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Vilna. 1943 : "Ecoute-moi, dit Schoger, le commandant allemand du ghetto, au jeune Isaac Abraham, joueur d'échecs prodige, écoute-moi bien. Nous allons jouer ensemble, toi et moi. Si tu gagnes, les enfants ne seront pas déportés, mais je te tuerai. Si tu perds, tu vivras, mais tous les enfants de moins de dix ans partiront pour les camps. Si la partie est nulle, nous en resterons-là." La partie va se jouer en plusieurs soirs, devant tout le ghetto réuni et silencieux. Isaac a seize ans. Il aime Esther, seize ans aussi. Certes, il va essayer de faire partie nulle. Mais il sait qu'au-delà du pouvoir sur les corps, ce que Schoger veut briser chez les autres c'est la liberté, le destin. Il n'y aura pas de répit, pas de partie remise. Entre la vie et la mort, entre l'amour et la haine, entre l'homme et le plus inhumain des drames, la partie n'est jamais nulle...
Icchokas Meras est lituanien. Il a personnellement connu les horreurs du ghetto de Vilna où ses parents sont morts assassinés. En 1974, il a émigré en Israël.
Ecrivain juif lituanien, Icchokas Meras (1934 – 2014) a connu un destin marqué par la guerre et le totalitarisme, destin partagé par ses compatriotes dans ce pays secoué par les affres de l’Histoire. Envahie par l’Union Soviétique, la Lituanie perd son indépendance en 1940 avant que les troupes de la Wehrmacht n’envahissent le pays en 1941. La famille de l’écrivain a péri en 1941 lorsque les juifs lituaniens furent exécutés par le régime nazi (on estime à 85% la population juive lituanienne qui a péri durant la Seconde Guerre Mondiale). Plus tard, en 1972, Icchokas Meras fut obligé d’émigrer vers Israël en raison des pressions exercées par le KGB.
La partie n’est jamais nulle fait allusion à une partie d’échecs opposant Isaac Lipman et un certain Schoger qui est en fait le commandant régissant la vie du ghetto de Vilnius. Un coup de la partie entame chaque chapitre. On apprend rapidement que l’enjeu de cette partie d’échecs est énorme, puisqu’il s’agit de la vie des personnes du camp. Ainsi s’exprime Isaac, le jeune champion d’échecs :
Si je perds, ça ira mal pour tout le monde, mais je resterai en vie… Si je gagne, ça n’ira pas mal pour eux, mais je devrai mourir. Si la partie est nulle, tout le monde sera content.
L’affrontement est suivi par les habitants du ghetto et la question de son issue donnent bien évidemment au livre une tension, un suspens réels ; mais La partie n’est jamais nulle va bien au-delà. Le roman se présente sous la forme d’un conte qui voit défiler progressivement des épisodes de la vie des enfants d’Abraham Lipman, le père d’Isaac. Chaque enfant n’apparaît que dans un chapitre, à part Isaac. La vie dans le ghetto, les choix difficiles qui se présentent aux personnes, le portrait du père, et finalement le contexte dans lequel cette partie fut décidée complètent ce livre certes court en nombre de pages, mais très dense et très imagé.
Le sujet n’est guère léger, mais l’espoir reste toujours présent tout au long du livre. Quelques scènes sont à cet égard très belles : Isaac, parti aux travaux dans les champs, rapportera sans cesse des fleurs cueillies en douce pour la jolie Esther. Chaque fois, elles seront confisquées, mais le jeune homme n’abdiquera pas pour rapporter ce symbole de vie interdit dans le ghetto. Une jeune femme, Lisa, donnera le sein à un bébé qui se retrouve sans parent.
Le livre n’est disponible aujourd’hui qu’en occasion, et c’est fort dommage.
https://etsionbouquinait.com/2023/03/13/icchokas-meras-la-partie-nest-jamais-nulle/
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