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Une fiction racontée comme un podcast, sur la manière dont une société gère les accusations de violences sexuelles.
Été 2014. Anna rencontre Jonas à l'université. Ensemble ils discutent littérature ukrainienne, se moquent de la coupe du monde de football, boivent de la vodka, passent la nuit ensemble. Quelques jours plus tard, à l'anniversaire d'un ami, ils passent une 2e nuit ensemble. Anna dira qu'elle a été violée. Jonas, qu'il s'agissait d'un rapport consenti. Et maintenant?
Des mois durant, elle se débat avec les conséquences : comment trouver les mots pour décrire et pour comprendre ? qu'attendre de la société et de son entourage ?
Ce roman écrit à la manière d'un podcast croise avec précision et subtilité les témoignages de toutes celles et ceux dont la vie se retrouve ainsi brutalement bouleversée.
D’utilité publique !
Que « Ça n’arrive qu’aux autres » ait toute sa place dans les ministères, les lycées, les bibliothèques, les librairies, les antres familiaux et plus…
Une urgence de lecture !
« Ça n’arrive qu’aux autres » est un récit sociétal et politique. Il décortique des carcans ubuesques de la justice en Allemagne et partout dans le monde. Il a cette valeur universelle des dires au plus près des vérités.
Il pointe du doigt là où ça fait mal, tout en subtilité, droiture et équité. Car oui, ce livre lève le voile sur un drame, celui d’un viol et de ses conséquences. Plus loin encore, il rassemble l’épars d’une justice qui ne répond qu’aux lois seules.
Formidablement maîtrisé, d’une extrême maturité, sans partie pris, ce récit est l’exactitude mise à nue.
Bettina Wilpert est douée. La trame même, est l’enquête.
Anna est une jeune femme brillante, d’origine ukrainienne, qui vient d’achever ses études, et aime passer son temps libre à la bibliothèque. Elle travaille dans ses soirées dans un bar jusqu’au bout de la nuit. Jonas, lui, est étudiant et poursuit sa thèse. Il aime la littérature ukrainienne. Il est radicalisé, ses parents sont aisés, il a tous les atouts en main sauf une rupture avec une compagne. Il est libre. Ils font plus ample connaissance. Fondent leurs points communs et leurs divergences, apprennent une langue commune, celle de l’attirance et de la curiosité, la jeunesse au garde-à-vous.
Ils boivent un peu, beaucoup, passionnément. C’est l’été, celui de 2014, et « l’Allemagne joue en quart de finale. »
Ils passent une première soirée ensemble jusqu’à la chambre de Jonas d’un commun accord et dans la fragilité d’une première fois.
Puis Anna est invitée à la fête d’anniversaire d’Hannes le colocataire de Jonas.
« Le lendemain, Hannes trouve le portable d’Anna dans l’herbe près du toboggan. »
« Jonas dit qu’elle était consentante. Il a utilisé une capote après tout. Non, elle ne s’est pas défendue. C’était moins bien que la première fois, peut-être parce qu’ils étaient saouls. »
Anna sait avoir été violée. Se terre chez elle, biche aux abois, le ventre souillé, victime d’une soirée vulnérable. Jonas est en déni jusqu’au jour où Anna va porter plainte. La polyphonie donne des indices. La choralité est journalistique. Les draps lavés là vive allure, l’anxiété de Jonas. Chacun, ici, apporte un élément clé. Jonas est regardé en biais, parfois refoulé comme une personne à bannir. Le cercle d’amis trouve son camp. Seul Hannes est le trait d’union. Nous sommes en Allemagne et comme l’exprime Benoît Virot, l’éditeur, dans la gazette du Nouvel Attila, « il a été écrit alors que la loi allemande associait viol et violence, loi qui a été depuis modifiée. » Nous sommes dans l’ère de MeToo et toutes ses ambiguïtés. Anna est le bouc-émissaire d’une fragilité de loi et l’attente du verdict pour Jonas et Anna semble le Rocher de Sisyphe. Ce livre choc est éclairant, « Si Anna a ressenti ça comme un viol, c’en est un. » « S’il se rappelle bien, un non ne suffit pas, c’est ça ? C’est ça. »
Sans pathos, ce récit n’est pas un tribunal, il démonte un à un les faits et creuse jusqu’à trouver la justice. Quid de la victime et du coupable ? Mais une loi reste la loi. Que va-t-il se passer ?
« A qui vous êtes-vous confiée ? Pourquoi ne portez-vous plainte qu’aujourd’hui, deux mois après les faits ? »
Lucide, dans une contemporanéité prodigieuse, criante de vérité, déjà adapté « en livre audio et au théâtre à trois reprises, il sortira bientôt sur les écrans de télévision allemands », est un tour de force. C’est une chance inouïe pour nous que Bettina Wilpert écrive ainsi. Traduit avec brio de l’allemand par Julie Tirard, ce livre est incontournable et le temps ne passera pas sur lui. Il est dans cet intemporel de donner foi à la parole de l’autre pour toujours. À noter une première de couverture explicite de François-Xavier Delarue. Je cite : Les yeux soulignent le thème du regard : caché, coupable, omniscient, privé public. Les lèvres reflètent un livre axé sur la parole, exclusivement constitué de témoignages rapportés. Elles disent la parole empêchée, le cri et la morsure, face au silence. Chacun de ces sentiments est ambivalent et peut correspondre à chacun des deux personnages d’Anna et Jonas. Essentiel, la mission même de la littérature engagée.
Publié par les majeures éditions Le Nouvel Attila.
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