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Deux voyages en cargos : l'un en solitaire, de la Pologne aux Comores (en passant par la Lituanie, la Lettonie et les ports de la mer Rouge). L'autre, en compagnie d'une jeune photographe, pour une remontée vers le Spitzberg et le Cap Nord. Dans l'un on assiste à une cocasse descente aux enfers, entre cuites à la vodka, tempêtes épouvantables, escales aventureuses, désirs triviaux ou sublimes des hommes d'équipage... Dans l'autre à une même quête identitaire, mais sur fond de croisière pour riches retraités aux divertissements dérisoires. Au fil des traversées, le voyageur en déroute, voyeur malgré lui, est en proie aux tourments, éblouissements et ridicules de sa piètre condition d'homoncule face à une nature démesurée, au froid glacial ou à une chaleur incendiaire. La mélancolie ou la fureur de vivre exercent tour à tour une force attractive qui fait de cette errance maritime une épopée contemporaine à la fois intense et distanciée. La poésie le dispute à l'humour. Une façon de prendre le monde à bras le corps, en prenant des coups et des risques parfois les plus insensés.
"Cargo mélancolie" c'est le journal d'un voyage, d'une errance sur un cargo polonais qui emmène le narrateur de la Pologne jusqu'au Spitzberg en passant par la Mer Rouge. Un voyage qui entremêlent les temporalités et les tonalités jusqu'à faire perdre au lecteur toute amarre hormis celle qui en lancinant motif revient hanter les mots et les sensations du narrateur : la mort d'un frère, l'apprentissage de l'éternité de l'absence.
Cet itinéraire devient alors quête de soi-même et recherche de sens, un sens qui peu à peu s'esquisse sans qu'il demeure pour autant saisissable ou acceptable. Alexandre Bergamini inscrit les morts dans des paysages-palimpsestes, dans des rencontres de sable et d'argile rouge et dans l'évocation tremblée de souvenirs brassés, remués par une écriture où le trivial épouse le sublime dans des noces somptueuses.
Et nous voyageons à ses côtés, entre fébrilité et émerveillement , entre joie, souffrance et refus. Le cargo, comme la barque de Charon, nous fait traverser les déserts intérieurs habités de fantômes et d'ombres découpées au scalpel du soleil. Où vont les morts si ce n'est dans la conscience des vivants ? Une conscience qui accepte sans se résigner, qui intègre sans se fissurer, qui englobe sans dissoudre. Un voyage aux confins de ce qu'est la vie enfin réchauffée de ce qui reste des épousailles de la joie et de la mélancolie.
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