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«C'était un chien gris avec une verrue comme un grain de beauté sur le côté droit du museau et du poil roussi autour de la truffe qui le faisait ressembler au fumeur invétéré sur l'enseigne du Chien-qui-fume, un bar-tabac à Nice, non loin du lycée de mon enfance. Il m'observait, la tête légèrement penchée de côté, d'un regard intense et fixe, ce regard des chiens de fourrière qui vous guettent au passage avec un espoir angoissé et insupportable. Il entra dans mon existence le 17 février 1968 à Beverly Hills, où je venais de rejoindre ma femme Jean Seberg, pendant le tournage d'un film.»
Depuis « Les Racines du ciel » (prix Goncourt en 1956), nous savions que Romain Gary était un ami des animaux : des plus imposants comme les éléphants aux plus fragiles comme les hannetons.
Dans « Chien blanc », nous quittons l'Afrique et l'Allemagne pour nous retrouver aux États-Unis en 1968.
Quand celui qu'il va nommer Batka (« petit père » en russe) entre dans sa vie, Romain réside à Beverly Hills avec son épouse et actrice Jean Seberg ainsi qu'une ménagerie amenée de Paris composée d'un autre chien et de chats.
Le nouveau venu, un berger allemand, se montre affectueux et doux avec ses hôtes. Pourtant, un jour, en voyant un homme noir venu entretenir la piscine, l'aimable animal se transforme en monstre.
Perturbé par cette agressivité qui ne s'adresse qu'aux Africains-Américains, l'écrivain consulte un spécialiste du dressage d'animaux pour le cinéma. Il apprend alors que Batka est un «chien blanc » éduqué par la police pour attaquer les Noirs et qu'il est trop âgé pour que son comportement change...
À quelques centaines de kilomètres, la violence aussi fait rage. À Detroit, alors que les émeutes de Watts de 1965 et ses trente-quatre morts sont encore dans les esprits, des « bagarres raciales » font rage. Le 4 avril, Martin Luther King est assassiné à Memphis par un ségrégationniste blanc.
C'est autour des événements de cette année marquante que s'organise le récit entrecoupé de scènes de visites de Romain à son chien qu'un employé noir de la « pension » s'acharne à « dédresser » comme s'il voulait prendre une revanche sur les Blancs.
Celui qui se suicidera en 1980 paraît de plus en plus sceptique sur ses semblables.
Et c'est avec un humour un brin désespéré, celui d'un homme qui a perdu ses illusions, une ironie réjouissante et un réalisme parfois cruel et provocateur qu'il leur règle leur compte.
Aux États-Unis, il y a les Blancs qui refusent de se mélanger aux Noirs, prônent une forme de ghettoïsation et applaudissent, pour certains, les violences exercées sur les descendants d'esclaves par la police.
Il y a aussi les Blancs, intellectuels et artistes dont fait partie Jean Seberg, qui se donnent bonne conscience en soutenant le combat des Noirs avec leur « phraséologie de dame patronesse », leurs discours victimaires et leur éternelle repentance.
Il y a aussi la radicalisation des Noirs prêts à toutes les ignominies pour le pouvoir. Un exemple : l'assassinat de Malcolm X en 1965 par des représentants de « Nation of Islam », une organisation qui, d'après l'auteur, aurait été financé par « un milliardaire pétrolier d'extrême droite » !
Tout est en place pour que la situation devienne explosive.
Désenchanté par la nature humaine, Gary semble trouver le réconfort auprès des animaux, innocents par essence.
La fin du livre, déchirante, en est l'éclatant témoignage.
EXTRAITS
L'Amérique n'a jamais établi de record sans réussir à le battre à plus ou moins brève échéance.
Seul l'Océan dispose des moyens vocaux qu'il faut pour parler au nom de l'homme.
On ne peut tout de même pas toujours tout rejeter sur la société. Il y a des moments où vous êtes un salaud pour votre propre compte.
La provocation est ma forme de légitime défense préférée.
Ce sont, ne l'oublions pas, les hommes forts qui ont bâti le monde, à croire que le salut ne peut venir que de la féminité...
Le seul endroit au monde où l'on peut rencontrer un homme digne de ce nom, c'est le regard d'un chien.
Ce pays, étant à l'avant-garde de tout ce qui est démesuré, est aussi à l'avant-garde de la névrose.
Mes ancêtres tartares paternels étaient des progromeura, et mes ancêtres juifs maternels étaient des progromés.
Vous voulez tuer l'Injustice, mais vous ne tuez que des hommes.
C'est tout de même triste lorsque les Juifs se mettent à rêver d'une Gestapo juive et les Noirs d'un Ku-Klux-Kan noir...
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-chien-blanc-romain-gary-gallimard/
1968. Romain Gary séjourne en Californie, où il vient de rejoindre sa femme, l’actrice Jean Seberg, pendant le tournage d’un film. Il recueille un chien perdu, un berger allemand, sorte de nounours affectueux qui trouve très vite sa place dans la maison. Jusqu’au jour où il s’avère que ce chien est raciste et saute à la gorge de tous les Noirs qui passent à sa portée. Le chien n’est évidemment pas né raciste, mais a été dressé pour le devenir, avec une efficacité redoutable. Gary ne peut garder le chien chez lui, mais ne se résout pas non plus à le faire piquer. Il le confie alors à un chenil, dans lequel un soigneur noir va tenter de « guérir » Chien Blanc.
1968, c’est une période de feu et de sang aux USA : guerre du Vietnam, haine raciale, émeutes à travers tout le pays, Martin Luther King sur le point d’être assassiné.
Alors que sa femme s’investit dans différents mouvements en faveur de la cause noire, Romain Gary observe les événements d’un oeil désabusé, en tentant de rester à distance. Mais on ressent bien tout le bouillonnement intérieur de ce révolté-né, sa colère et son désespoir face au racisme, à l’injustice, à l’hypocrisie et à la bêtise humaine. Il trouve un exutoire dans l’écriture, qui est ici pleine de verve, d’ironie, de sarcasme, de cynisme. D’autodérision et de questionnement existentiel, aussi, parce que notre homme est parfaitement lucide sur ses douloureux tiraillements entre Cœur et Raison, sur ses emportements indomptés : « Je me suis résigné à admettre une fois pour toutes le fait que je ne parviens pas à civiliser entièrement l’animal intérieur que je traîne partout en moi ».
Autobiographique ou pas, ce texte de Romain Gary touche par sa sincérité, transcendée par une écriture élégante et émouvante. Il laisse transparaître sa grande sensibilité, encore exacerbée ici par ce qu’il ressent pour Chien Blanc, cette pauvre bête au sort terrible, qui n’avait rien demandé et qui voulait juste être le meilleur ami des hommes, de tous les hommes.
1968, aux Etats-Unis, à Beverly Hills. De retour après une escapade en liberté, Sandy le chien du narrateur rentre accompagné d’un grand et fort berger allemand. Ami des animaux, il l’accueille, le nomme Batka. L’animal a priori bien dans sa nouvelle demeure va soudain se transformer en fauve lorsque se présentent successivement deux employés noirs pour effectuer des travaux d’entretien. Batka révèle ainsi sa véritable identité de « white dog », un chien dressé pour tuer les humains noirs. Conduit au chenil, le chien est pris en charge par Key, lui-même noir, censé lui extirper sa haine .
Ecrit dans un contexte de l’assassinat de Martin Luther King, de l’embrasement de Washington et de l’Amérique en général, des divisions de la société américaine, aux côtés de son épouse Jane Seberg fervente militante, l’auteur émet une vive critique des militants qui utilisent leur militantisme visant à « soulager leur conscience ». Je sais qu’il y a dans les ‘bons camps’ autant de petits profiteurs et de salauds que dans les mauvais ». Il pointe également le rôle parfois ambigu des médias (sans les réseaux sociaux à l’époque…). Dans ce « récit-roman », le racisme n’est donc pas le seul thème, la bêtise et « la connerie » humaine y tiennent de grands rôles.
De cette relecture, j’ai mesuré plus que jamais l’écriture touchante de sensibilité, d’ironie, d’optimisme, de réalisme offerte dans ce roman, comme en général dans l’œuvre de Romain Gary. A lire et à relire, en 2023, il reste d’actualité.
L’auteur, marié à Jean Seberg poursuit sa vie d’écrivain après avoir mis fin à sa fonction de diplomate (Consul général de France à Los Angelès de 1956 à 1960) et accompagne son épouse, fréquemment en tournage aux Etats-Unis dans les années 1960 à 1970. Dans ce roman, il nous décrit la discrimination dont sont victimes les populations noires et nous livre ce qu’il en pense, parce qu’elle s’invite dans son foyer plus qu’il ne le souhaiterait avec l’implication importante de jean à leur cause. Pour cela, il met en scène un chien (Batka) qui a été dressé pour développer une grande agressivité vis a vis des noirs et qu’il confie à Keys pour rectifier le tir. Le souhait de voir sauver son chien est bien sûr une projection de ce qu’il voudrait pour l’évolution de la mentalité du citoyen américain dans cette période troublée qui voit l’assassinat du pasteur Martin Luther King en 1968. La fin qu’il nous propose laisse un goût amer, un espoir déçu, un sentiment d’impuissance, on sent qu’il est mal dans sa peau, malgré les nombreux voyages qu’il effectue pour changer d’air.
J'ai été subjugué par « Chien Blanc », un récit de Romain Gary publié en 1970 et qu'on trouve aujourd'hui en format de poche chez Folio. L'auteur se trouve à Los Angeles au début de l'année 1968 et il recueille un chien errant. Il se trouve que ce berger allemand est un « chien Blanc », spécialement dressé par la police des Etats du Sud des Etats-Unis pour s'en prendre aux Noirs qui manifestent pour l'égalité des droits. Il est probablement issu d'une lignée de chiens qui pourchassaient les esclaves en fuite. Le chien est placé dans un chenil où l'un des aides du propriétaire va s'occuper du chien pour qu'il ne s'en prenne plus aux Noirs, cet aide étant lui-même Noir. En parallèle des péripéties liées au chien et à son dressage, l'auteur nous raconte les émeutes raciales qui secouent les Etats-Unis en 1968 ainsi que les « évènements » de Paris en mai de la même année.
Ce que j'ai trouvé de vraiment formidable dans ce livre c'est le mélange entre le récit historique, et l'auteur n'est pas n'importe quel observateur puisqu'il a été notamment consul général de France à Los Angeles, le récit autobiographique de cette année avec Jean Seberg entre Paris, Washington et Los Angeles et les analyses qu'il fait des émeutes raciales aux Etats-Unis comme des manifestations étudiantes et ouvrières à Paris. L'auteur semble constamment partagé entre la sympathie pour les manifestants des deux côtés de l'Atlantique, la distance qu'il prend avec la manière dont Jean Seberg, comme tout Hollywood, s'engage dans le soutien aux luttes raciales, l'inquiétude qui l'étreint quand Jean Seberg ou tel autre de ses amis se trouve menacé d'une manière quelconque par la police ou, surtout, par les rivalités entre activistes Noirs.
Et ce qui est encore plus fort, c'est l'actualité de cet ouvrage. On croirait que Romain Gary se mêle des débats contemporains sur l'appropriation culturelle, la cancel culture, le mouvement Black Live Matters. Et d'ailleurs il s'en mêle !
J'ai déjà envie de le relire !
ce n'est pas à la base le genre de roman qui m'attire, est le fait qu'un chien soit au centre de l'histoire qui m'a fait prendre ce livre à la médiathèque ??? en attendant ce chien n'est pas un gentil toutou, si avec les blancs, car les hommes de couleur il veut les tuer
nous voilà plonger dans une Amérique des années 60 ou le racisme tient une place importante
Dans ce roman, l'auteur dénonce le racisme dans l'Amérique des années 60, L'ambiance qui règne dans le pays à cette époque le révolte. On sent monter une révolte de la population noire face au gouvernement qui les ignore.
A l'origine, l'auteur héberge un chien errant. Il finit par se rendre compte que ce dernier a été en fait dressé pour attaquer les personnes de couleur. Il se rend compte de la situation du pays.
Excellent roman, très bien écrit.
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