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Été 2016. Après une adolescence joyeuse dans un foyer de la classe moyenne supérieure et deux expériences professionnelles douteuses, Clément Osé cherche toujours le sens de sa vie. Tenté comme d'autres par le grand large, il enfile son sac à dos et part un an glaner des réponses sur la route. Quand il rentre chez lui, à 27 ans, il est déterminé à changer de vie, radicalement. Il rêve de campagne, de simplicité, et part seul rejoindre une ferme collective écoconstruite et décroissante dans le Béarn.
Au sein de cette communauté, sur une colline face aux Pyrénées, le dépaysement est total : réunions émotionnelles, habitat bioclimatique, communauté intergénérationnelle... Cette nouvelle vie le conforte dans sa quête d'autonomie et de sobriété, heureuse.
L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais la démarche autobiographique de Clément Osé n'est pas d'écrire un conte de fées alternatif : il livre le témoignage sans concessions d'une expérience inspirante, riche, mais parfois difficile et éprouvante. Cet aller pour la terre lui fait prendre conscience que l'autonomie en marge du monde est illusoire. Ce vécu reste néanmoins une expérience de vie salutaire pour réfléchir à ce que pourrait être, en ce début de XXIe siècle, la lutte pour défendre la beauté du monde.
Changer de mode de vie. Penser retour à la terre, décroissance, sobriété et simplicité. Beaucoup y songent, le fantasment. Clément Osé l'a fait. Jeune diplômé à l'avenir presque tracé, il commence par retarder son entrée dans la vie active en partant sur les routes, expérimenter, s'ouvrir. Un périple qui le conforte dans son intuition : il veut autre chose que les modèles qu'on lui propose. Après avoir vu la façon dont ses parents, cadres dans un grand groupe étaient essorés par le système, il ne se pose plus qu'une question : "Quel métier choisir pour ne pas s'effondrer dans un escalier et apporter sa contribution au monde ?" Ce livre est le récit de ses deux années passées dans une ferme collective dans le Béarn, magnifique endroit face aux sommets des Pyrénées mais éloigné de tout. Un récit sans concession à la fois tendre, lucide et drôle.
La démarche de Clément Osé m'a beaucoup fait penser à celle de Jennifer Murzeau relatée dans La vie dans les bois. Il n'est pas question d'idéaliser mais d'expérimenter sans occulter les difficultés voire les incohérences d'un tel projet de vie ; et cette sincérité rend le texte particulièrement agréable et touchant. Depuis la sélection du collectif (qui nous vaut un savoureux passage sur les différents gourous, profiteurs marketeurs, survivalistes ou collapsologues dont les offres pullulent... il faut savoir faire le tri) jusqu'à sa prise de responsabilités, Clément Osé garde un regard critique sur ses avancées, son adaptation, son amateurisme dans un certain nombre de domaines. On l'a prévenu "les collectifs périclitent à cause du facteur humain". Et, invité dans l'intimité du groupe, le lecteur peut découvrir la vérité de cette mise en garde. On n'imagine pas le genre de petits détails qui doivent être débattus au sein d'un collectif... Pour autant, Clément s'accroche. Déjà habile de ses mains, il participe aux différentes constructions, apprend la permaculture, la fabrication du pain tout en continuant ses piges de rédaction et de photographie. Des amitiés se lient, d'autres relations sont plus compliquées, difficile de consolider l'effectif de 10 personnes pour faire tourner la ferme, certains renoncent.
Il y a quelques moments de découragement, mais peu à peu l'idée qu'il est sur la bonne voie conforte Clément dans sa volonté de pousser l'expérience au maximum et l'amène très logiquement à concevoir ses propres projets. Grâce à ce récit, qui confronte habilement les théories écologistes à la réalité du terrain, le lecteur peut faire siennes les interrogations de l'auteur sur la façon de mieux être au monde, de l'habiter de façon plus harmonieuse, plus douce, sans s'embarquer dans des dérives extrêmes ou totalement déconnectées des réalités. Si le récit évite toute stigmatisation, les questions sont bien posées, d'autant que l'expérimentation de l'auteur a croisé la période de pandémie et ce qu'elle a pu révéler de bizarreries dans nos comportements : "Quand on demandera à la majorité des rescapés comment le virus les a affectés, 90% répondront donc : une pénurie de P.Q. Combien parmi eux auront eu l'instinct de donner une seconde vie à leur attestation ?" Voilà qui résume bien le problème.
Mais ce qui reste en tête c'est cet acharnement à préserver le beau, pour le plaisir de pouvoir continuer à le contempler. Un vrai projet de vie.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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