Merci à Jean-Paul pour ses impressions, ses rencontres, ses Correspondances
Merci à Jean-Paul pour ses impressions, ses rencontres, ses Correspondances
Livre de la rentrée 2024 qui surprend d’emblée par une narration tout à fait singulière dans ce récit intemporel évoluant sur une ligne de crête entre ironie, pensée surréaliste et flash d’idées percutantes. Découverte d’un grand nom de la littérature, cela saute aux yeux dès le premier livre lu !
Quatre personnages apparaissent, aux noms ne les attachant à aucun pays, appartenant au monde entier. Le premier est Kahnnak. On entre directement dans le vécu d’un assassin, comme une thérapie pour tenter de comprendre ce qui échappe. Écriture à l’os, pour reprendre le titre accrocheur. D’emblée l’écrivain dit la solitude, la propension au mal par désir de tout posséder.
Trois hommes, une femme : Kahnnak, Maria Llurbai, Albert Mulder et Vassiliss Rânia. Quatre âmes en perdition – l’assassin, la femme adultère, le voyeur, le viandard – quand la violence prend le pas sur la raison, quand les lois de la cité n’ont pas tenu leurs promesses… Quand, au final, les hommes baissent les yeux devant le chant consolateur et devant la femme n’ayant nulle part où aller...
On picore des fulgurances, tout peut être dit de cette façon, puisqu’on est dans la dissection des actes, entre confusion de pensée des personnages et étude précise des faits. Des formules fortes, définitives, alors qu’un chapitre commence par « Il n’y a pas de formule... », un autre par « Observons... » comme le ferait un scientifique étudiant le corps humain (ou un psychanalyste), ce qu’entreprend Gonçalo M. Tavares, mais bien au-delà des muscles et des os… Le style est celui de l’observation avec citation des paroles des personnages. L’observateur n’est pas un juge omniscient, il mentionne régulièrement la fragilité de l’édifice qu’il construit à travers ses observations : corps stupide, vent stupide, rire incontrôlable, connaissances en zigzag, raisonnement faible, conclusion quelconque, conclusion stupide...
Est-il pessimiste celui qui tente de se plonger dans l’âme grise de ceux qui sont dénués d’empathie au monde ? Peut-être pas totalement car les lois de la cité n’ont pas toutes cédé, et si l’accumulation positive n’est pas la règle, l’auteur mentionne qu’elle survient parfois, se transmettant au siècle suivant.
Chamboule tout des mots, des salves d’images et d’aphorismes donnent de nouvelles possibilités de compréhension… La citation d’Elias Canetti révèle le modèle d’écriture de l’auteur : « Un orage qui dure une semaine entière. L’obscurité partout. Ne lire qu’à la lueur des éclairs. Se souvenir des choses lues pendant les éclairs et les réunir. » Et de fait ce récit est comme une apparition lumineuse dans la nuit, de mots jamais réunis auparavant !
Remarquons une certaine parenté d’écriture avec Pascal Quignard qui a écrit une série singulière de 12 tomes nommée Dernier royaume. Gonçalo M. Tavares a entrepris depuis de longues années un cycle nommé... Royaume, dont L’os du milieu fait partie. Même volonté de plonger dans les profondeurs de l’âme humaine, même singularité. L’auteur portugais reste malgré tout plus accessible, avec un style combinant le roman, la poésie, le théâtre. Et une question ? Comment peut-on écrire si bien ? La traduction ne semblant pas perdre une miette du texte original...
Ce livre est à mettre dans ma boîte à outils pour le diagnostic et réparation si possible, plus sûrement d’atténuation, des « pannes de l’âme ». Outil robuste qui peut servir de multiples fois, textes courts mais tellement denses, proche du poème en prose ou du chant antique, recueil de quatre nouvelles avec des personnages jouant un rôle transversal dans chacune d’entre elles, ce que j’aime beaucoup. Il va trouver sa place dans les étagères consacrées à un thème qui m’obsède, la violence trop liée à l’homme. Et vous, avez-vous des titres intéressants consacrés à ce sujet ?
Roman ou nouvelles, disons petites anecdotes qui se succèdent où le personnage final intervient dans l'histoire suivant. On passe de l'absurde au dramatique, du drôle au fantastique.
Les chapitres sont court et facile à lire, les portraits en image de mannequins soutiennent l'intrigue de ce roman. Car intrigue il y a, par là où l'auteur veut nous emmener. La dernière partie explicative est d'ailleurs la bienvenue.
J'ai particulièrement aimé la nouvelle qui traite des déchets, elle porte un regard sur notre propre façon de consommer, l'accumulation des biens et des déchets et jusqu'où on peut supporter cette accumulation et ses conséquences.
Une rencontre qui va changer le cours de leurs vies. Marius, qui semble fuir un danger remarque Hanna, jeune fille trisomique tenant dans ses mains une fiche bristol indiquant ce que la jeune fille doit faire.
Les voici accrochés l’un à l’autre avec une confiance inouïe. Hanna se repose et s’en remet complètement à Marius. Hanna recherche son père mais ne veut dire son nom par peur qu’on lui coupe la langue. Est-ce son père ou quelqu’un d’autre qui lui a enfoncé ses paroles dans le crâne ?
A partir de cet instant, ils vont faire des rencontres aussi étonnantes que bizarres ou incongrues. Un photographe s'installe à leur table et voudrait photographier la jeune trisomique ; des photos ressemblant à des portraits anthropométriques. Fried Stamm leur raconte sa vie de révolutionnaire utopique. Il faut bien dormir, alors on leur recommande un hôtel tenu par un couple rescapé des camps de concentration, dont les chambres ne sont pas numérotées. Non, chaque chambre porte le nom d’un camp de concentration et la topologie de l’endroit répond à la cartographie exacte des camps.
Je n’aurais garde d’oublier Vitrius et son appartement en haut d’un immeuble très délabré avec un escalier sans rambarde qui donne le vertige à Marius. Cette scène me fait penser à quelque chose, peut-être un mauvais rêve ou alors, le dessin animé Fantasia dans sa première mouture avec une montée d’escalier qui se finit dans les nuages.
Hanna ne suscite jamais de haine ou de mauvais regards. Dans les rues, les passants la regarde avec bienveillance, voire en souriant, elle suscite non pas la compassion mais un élan d’amitié.
Toutes ces rencontres vont crescendo, comme un suspens.
En lisant ce livre, je baigne dans un autre temps ou hors du temps, avec, en final, une foule, une horde vociférant des mots d’ordre, brisant tout sur leur passage qui les happe. Il est très facile de se laisser entraîner par cette vague, de hurler avec les loups.
Un livre qui oscille entre le fantastique, le conte philosophique où le poids des rencontres, de l’histoire amènent une crainte, une peur qui s’amplifie au fil des pages. J’ai évidemment pensé au début du fascisme. Une histoire curieuse, atypique, presque ubuesque qui ne s’oublie pas une fois le livre refermé. Tout est dit sur un passé qui peut revenir à pas cadencé.
Hanna.
Marius.
C’est une rencontre. Le choc des personnalités. L’appréhension de l’autre. Hanna, elle est cette jeune fille égarée, traînant à ses poches quelques fiches. Manuel de survie pour personne handicapée - trisomique précisent les bristols. Et Marius, il est en cavale. De quoi. Pourquoi. La question reste en suspens. Comme une honte. Une peur de divulguer la vérité. Après tout, si l’enfant savait, resterait-elle ? De la rencontre survient la nécessité de retrouvailles avec un paternel. Hanna est perdue, égarée à des lieux qu’elle ne semble pas connaître. Marius devient alors le guide, protecteur d’une petite qu’il connaît à peine. Commence à un voyage à deux. Une destination inconnue pour ces deux éclopés qui n’auraient jamais dû se rencontrer.
La lecture s’oriente en deux sens. Un chemin pour la simple réalité des faits contés, et l’autre bardé d’imaginaire. Comme une impression de plonger avec Alice (aux pays des merveilles), ou de suivre Dorothy à la recherche du Magicien d’Oz. J’en ai choisi le second chemin, le plus noueux, mais peut-être le plus intriguant.
Chercher le père dans l’immensité d’une ville.
Retrouver les liens familiaux qui semblent être brisés.
Et si peut-être, la question était simplement de faire confiance à autrui.
Apprendre à vivre.
Les rencontres s'entremêlent, forment parfois conglomérat de personnages qu’il faut parvenir à extirper. Un antiquaire et sa caverne d’ali baba. Des propriétaire d'hôtel qui pourraient être les résidents de l’Overlook (Shinning, Stephen King). Un peintre qui se plaît à capturer les malades. Et toujours un menteur qui s’amuse de ses pitreries. Ils sont une farandole, une ronde de laquelle il est nécessaire de s’extirper pour continuer leur voyage.
Une histoire curieuse, parfois rocambolesque. On frôle l’humour noir, on s’étonne, on questionne le passif des personnages. De la plume de l’auteur, il faut savoir apprécier les phrases longues, entrecoupées d’une multitude de virgules.
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