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Jérôme Garcin transmet beaucoup d’enthousiasme pour faire sortir de l’oubli Jacques Lusseyran, qui fut un des jeunes héros de la résistance française lors de la dernière guerre mondiale.
Suite à une mauvaise chute dans la cour de récréation de son école, Jacques Lusseyran perdit la vue à l’âge de huit ans. De constitution dynamique, il transforma ce handicap en un avantage, sachant créer une lumière intérieure et se servir du ressenti du toucher, de l’ouïe et de l’odorat pour, d’après lui, même mieux voir qu’avec des yeux.
Il se lie d’une amitié indéfectible avec Jean Besnié qui lui décrit chaque parcelle de paysage et lui dira : « Si tu n’étais pas là et si je ne devais pas t’expliquer, je verrais tout cent fois moins bien. »
En 1941, ayant obtenu son BAC philo, il intègre l’hypokhâgne de Louis-le-Grand car il rêve d’enseigner. Après ses cours, il part avec son ami, rue Cabanis dans un lieu de l’hôpital Saint Anne où sont cachées des machines pour ronéotyper des petits bulletins de propagande antinazis.
En 1942, les lycéens forment un groupe de 600 Volontaires de la Liberté mené par le professeur agrégé de lettres Jean Guéhenno (surnommé Cévennes comme Jean Bruller se nomme Vercors dans la Résistance), qui sera dénoncé par des étudiants collaborationnistes, rétrogradé par le régime de Vichy et qui devra quitter son poste à l’automne 1943.
Le groupe rejoindra un réseau qui dispose d’un vrai journal ‘Défense de la France’ distribué dans la rue, les boites à lettres et le métro, qui après-guerre deviendra France-Soir. Les réunions se succèdent dans l’appartement familial de Jacques jusqu’au 20 juillet 43 où, sur dénonciation, la Gestapo embarque l’aveugle âgé de 17 ans à 5h30 du matin.
Jacques sera conduit rue des Saussaies, siège de la Gestapo, puis incarcéré à Fresnes, séjour dont il écrira plus tard ‘Le silence des hommes’. Puis ce sera Buchenwald où les alliés viendront le libérer avec une autre poignée de rescapés. Jean Besnié mourra en déportation.
Jérôme Garcin brosse une biographie et fresque historique très vive qu’il tire d’un travail de documentation remarquable.
A la Libération, grande fut la déception de Jacques en apprenant qu’une loi signée Abel Bonnard, académicien et ministre de l’éducation nationale et collabo exacerbé, empêche les non-voyants à se présenter à l’École normale supérieure. Ce décret du régime de Vichy ne sera abrogé que 15 ans après la fin de la guerre.
Obligé à des postes de substitution, Jacques fera de nombreuses rencontres dont celle de Pierre Favreau, son ancien prof d’histoire à Louis-le-Grand, qui va intervenir pour qu'il soit nommé pour deux ans au lycée français de la Mission laïque de Salonique en Grèce. Sur place, les autorités et le British Council lui font la vie dure en l’accusant de diffuser de la propagande communiste alors que la guerre civile fait rage dans le pays.
Il sera ordonné de rentrer en France où il accompagnera de jeunes Égyptiens pour préparer leurs thèses universitaires. Il dispensera des cours de civilisation française à la Sorbonne et des leçons de littérature qui rempliront les amphis et seront ovationnées. Pourtant ses livres seront tous refusés d’édition.
La déprime ne le lâche pas et c’est un homme aux méthodes occultes qui lui redonnera son bel optimisme. Sur ses conseils il part aux États Unis enseigner à Cleveland la littérature et où non seulement il sera édité, où son livre « Et la lumière fut » sera un best-seller et où il est connu comme « The blind Hero of the French Resistance » et où il est toujours étudié dans les universités.
Après trois mariages, dont deux en France, il devra quitter les US car sa 3eme épouse, elle-même mariée et qui dut divorcer, est de 17 ans sa cadette. Cette liberté adultérine ne rentre pas dans le cadre puritain américain surtout quand on est professeur. Ils rentreront en France s’installer dans le Midi.
Pourtant, en 1969, ils purent encore se rendre et s’installer à Hawaï où Jacques a obtenu une chaire de littérature française contemporaine à l’université.
Suite à une embardée, ils mourront dans un accident de voiture lors d’un congé annuel d’été en France en bord de Loire. Ils seront enterrés ensemble dans le petit cimetière de Juvardeil où repose la famille maternelle de Jacques.
« Le journal Ouest France dans son édition nantaise du 28 juillet 1971, titre : ‘Deux habitants de Honolulu sont tués sur la RN 23.’ Ainsi va la postérité. »
Une biographie bien intéressante écrite sans grandiloquence qui rend hommage à un oublié de notre Histoire.
Après la sortie du livre, des témoins ont apporté des compléments d’information que Jérôme Garcin a eu l’élégance de faire publier et qu’on peut lire en fin d’ouvrage dans l’édition Poche Folio ce qui accentue la véracité du texte, dont la lettre de l'historienne Zina Weygrand notant que Lusseyran n'était pas 'le', mais parmi les 132 aveugles de la Résistance française qui ont combattu le nazisme.
Alors que, sur France Inter, on annonçait le départ de Jérôme Garcin de l’émission « Le masque et la plume », je me plongeais dans son dernier récit qu’il a consacré à ses chers disparus : sa mère et son frère, morts à six mois d’intervalle.
C’est avec une énorme tendresse tissée de pudeur que Jérôme Garcin nous fait entrer dans sa relation intime avec sa mère « si lumineuse et mystérieuse à la fois, et Laurent, son frère fragile « plein d’une candeur végétale, d’une bonté sans emploi »
Avec l’évocation de ces deux morts récentes survenues à six mois d’intervalle, l’auteur revient sur d’autres morts, toujours aussi douloureuses. Il y a eu celle, accidentelle, de son frère jumeau, fauché à cinq ans par une voiture. Comment se remet-on de la perte de son double ? Cette disparition s’est alourdie de celle du père, encore un accident, une chute de cheval cette fois ci.
Mais les morts restent présents, invisibles mais bienveillants
« Les morts sont patients. Exigeants et patients. Mon jumeau fauché par un chauffard a attendu que je grandisse pour grandir en moi et avec moi. »
Après ces disparitions brutales, la littérature et les livres ont été d’un grand réconfort pour Jérôme Garcin qui a pu compter aussi sur l’amour de sa femme la comédienne Anne-Marie Philipe.
Il évoque cette maison avec son jardin à Bray-sur-Seine en Champagne, maison de famille ou il fait si bon de se retrouver. Dans le jardin, et le parfum des lilas résonnent les rires des enfants mais les défunts fréquentent encore les lieux. Au hasard d’une pensée vagabonde, d’un serrement de cœur, apparaissent aussi, discrètes, paisibles, les silhouettes de ceux qui ne sont plus. Ils continuent d’habiter les lieux.
Bien sûr, les absents qui ont la vedette ce sont sa mère Françoise, morte en 2020 et de son frère Laurent, victime de l’épidémie de Covid qui partira six mois seulement après la mère.
La présence des morts, elle est essentielle, immense, pour l’auteur, et elle imprègne chacune des pages de cet essai émouvant.
On découvre ses disparus avec le sentiment de les rencontrer vraiment en les côtoyant de façon intime et c’est ce rapprochement qui rend cet essai si sensible.
« Plus le temps passe et plus je crois à la présence des morts. Ils sont là. Leur âme demeure, plane et s’obstine »
En les racontant, leur rendant la parole, Jérôme Garcin leur redonne un souffle de vie, il continue à les faire vivre grâce au pouvoir des mots. Aucune mièvrerie dans l’écriture. Sobre, sincère, sensible, elle exalte des vies trop tôt fauchées et cela nous touche au cœur.
La mort en 1962 de son frère jumeau, fauché à six ans par une voiture, puis, dix ans plus tard, celle de son père, d’un accident de cheval à quarante-cinq ans, avaient déjà conduit Jérôme Garcin à l’écriture de deux récits : Olivier et La chute de cheval. L’auteur franchit une nouvelle étape de son douloureux pèlerinage auprès de ses défunts, « une lampe torche à la main, à pas comptés, dans le labyrinthe des [s]iens », avec cette fois les disparitions, en 2020 de sa mère de 89 ans, à bout de souffrance à force d’usure cardiaque et ostéoporosique, et six mois plus tard, de son frère Laurent, ce « grand petit garçon » de 55 ans, atteint du syndrome de l’X fragile et victime de la Covid-19.
Jérôme Garcin est doué pour l’écriture et sa belle narration intelligente et sensible, lumineuse de tendresse pour ses « fragiles », ne peut qu’émouvoir, alors qu’empli de chagrin, il revient sur leur fin de vie et sur l’impuissante sollicitude longtemps éprouvée face à leur vulnérabilité sans remède. Si ses pages nous touchent, ce n’est pas seulement pour la perte éprouvée par le narrateur qui leur survit. C’est aussi parce qu’elles sont pleines de cette inquiétude si désarmée de n’avoir pu protéger ces êtres chers et vulnérables de la souffrance qui fut la leur : la souffrance d’une mère rendue aussi frêle qu’un oiseau par une maladie atrocement douloureuse, mais aussi torturée par l’idée de laisser derrière elle un fils fragilisé par le handicap, sans même qu’elle se doute jamais du diagnostic tardif dont on aura préféré lui épargner le poids, jugé culpabilisant, de son origine génétique ; la souffrance d’un frère dont la déficience intellectuelle et les angoisses profondes rendent plus terribles encore sa confrontation avec la mort, de sa mère d’abord, de lui-même ensuite, qui plus est dans l’isolement hospitalier imposé par le contexte pandémique.
Pour autant, si beau et respectable soit-il, ce texte arrimé à la relation autocentrée d’une expérience de la maladie et du handicap, de la vieillesse et de la mort, du deuil enfin, parce qu’il ne quitte jamais le registre personnel pour atteindre à l’universel, laisse infuser chez son lecteur un sentiment diffus de désappointement : celui de lire le journal intime, de grande qualité certes, mais pas une œuvre majeure, d’un nom célèbre du monde littéraire parisien.
Bel hommage de Jérôme garcin au père de son épouse en narrant les derniers jours de la vie de Gérard Philippe. On découvre où re-decouvre, dans ce roman, la carrière courte mais intense de cet acteur de cinéma et de théâtre et aussi sa passion de faire des enregistrements audio de littérature. Bonne lecture
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