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"En équitation comme dans l'armée, Etienne savait combien c'eût été vain de vouloir casser les rebelles, soumettre les acariâtres, et qu'il était impossible d'atteindre la légèreté par la force, le brillant par la colère.
Même les étalons les plus impérieux, il ne les avait pas combattus. Au contraire, il n'avait eu de cesse de vouloir les comprendre pour mieux s'en faire des alliés. Quel que fût le cheval, il n'aspirait qu'à se passer des aides. Il rêvait en effet de régner sans poids ni appuis, par le seul souffle de la botte, la caresse du cuir et la profondeur de l'assiette. Monter n'était plus alors une activité physique, c'était une pensée pure, un acte de foi."
Etienne Beudant était à l’équitation ce que Mozart a été à la musique ou Michel Ange à la sculpture.
Le livre que lui consacre Jérôme Garcin ne démérite pas par rapport à son sujet. S’il s’agit nécessairement d’une biographie romancée puisque l’auteur n’a pu connaître Beudant, décédé en janvier 1949, le portrait dressé n’en reste pas moins aussi vivant que cohérent, aussi attachant que vraisemblable. Il s’inscrit dans une relation prenante et bien documentée du contexte de l’époque et dans une peinture pointilliste de l’Algérie et du Maroc d’alors. Etant lui-même un bon cavalier, Jérôme Garcin nous livre par ailleurs une description aussi exacte que précise des exploits, car on est ici bien au-delà des performances, de son héros.
En définitive, on plonge dans cette époque déjà historique quoique pas si lointaine qui, parmi ses très nombreux changements, a compté le passage des chevaux aux tanks, on est souvent envahi par l‘émotion et l’humanité de ce personnage nous fait regretter de n’avoir pu les croiser, lui avec ses chevaux.
Un livre inoubliable.
Passionné de cheval, je vénère le talent de deux contemporains : Bartabas pour ses spectacles (théâtre Zingaro), Jérôme Garcin pour ses écrits. Il est dédié à l’un ce roman de l’autre où transpire, dans un style maîtrisé et complice, la passion mêlée des chevaux et de la littérature.
Il raconte la vie, en France et au Maghreb, du capitaine Etienne Beudant (1863-1949) dont le parcours modeste n’a eu d’égal que son génie de l’équitation. Formé à Saumur, héritier et passeur des plus grands écuyers français - au temps de l’équitation de loisir, il est juste de se souvenir que l’art équestre a été l’apanage des militaires - il se faisait apôtre de la légèreté par laquelle la monture retrouve avec les aides du cavalier l’équilibre naturel de ses allures et le porte à son apogée. « Main sans jambes, jambes sans main », la botte caressante et la main : « insinuante », pour un résultat qui est moins un seuil à atteindre qu’un horizon rêvé… Les connaisseurs en tremblent d’émotion.
De naissance roturière, sa « mirobolante » pratique s’exerçait le plus souvent sur des chevaux barbes de modeste origine ou autres carnes « mises à la retourne » par un dressage qui n’obtenait pas « l’autorité sans violence ». La nature humaine est ainsi faite que la compagnie des chevaux, qui apprend l’humilité et la patience s’accommode mal de la société humaine ; le capitaine Beudant qui n’aimait que « lire, écrire et monter » est du même bois que le commandant Gardefort que décrit Paul Morand dans Milady : « en avant, calme et droit ».
Les mots (pirouette, appuyer, passage…), les expressions (« le cul dans la charrette, le pied dans la gourmette »), les évocations de la grande tradition équestre combleront les initiés ; les autres s’attacheront à une histoire empreinte de passion, de sagesse et d’élévation.
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