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La publication de cette brève nouvelle de Stefan Zweig est un hommage à l'esprit du collectionneur. Le paradoxe nous fait découvrir un collectionneur aveugle, mais tout aussi amoureux de sa collection que n'importe quel autre amateur de belles images, voire même plus.... Une intrigue située en Allemagne, dans la période de l'entre deux guerres, sert de contexte historique à cette merveilleuse nouvelle dont la lecture nous fait découvrir une situation rare, voire unique et particulièrement touchante, de la passion du collectionneur....
Le texte de Stefan Zweig est accompagné par une sorte de portfolio idéal, réinventé par l'éditeur pour cette occasion, et qui nous donne à voir non pas l'intégralité des estampes collectionnées mais des extraits, des bouts d'image qui échappent au regard, une simulation du regard absent de leur collectionneur aveugle...
Stefan Zweig: «Jamais je n'oublierai ce spectacle : le visage radieux de ce vieillard tout blanc, là-haut dans le cadre de la fenêtre, planant bien haut par-dessus les passants affairés, maussades et pressés, enveloppé dans les nues de sa bienfaisante illusion qui le protégeait des turpitudes de ce bas monde... Une parole ancienne et bien vraie me revint alors à l'esprit - elle est de Goethe, si je ne m'abuse - : «Les collectionneurs sont des gens heureux».
Le narrateur rend visite à un fidèle client de la galerie familiale. Le collectionneur de lithographies est devenu aveugle dans le contexte de la montée du nazisme (et de l’inflation). Sa femme et sa fille ont dû vendre des œuvres de maitres (Rembrandt, Dürer, et autres) ; et tout (200 lithos) y est passé pour essayer d’acheter de quoi manger et se chauffer. Elles n’avaient toutefois rien dit, ni demandé sachant l’attachement du vieil homme aux œuvres. Mais elles les avaient remplacées par du papier vierge ayant les mêmes grammages et dimensions ; car notre collectionneur « revoit » régulièrement les œuvres en les caressant.
La venue du galeriste allait se solder par la découverte de la supercherie. La fille lui raconte tout avant que la rencontre n’ait lieu pour ne pas affecter son père … et notre galeriste jouera le jeu (d’autant mieux qu’il connaissait certaines des œuvres). Le passage en revue des œuvres sera une occasion de joie extrême pour le collectionneur, fier de sa collection. Son monde devenait une bulle d’un réel bien à lui.
Une histoire simple de quelques pages touchantes sur la matérialité de ce qui compte ; un conte quantique : la collection existe ET n’existe pas !
Et, ce qui ne gâche rien, cette nouvelle collection (d’ouvrages) est accompagnée de reprographies de quelques eaux fortes.
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