux où les influences des contrées voisines sont multiples. Le mot en page liminaire, Gesheft, signifiant accord ou contrat privé (les germanophones auront repéré le Geschäft) s’écrit ґешефт en ukrainien, mais la forme usitée ici rappelle davantage le yiddisch געשעפֿט (geshef, le roumain gheșeft, ou le polonais geszeft). On y retrouvera la Bourka, commune à l’Ukraine et l’Iran, la Koubanka des Cosaques du Kouban, le Leu, monnaie roumaine, ou le Kountch, manteau qui nous vient de Hongrie.
Ce sont des terres sillonnées par les coutumes et traditions, sarclées par les croyances ancestrales, des diseuses de bonne aventure et des guérisseurs qui marquent ces contes où les marâtres sont légion, les orphelins des bâtards. Une Ukraine rurale et ancestrale, auréolée de cette ambiance, presque surréaliste, en tout cas ésotérique que les différentes formes de magie lui confèrent. Un sentiment qui vient se heurter à la réalité des sentiments et réactions très humaines et purement prosaïques. La jalousie, la rancœur, l’envie, le désir, la rancune ceignent ces familles, où les amours sont toujours contrariés, parce qu’il n’en va presque jamais autrement, où l’honneur passe avant tout. L’individualisation à partir de quelques familles pour mettre en valeur l’universalité des situations : jalousie, tromperie, vengeance. La brutalité du soldat qui revient de guerre, celle du voisin, Ivan Varvartchouk, qui a combattu pour l’empereur François Joseph. Alors que sa femme Petrounia a eu besoin d’aide et que Dmytryk est venu l’aider à la ferme, le couple d’amants ne va pas faire long feu. Coup pour coup.
Même si les situations sont universelles, on aime les découvrir à travers l’angle particulier de ce village et ces familles ancrées dans ces montagnes, qui gardent jalousement leur secret et caractère, leur identité qui s’est fomenté au cours des siècles précédents, et qui ont résulté dans un amas de croyance qui donnent justement une saveur unique à cette vie là-bas, ancrée à la fois profondément dans la terre nourricière, où les richesses tirées des sols et les mariages font l’honneur et la réputation des familles, et dans les cieux des esprits et autres forces spirituelles et incorporelles, que l’on vient prier, chez les Houtsoules.
Les drames de ces trois familles qui répercutent sur l’esprit de l’auteur de façon lancinante sont percutants, et s’enchaînent en boucle de famille en famille, de génération en génération, répétitifs et inévitables comme le balancement de la balançoire, mu par le sentiment principal que Maria Matos avoue : l’honneur, avant tout. L’honneur comme le moteur de revanche et de vengeance, bien plus qu’une saga familiale, c’est celle d’une époque et d’un village. Nul besoin d’aller faire la guerre pour se retrouver confronté au pire, les plus grandes passions, issues de la simplicité des vies simples et du quotidien banal, sont le terreau des tragédies que le village renferme.
Prix du livre ukrainien en 2007, Presque jamais autrement a été récemment traduit en français et s’ajoute ainsi à Daroussia la Douce, seul livre jusqu’à présent disponible en français de l’écrivaine ukrainienne Maria Matios, très connue dans son pays et au-delà, pour sa prose mais aussi ses poèmes. Dans ce livre relativement court, 160 pages, elle emmène le lecteur dans les Carpates ukrainiennes, dans la famille Tcheviouk.
Dans les Carpates ukrainiennes, dont est d’ailleurs originaire l’autrice, vit une population montagnarde qui est appelée les Houtsoules. La famille Tcheviouk fait partie de ce peuple, elle est conduite par le patriarche Kyrylo, et comporte quatre fils : Pavlo, Andriy, Olesentiy, Dmytryk. Dès le début du livre, on apprend que le plus jeune, Dmytryk, est décédé, et c’est donc entre ses trois fils restants que Kyrylo s’apprête à partager ses biens si un malheur devait lui arriver. Le roman se situe au début du XXème siècle, certains sont revenus de la guerre qu’ils allaient mener pour l’Empereur François-Joseph, nous rappelant à cet égard que cette région faisait partie de l’Empire austro-hongrois, avant d’être rattachée à la Tchécoslovaquie, puis à l’Union Soviétique puis à l’Ukraine.
L’un des attraits du livre est sa construction, non linéaire. Il est tout d’abord découpé en trois grandes parties dont la première est, chronologiquement, la plus récente, ce qui nous permet de comprendre les sources des querelles au fur et à mesure du récit. Ensuite, à l’intérieur de ces trois blocs, chaque sous partie débute par quelques mots en lettres capitales, précédés de points de suspension s’il s’agit d’une continuité du passage précédent. Après quelques pages, on s’habitue très vite à ce livre dont j’ai tourné les pages avec un vrai plaisir.
Presque jamais autrement nous présente la vie rythmée par les fêtes et dates religieuses, par la présence de la sorcellerie (Marynka la pieuse pratique le malforisme), et par des coutumes dont certaines sont absolument choquantes (ici celle du mariage) :
"C’était alors le moment décisif du rituel. Le marié, se penchant par-dessus la table, disait : « Santé, père ! », et il tendait au père de la mariée le gobelet plein, en retirant cette fois complètement sa main. (…) Le cou des invités s’allongeait comme ferait le col d’une oie. (…) Sur cet accompagnement de silence et de tambourin ralenti, le père de la mariée inclinait vivement le gobelet. Et, selon la nuit de noces que le marié avait passée, le gobelet rempli d’eau-de-vie réagissait différemment. Si la mariée était vierge, le marié choisissait un verre dont le fond était entier, pour remercier le père. Mais si sa virginité avait été violée… alors entrait en jeu le secret jésuite de ce rituel nuptial. A cet effet, selon la coutume, dans le garde-manger du père se trouvait, à côté du gobelet entier, un autre dont le fond de bois avait un trou invisible à l’oeil nu. Une sorte de trou miniature à travers lequel un liquide pouvait s’écouler si nécessaire. C’était alors la confirmation que le jeune homme avait pris pour épouse une femme dont le « fond » avait déjà été percé."
Et l’intrigue dans tout cela ? Les personnages ? J’en dévoilerai finalement assez peu. L’autrice garde une vraie tension tout au long du roman ; à côté de la vie du village avec son folklore, elle dépeint des personnages comme Andriy, Ivan à titre d’exemple, qui pourraient « s’exporter » dans toute autre société, et met en exergue le caractère universel que sont la vengeance, l’appât du gain, la défense de l’honneur… Quand il s’agit d’amour, malheureusement, les amours véritables sont ceux qui ne sont pas autorisés et finissent souvent très mal.
"Mais, en définitive, que ce soit pour remercier ceux qui ont été bons avec eux ou pour se venger de ceux qui leur ont fait injure, les gens n’ont jamais le temps de régler leurs comptes. Avec personne. Pas même avec eux-mêmes. Et il n’en va presque jamais autrement."
Un dernier mot pour le travail de la traductrice Nikol Dziub dont c’est le premier roman qu’elle traduit seule de l’ukrainien et qui fait l’objet d’une présentation en fin de livre. Sa traduction nous immerge vraiment dans l’ambiance de la vie de l’époque et des règlements de compte. Je lui suis aussi gré d’avoir gardé certains mots dans leur langue d’origine (notamment ceux liés aux repas) et d’avoir rédigé un court lexique à la fin du livre.
En résumé, je vous conseille de découvrir ce livre qui constitue à la fois un dépaysement et une description universelle des comportements humains.
https://etsionbouquinait.com/2024/06/05/maria-matios-presque-jamais-autrement/
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