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Aaronson n'a pas toujours été mort. Il fut un temps où Aaronson était même, sans exagérer, un être vivant. De vingt-sept à trente ans, Aaronson tournait - tel un insecte obsessionnel - autour d'un rond-point. Tous les matins, on pouvait voir un homme, entre sept heures et sept heures et demie, faire le tour du principal rond-point de la ville, vers lequel convergeait 60 % de la circulation. C'est ainsi que Gonçalo M. Tavares nous invite à suivre les aventures extravagantes de ses personnages : un joggeur, un enquêteur sondeur, un enseignant, un collectionneur de cafards... Jusqu'à l'apparition de son héros, le vrai, Matteo, celui qui a perdu son emploi. Vingt-six individus dont les destins sont liés comme dans un jeu de dominos, la chute d'une pièce entraînant celle de la suivante. _ Le lecteur avance de surprise en surprise, empruntant simultanément les chemins de l'absurde et de l'intelligence, il découvre au fil des pages une créativité fascinante qui rappelle celle de Kafka, Beckett ou Melville. Un univers où les ambiguïtés sont reines et offrent de passionnantes réflexions sur l'homme, la ville, la vie moderne et l'ironie de l'existence. Gonçalo M. Tavares est né en 1970. Il enseigne l'épistémologie à Lisbonne. Auréolé de nombreux prix nationaux et internationaux, il est publié dans 35 pays.
Roman ou nouvelles, disons petites anecdotes qui se succèdent où le personnage final intervient dans l'histoire suivant. On passe de l'absurde au dramatique, du drôle au fantastique.
Les chapitres sont court et facile à lire, les portraits en image de mannequins soutiennent l'intrigue de ce roman. Car intrigue il y a, par là où l'auteur veut nous emmener. La dernière partie explicative est d'ailleurs la bienvenue.
J'ai particulièrement aimé la nouvelle qui traite des déchets, elle porte un regard sur notre propre façon de consommer, l'accumulation des biens et des déchets et jusqu'où on peut supporter cette accumulation et ses conséquences.
Si vous avez envie de découvrir un OVNI littéraire (un Objet Valorisant de Nouvelles Idées), alors ce roman est fait pour vous. Il est construit à la manière d’œuvres oulipiennes, sur des contraintes qui structurent le récit. Les regrettés Jacques Roubaud et Georges Perec se seraient sans doute réjouis de constater comment les chapitres se succèdent ici à la manière d’un jeu de dominos, la première pièce entraînant la suivante et ainsi de suite. Cette logique s’accompagne d’une seconde contrainte, alphabétique cette fois. Le premier personnage s’appelle Aaronson, le second Ashley, le troisième Baumann… Après A vient B, puis C, jusqu’à ce fameux Matteo qui avait perdu son emploi et cherchait à s’occuper, à remettre de l’ordre dans sa vie. Ce faisant, il nous livre la clé ultime de cette fantaisie qui aurait jusqu’alors pu nous paraître marquée par l’absurde : pour comprendre le monde, il faut le structurer, faire des listes, des tableaux, construire des logiques, des règles, des lois et se rendre compte que les enfreindre peut dérègler toute la machine.
C’est ce qui arrive à Aaronson qui a choisi de tourner autour du rond-point principal de la ville, obsessionnellement. Jusqu’au jour où il décide de changer de sens. Initiative qui lui sera fatale, car M. Ashley le percute alors à pleine vitesse.
Ashley qui est parti livrer un paquet à M. Baumann au deuxième étage du 217 de la rue où il se trouve. Sauf que le destinataire n’habite pas là et que dans cette rue toutes les habitations portent le numéro 217.
M. Baumann aurait sans doute apprécié le paquet qui lui était destiné, car il aurait pu réutiliser son contenu comme il le faisait avec ce qu’il trouvait dans les ordures, objets qu’il reconditionne pour leur donner une seconde vie en les remettant sur les rayonnages des magasins. Une activité qui intrigue M. Boiman au point que ce dernier choisit de lui filer le train, jusqu’à ce qu’il soit arrêté par M. Camer qui lui propose de remplir un questionnaire dans lequel il est aussi question d’un certain Cohen. Arrêtons-la la galerie de personnages, même si certains mériteraient aussi de figurer dans cette chronique tant leurs tics, leurs obsessions, leurs comportements sont étonnants. Mais vous découvrirez par vous-même la puissance d’une batterie de 20 kilos sur la libido de l’un ou le pouvoir du mot NON quand il est multiplié à l’infini (voir extrait ci-dessous).
Revenons un instant sur le projet de l’auteur qui est bien loin d’être trivial. On peut certes lire ce roman comme un jeu, à l’image de cette succession de portraits de Ken et Barbie, qui s’accumulent au fil des pages, formant une sorte de reflet de l’accumulation des personnages. Cette seule lecture cache toutefois une vérité beaucoup plus tragique : derrière le souci légitime d’ordonner le monde pour nous le rendre compréhensible se cachent aussi des effets pervers, voire une volonté d’asseoir pouvoir et domination. Si tous les personnages portent des patronymes juifs, ce ne pas un hasard. Si l’on choisit d’exterminer les gens avec système, alors l’ordre alphabétique devient lui aussi une question de vie et de mort.
On savait depuis Umberto Eco qu’il fallait se méfier des professeurs d’épistémologie. Gonçalo M. Tavares nous en apporte ici une nouvelle brillante démonstration !
http://urlz.fr/4HRy
Même si je voulais vous dévoiler l’histoire, j’en serais incapable. « Matteo a perdu son emploi » fait partie de ces romans inclassables qui sont difficiles à étiqueter. Le contenu comme le contenant sont particulièrement atypiques.
Dans ce petit roman, les évènements sont racontés à l’aide de très courts chapitres. Ils sont au nombre de 25. Chacun d’entre eux concerne un personnage différent et son quotidien. Ils n’ont en apparence aucun lien évident les uns avec les autres mais seulement un détail, un instant ou un objet qui va les relier avec le chapitre suivant. Ainsi les aventures se succèdent donc tous azimuts, sans queue ni tête.
Les histoires elles-mêmes sont toutes d’une grande originalité. Le destin des protagonistes est souvent plein de surprises. Toutes les péripéties dérivent vers le loufoque ou l’absurde. L’auteur part d’un point de départ pour nous emmener là où on n’aurait jamais pensé aller. Chaque scénette fait son petit effet en mettant notre cerveau à contribution et en l’obligeant à déconnecter.
C’est une expérience plutôt déstabilisante au début mais qui devient entraînante lorsqu’on se laisse porter par la folie du texte. Il faut laisser sa logique et sa raison de côté si on veut profiter de ce moment de lecture hors du commun. L’écriture de Gonçalo M.Tavares est très agréable et parfaitement adaptée à l’ouvrage. Seule la postface (conséquente par rapport à la petite taille du livre) m’est restée un peu en travers de la gorge tant je l’ai trouvée ennuyeuse, pompeuse et surtout sans intérêt. Je vous conseille donc de ne pas lire ces notes explicatives et de garder la magie de ce roman, qui se suffit à lui-même.
Moi qui suis en général assez réticent aux aventures livresques excentriques, je me suis délecté de cette grande farce. Je réitèrerai donc avec une autre œuvre de cet auteur quand je chercherai à sortir de mon quotidien cartésien !
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