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L'histoire :
Le Bhéristan, étrange pays chrétien niché au coeur d’un Orient incertain, se dévoile comme le « pays des moutons ». Cet État totalitaire devient peu à peu un cimetière des héros, où les noms ont été effacés des pierres tombales.
À la fois dystopie et parabole d’actualité, Le Cimetière des héros est un roman kafkaïen de la littérature roumaine.
PRIX DU ROMAN DE L’ANNEE EN ROUMANIE EN 2018
Mon avis :
Un huis-clos ubuesque qui dérange. Une dystopie choc au coeur d'un monde d'hommes. Le livre absurde d'un Etat totalitaire. Le récit décousu d'une destinée façonnée par l'autoritarisme.
Un peu comme le petit prince de St Exupery, le lieutenant Àdam Ùrman se perd sur une planète étrange. Il est seul dans un monde où ceux qui ont du pouvoir (l'armée et le clergé) en abuse. Il est seul à s'insurger face à la perte de l'Histoire de son pays. Seul, il tente de comprendre le Système et ose poser des questions.
Intègre, il est guidé par ses valeurs absolues (le bien, la vérité et le beau), des étoiles fixes dans le ciel qui lui montrent le chemin.
On retrouve la Roumanie, et avec elle Les Éditions Bleu & Jaune, avec le roman de Adrian Lesenciuc qui a gagné le prix « Livre de l'année » du roman roumain en 2018. Adrian Lesenciuc est écrivain et critique littéraire, il est aussi titulaire d'un doctorat en sciences militaires et renseignements, sciences qui l'ont visiblement inspiré dans la rédaction de ce roman. Il est membre de la section de Brasov de l'Union des écrivains roumains depuis 2000. Président de la section depuis 2013. Ce roman est paru en fin des années 2010 en Roumanie, il s'appuie sur une dystopie qui présente un état totalitaire et militaire, le Bhéristan. le Bhéristan m'a évoqué oralement tous ces pays d'Asie de l'ouest en -stan, eux aussi sous le joug d'un régime autocrate. le Bhéristan, c'est aussi un peuple de bergers, et donc de moutons, on retrouve ici la première des nombreuses allégories dont regorge ce roman.
Le personnage central est le lieutenant Adam Ứrman mis en pensionnat après la mort de sa mère dans ce qui constitue l'armée de ce pays particulier, dont on découvre les us et coutumes en suivant le récit de la vie d'Urman. Des habitudes bien loin des nôtres, et en premier lieu les noms à consonance indo-iranienne, comme j'ai pu le lire sur emag.ro, Saroyan, Daddhan, Chhota, Baghiar, Jhtuthibad : si la consonance de ces noms nous est étrangère, on ne peut nier qu'ils résonnent en nous et nous porte vers l'orient. Bienvenue en plein milieu de l'Absurdistan, un pays régit par une multitude de règles, et précisément leur contraire, le pays où l'on déneige le sol au moyen d'une pioche, où ils veulent tous avoir leur place dans la hiérarchie précise de l'armée, sans en assumer les responsabilités. Un roman, comme un monde, qui oscille entre tension dramatique et tentation parodique, un assemblage des deux pour mettre des mots sur ce pays, qui a pour symbole national la moustache fournie, que l'homme porte et qui n'est pas sans rappeler l'attribut d'un Staline, tyran soviétique. Cette dystopie de la moustache rappelle furieusement l'URSS stalinienne.
La couverture, que l'on comprendra après la lecture du roman, nous montre un Ứrman seul, retiré du monde, de l'armée dans laquelle il a évolué, un monde dystopique certes, là où tous les héros ont tous été enterrés, oubliés, un monde où les valeurs n'existent plus, plus rien à qui ou en quoi croire. Ça aurait pu être désespérément négatif, s'il n'y a pas des traces d'humour, si le personnage d'Adam Ứrman , comme le montre la couverture, ne représentait pas l'un des seuls espoirs. le cimetière des héros, en roumain, ou cimetière d'honneur aux cimetières militaires ou aux sections militaires des cimetières civils où sont enterrés les dépouilles de soldats de différentes nationalités tombés sur le champ de bataille. » En l'espèce, ceux qui restent sont loin d'être des héros.
On aurait du mal à ne pas saisir les allusions de Adrian Lesenciuc à travers l'édification de ce Bhéristan à de réelles dictatures qui elles, existent réellement, la Russie de Poutine, anciennement soviétique, la Roumanie. On aurait du mal à ne pas adhérer à la dissidence de Adam Urman, qui choisit de s'exclure volontairement d'une société à laquelle il a arrêté d'adhérer, sortir de son rôle de mouton, pour choisir la seule voie possible, celle de la solitude. La narration est peut-être trop cryptique, on sent qu'il a l'amour du symbolique, du double sens, comme le disent les Éditions Bleu & Jaune, de la parabole. En tant que parabole, la critique est rude et sans concession si l'on reprend les origines du Bhéristan, pays des bergers, ainsi pays des moutons.
Ce texte est un brin nihiliste, cette couverture montre une vallée désertique sert cette impression, s'il n'y avait pas Adam Ứrman, qui représente cette possibilité de rédemption. Si on pensait que la mort était le stade ultime de la destruction de toutes ces sociétés totalitaires, on découvre que l'oubli, gravé dans les croix de bois aux noms disparus sur les tombes des soldats, est encore plus dévastateur : l'oubli de la mémoire, l'oubli des héros, l'oubli de ce qu'il s'est passé, des dictateurs, de leurs méthodes. On ne peut pas nier que le chemin qu'a emprunté Adrian Lesenciuc, celui de la dictature des bergers, formés à intégrer l'École supérieur de Guerre, est assez original.
De cette dictature des moutons à celle de ces hommes à moustache, Adam effectue un repli sur lui-même, un retour aux sources d'une société qui connaissait et respectait encore ses propres traditions, une société « pure » près de la nature et des éléments, qui a oublié l'essentiel. Comment ne pas se sentir concerné par cette sensation de perdition que finit par ressentir Adam, devant tous ces héros oubliés, et l'impression de ne plus avoir de but et de valeurs auxquels se raccrocher puisque tout est dévoyé ? Au milieu de ce monde dystopique, c'est encore Adam qui nous montre la voie, la rédemption à travers l'isolement et l'ascétisme, là ou tout retrouve un sens.
Le Bhéristan est une dictature en déclin. Son armée comme dans tout état totalitaire est l'image de sa grandeur à l'extérieur. Elle offre à de nombreux bhéristanais la possibilité d'être nourris, blanchis et surtout humiliés sans aucune contrepartie. Le lieutenant Àdam Ùrman en est l'incarnation. Il entre dans l'armée à 10 ans comme enfant de troupe suite à un drame familial et suit tel un mouton les ordres incohérents de ses supérieurs tel le commandant Waddemekh. Ùrman va être en charge de nouvelles recrues. Le cadet Saroyan Emin en fait parti. Ce jeune homme est arrogant et perturbateur. Ùrman lasse de cette vie va peu à peu se concentrer exclusivement à la recherche de l'Histoire de son pays.
Le Bhéristan est un pays incertain vers l'Orient. Cette dictature ne sera vécue que par le prisme de son armée et un peu plus tard par l'Eglise. Ce qui fait qu'on a l'impression d'être dans un huis-clos militaire où les civils n'existent pas ou très peu. J'avoue que le contexte militaire n'est pas réellement ma tasse de thé. Bien que je loue le travail de l'auteur qui a su créer un monde complexe, hiérarchisé et réaliste, j'ai trouvé ma lecture très longue.
Le roman est présenté comme kafkaïen. Je n'ai jamais lu un livre entier de Franz Kafka mais je connais l'écrivain et ce que son œuvre a pu apporter. Ainsi Kafka est connu pour les situations particulières qu'il décrit, dans lesquelles les personnes sont confrontées à l'absurdité de la vie moderne comme la bureaucratie désincarnée ou un destin absurde.
L'absurdité de cette dictature du Bhéristan est ici centrée dans son armée. Symbole du pouvoir et premier employeur, les multiples exercices militaires pratiqués sont tournés en dérision car ils n'ont plus aucun sens. Les vieux colonels et capitaines sont tous idiots et placés à ces postes par opportunistes tandis que les cadets suivent comme des moutons des exercices aberrants, l'ennemi étant inexistant et la tyrannie ébranlée. Les militaires sombrent les uns à la suite des autres dans la folie car plus rien n'a de sens.
Pour moi, ce roman est un ovni littéraire. C'est totalement différent de ce que j'ai l'habitude de lire. L'auteur a son propre style et aborde de nombreux thèmes de manière ubuesque afin de pousser jusqu'au bout le délire de la situation. Même si j'ai compris son objectif littéraire et que j'ai apprécié l'ironie de plusieurs passages, j'ai quand même eu beaucoup de difficultés à tout comprendre tellement le récit est décousu et sans queue ni tête.
Il y a notamment de nombreux personnages qui apparaissent puis disparaissent sans savoir ce qu'ils deviennent.
J'ai été perdue par un dédale de détails et d'explications que j'ai trouvé longs et ennuyeux.
J'ai également besoin d'avoir un minimum de fil conducteur même s'il n'y a pas d'intrigue en tant que telle. Or là j'étais complètement perdue comme mise à l'écart de ce monde et à me demander comment et quand le roman va se terminer.
Bien que j'ai un avis réservé sur ce livre, je vous invite à le découvrir. N'ayant pas l'habitude de lire ce genre littéraire, j'ai été très déstabilisée. Je ne doute pas que des lectrices et lecteurs avisé(e) seront conquis(es).
Je tiens à souligner le travail exceptionnel de traduction qui n'a pas dû être évident. La maison d'édition a d'ailleurs mis en valeur ses traducteurs en fin de roman.
Il n'est pas étonnant que ce livre hautement singulier ait reçu le prix du roman de l'année dans son pays natal en Roumanie.
Après avoir refermé ce livre, je peux le dire, c'est une lecture de celles qui font réfléchir, à la portée plus grande que la fiction servie par son auteur Adrian Lesenciuc.
S'il ne se laisse pas si facilement décrypter c'est que le lieu (un pays imaginaire : le "Bhéristan"), le thème (un état en déclin), le ton de l'auteur (ironique) et la portée philosophique concourent à créer ce texte un peu mystérieux.
En cela, il faut remercier le travail remarquable des deux traducteurs Raymond Clarinard & Iulia Badea Guéritée (il n'en fallait pas moins !) car s'approcher de ce texte relève d'une complexité dantesque.
Le vocabulaire employé est parfois totalement fictif, quitte à créer une nouvelle langue avec ses propres codes. Je n'imagine même pas l'arrachage de cheveux (j'ai fait des études de langues dont beaucoup d'heures passées à la traduction…).
Il y a aussi une espèce d'incertitude : où sommes-nous ? Ce pays ressemble à certains états que nous connaissons, peut-être est-ce aussi un peu le nôtre ?
Ce livre me déroute : il nous parle de la fin d'une culture, d'une histoire tronquée, de l'aliénation mentale suite au suivi de dogmes, d'ordres répétitifs et de contre-ordres complètement stupides (nous sommes dans un environnement militaire) mais qu'il faut quand même suivre (on ne sait s'il faut en rire ou en pleurer !).
Adrian Lesenciuc connaît bien l'univers militaire et il sait exactement comment il fonctionne mais aussi comment il pourrait être utilisé (ou plutôt non utilisé ?) : il est Docteur en sciences militaires et informations, professeur à l’Académie des forces aériennes Henri-Coanda de Brasov…
Il sait combien le fil est ténu et l'histoire peut vite se désagréger si nous n'y prenons pas garde.
Quels rapprochements faut-il y voir ? L'auteur veut-il nous alerter sur l'absurdisation de nos sociétés contemporaines ? Que faut-il penser de ceux qui visent à utiliser l'histoire et la déformer ?
Il faudrait plus qu'une chronique littéraire pour définir ce livre passionnant !
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