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Tout quitter pour devenir éleveuse de porcs noirs dans le Gers !
C’est le choix qu’à fait Noémie. Elle n’était pourtant pas destinée à ça. Des études brillantes à Sciences Po puis un job à Hong Kong et enfin un poste dans un cabinet de conseil à Londres. Elle se rend compte qu’elle fait fausse route et décide alors de redonner du sens à sa vie. Elle s’inscrit dans un lycée agricole du Gers, elle crée son élevage, elle apprend à maitriser chaque étape du métier qu’elle a choisi : le soin aux animaux, la découpe de la viande, la vente...
En choisissant le cochon noir, et non pas le cochon rose, Noémie n’effectue pas un simple retour à la nature. C’est un choix militant. Cette race rustique se reproduit moins, prend plus de temps pour arriver à maturation ; en résumé elle n’est pas « rentable » pour les industriels. Ce livre n’est donc pas une énième histoire de citadin choisissant la ruralité. Certes on suit le quotidien de Noémie avec les difficultés qu’elle rencontre mais le plus important c’est sa parole complexe sur le monde rural et sur la finalité du métier d’éleveur. Les choix que l’on a fait pour l’agriculture ont transformé les paysans en esclaves de l’industrie et aujourd’hui travailler autrement est une nécessité pour redonner du sens à ce métier. Elle nous amène à regarder en face les questions d’élevage, de bien-être animal, de notre rapport au vivant et à l’alimentation, une genre de tête à tête avec ce qui est dans notre assiette. Un livre aussi qui nourrit le débat sur l’indépendance alimentaire, sur la distribution de la terre entre petites et grosses exploitation, sur la façon dont on traite l’écosystème.
Changer de mode de vie. Penser retour à la terre, décroissance, sobriété et simplicité. Beaucoup y songent, le fantasment. Clément Osé l'a fait. Jeune diplômé à l'avenir presque tracé, il commence par retarder son entrée dans la vie active en partant sur les routes, expérimenter, s'ouvrir. Un périple qui le conforte dans son intuition : il veut autre chose que les modèles qu'on lui propose. Après avoir vu la façon dont ses parents, cadres dans un grand groupe étaient essorés par le système, il ne se pose plus qu'une question : "Quel métier choisir pour ne pas s'effondrer dans un escalier et apporter sa contribution au monde ?" Ce livre est le récit de ses deux années passées dans une ferme collective dans le Béarn, magnifique endroit face aux sommets des Pyrénées mais éloigné de tout. Un récit sans concession à la fois tendre, lucide et drôle.
La démarche de Clément Osé m'a beaucoup fait penser à celle de Jennifer Murzeau relatée dans La vie dans les bois. Il n'est pas question d'idéaliser mais d'expérimenter sans occulter les difficultés voire les incohérences d'un tel projet de vie ; et cette sincérité rend le texte particulièrement agréable et touchant. Depuis la sélection du collectif (qui nous vaut un savoureux passage sur les différents gourous, profiteurs marketeurs, survivalistes ou collapsologues dont les offres pullulent... il faut savoir faire le tri) jusqu'à sa prise de responsabilités, Clément Osé garde un regard critique sur ses avancées, son adaptation, son amateurisme dans un certain nombre de domaines. On l'a prévenu "les collectifs périclitent à cause du facteur humain". Et, invité dans l'intimité du groupe, le lecteur peut découvrir la vérité de cette mise en garde. On n'imagine pas le genre de petits détails qui doivent être débattus au sein d'un collectif... Pour autant, Clément s'accroche. Déjà habile de ses mains, il participe aux différentes constructions, apprend la permaculture, la fabrication du pain tout en continuant ses piges de rédaction et de photographie. Des amitiés se lient, d'autres relations sont plus compliquées, difficile de consolider l'effectif de 10 personnes pour faire tourner la ferme, certains renoncent.
Il y a quelques moments de découragement, mais peu à peu l'idée qu'il est sur la bonne voie conforte Clément dans sa volonté de pousser l'expérience au maximum et l'amène très logiquement à concevoir ses propres projets. Grâce à ce récit, qui confronte habilement les théories écologistes à la réalité du terrain, le lecteur peut faire siennes les interrogations de l'auteur sur la façon de mieux être au monde, de l'habiter de façon plus harmonieuse, plus douce, sans s'embarquer dans des dérives extrêmes ou totalement déconnectées des réalités. Si le récit évite toute stigmatisation, les questions sont bien posées, d'autant que l'expérimentation de l'auteur a croisé la période de pandémie et ce qu'elle a pu révéler de bizarreries dans nos comportements : "Quand on demandera à la majorité des rescapés comment le virus les a affectés, 90% répondront donc : une pénurie de P.Q. Combien parmi eux auront eu l'instinct de donner une seconde vie à leur attestation ?" Voilà qui résume bien le problème.
Mais ce qui reste en tête c'est cet acharnement à préserver le beau, pour le plaisir de pouvoir continuer à le contempler. Un vrai projet de vie.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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