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A Vancouver, les prostituées du downtown eastside disparaissent.
Soixante-neuf déjà. Parmi elles, Sarah, jolie, rieuse, pleine de vie. Mais qui se soucie du sort de ces filles qui vendent leur corps pour un peu d'héroïne ? A partir d'un fait divers, un roman émouvant et lucide sur la condition des femmes indiennes.
Remuant. Poignant. Dérangeant.
Dans ce roman tiré d'un horrible fait divers, l'auteure revient sur l'Affaire des Disparues de Vancouver. Je ne connaissais pas cette tragédie avant ma lecture, mais à présent je ne pourrai plus l'oublier.
Dans les bas-quartiers de Vancouver, au coeur d'un trafic de drogue et de prostitution, des prostituées disparaissent, semaine après semaine, mois après mois, année après année. le profil de ces prostituées ? Des pauvres ou des indiennes, droguées, junkies. Mais qui se soucie de leur sort ? Personne ne bouge. Jusqu'à ce que Sarah disparaisse. Qu'a-t-elle de particulier ? A priori, rien, elle est « mi-indienne, mi-négresse ». Mais Wayne Leng, un « micheton », en est tombé amoureux. Fou d'inquiétude de par la disparition de sa bien-aimée, il va remuer ciel et terre, c'est le cas de le dire, pour qu'enfin on prenne l'affaire au sérieux. Sa quête durera des années. Jusqu'à ce que… le sordide, l'innommable, l'inconcevable soit découvert…Et malheureusement ce n'est pas une fiction… 69 prostituées ont subi ce sort. Avant cette affaire, des prostituées disparaissaient déjà. Et depuis, ça continue…
Outre le désintérêt que ces filles inspirent, l'auteure pointe du doigt une triste réalité dans l'histoire du peuple indien, le racisme et la xénophobie dont les indiens sont victimes depuis deux siècles au Canada. Une allusion à l'affaire des « residential schools » est faite : pendant plus d'un siècle, ces pensionnats canadiens avaient pour mission officielle de scolariser les enfants autochtones indiens, qu'ils séparaient volontairement de leur famille… officieusement, le mot d'ordre en était : « kill the indian in the child »… Un lavage de cerveau en force. Mais combien d'enfants ont péri, obstinés qu'ils étaient à vouloir garder leur culture et leur langue ! Elise Fontenaille en a d'ailleurs fait un roman du même nom : « Kill the Indian in the child ». Je ne sors pas indemne des « Disparues de Vancouver », alors je ne suis pas sûre de lire celui-là.
Un sentiment de colère et de révolte s'empare de moi au moment où je referme ce livre : pourquoi faut-il qu'une race se considère supérieure à une autre ? Quelles abominations ont été commises au nom du racisme ! Comment voulez-vous que la paix s'instaure avec un tel état d'esprit de domination ? Une impression d'Histoire qui se répète encore et toujours…
Il y a des passages crus dans le roman, ils sont le reflet de la réalité. Et puis, il y a cette phrase, sur laquelle je terminerai, elle laisse de quoi méditer :
« Entendu un soir dans un bar : « Un quart des Canadiens ont du sang indien dans les veines, les trois quarts restants ont du sang indien sur les mains » »…
Sans conteste, Emilie Fontenaille a voulu, avec la publication Des disparues de Vancouver jeter un pavé dans la mare au moment où se déroulaient les jeux olympiques d’hiver, en janvier 2010. Et même si, délicatement, elle a préféré présenter son travail dans la catégorie « roman », le lecteur n’est pas dupe et réalise que les faits évoqués ne sont pas le fruit de divagations.
Des femmes, plus d’une soixantaine, avaient disparu dans Vancouver et la police s’obstinait à ne voir aucun lien entre toutes ces affaires. Ces femmes, pour la plupart d’origine indienne, étaient toutes prostituées, droguées, vivant dans un quartier où le touriste ne déambule pas par hasard.
Progressivement, l’auteur dévoile les dessous de cette atroce et sordide affaire. Tout y est dit, mais avec beaucoup de pudeur. Pourtant l’auteur n’use pas de périphrases. Les mots utilisés, pour décrire l’horreur, sont issus du langage pragmatique néanmoins choisis avec beaucoup de finesse afin que les victimes puissent conserver une certaine dignité tout au long des quelques deux cent pages que dure le récit. On est loin de la presse à scandale, même si le sujet s’y rapporte indubitablement.
Plus, je progressais dans ma lecture, plus le malaise s’installait. J’étais partagée entre un sentiment de curiosité malsaine et d’incompréhension face à la barbarie divulguée dans ces pages. J’ai eu la sensation d’une lecture en apnée. Ce n’est pas un livre pouvant être lu en plusieurs temps. Lorsqu’il est commencé, une force irrésistible vous pousse à poursuivre encore et encore, jusqu’à pouvoir le poser, enfin, pour ne plus avoir à le reprendre.
Le témoignage est louable mais le dessein de l’auteur reste, à mes yeux, trouble. L’intention était-elle de braquer les projecteurs sur elles ou sur elle ?
Disparues ces soixante-neuf femmes dont personne ne se soucie... Disparues et recouvertes d'une épaisse couche de silence... Elise Fontenaille leur offre un linceul, un tombeau de compassion et d'humanité. L'enquête factuelle d'un ton journalistique ne prend jamais le pas sur le respect et l'émotion. Un livre indispensable pour la mémoire de ces femmes que l'on dit "de peu"...
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