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Une rapidité d’écriture qui entraine le lecteur à suivre le héros, Robert Rolland, dans ses projets de devenir riche et son escalade de petit mafieux qui rêve de devenir un cinéaste. « Un scénario en train de s’écrire page à page ».
De trafiquant de juke-box au rapt d’Éric Peugeot en 1960. Une histoire vraie.
« Et il a beau, on le sait maintenant, trafiquer des juke-box d’importation illégale pour le compte de la société ‘L’Automatic-Européen’ dans laquelle il est associé avec Larcher, c’est à ce moment précis qu’il saute le pas… »
« Tout a commencé, dira-t-il, par cette première rencontre avec Larcher dans un café près de République, un de ces cafés où il allait réparer les juke-box et les flippers pour améliorer ses revenus d’ouvrier typographe. Un bar à thème, dirait-on aujourd’hui, un café animalier comme on a oublié qu’il en existait beaucoup alors, celui-ci dédié aux oiseaux et aux reptiles qui évoluaient dans des cages et des vivariums au beau milieu de la clientèle. »
« … il a démonté les plaques de la vieille Chevrolet et il a attendu le cœur de la nuit plombée et silencieuse d’Anvers, sachant qu’il lui fallait faire très vite après, rouler presque d’un trait et franchir les deux frontières avec le sentiment d’être poussé dans le dos, un sentiment panique de passer à l’acte, car entre signer de faux bordereaux et de fausses factures, importer illégalement des juke-box et voler une voiture il y a la différence entre la fraude et le délit immédiat et palpable, une différence physique. Larcher, lui, il l’a vite su, est recherché par la police, et il comprend que pour garder Lise, qui peut être happée par le premier play-boy venu, par le premier avocat ou le premier producteur, et pourquoi pas par Klaus Pagh ou Alain Delon ou Jean-Paul Belmondo pour qu’à la suite d’Anna Karina elle décroche un rôle dans l’année ce qui ne serait pas étonnant puisqu’au rythme où vont les choses il ne manque presque rien pour que sa carrière s’envole il comprend que c’est le pas qu’il doit franchir : voilà tout ce qui se passe devant ses yeux place Franklin Roosevelt à Anvers devant la voiture extravagante de Clément van Hassel, champion de billard et gérant du Grand Café, personnalité de la ville. »
Bertrand Schefer nous plonge dans la vie de 1960, ses pubs, son cinéma, ses starlettes, ses cafés, ses lieux à la mode, ses voitures. Il nous raconte comment Rolland et Larcher en sont venus au pire, le kidnapping d’un enfant de quatre ans, petit-fils du président de la firme automobile Peugeot. Après deux jours, ils le libèrent contre une forte rançon. Les deux ravisseurs se feront remarquer en menant grand train et se feront arrêter onze mois plus tard dans une station de ski à Bourg en Bresse. L’idée leur était venue par la lecture de 'Rapt', un roman policier de la Série Noire Gallimard.
L’histoire est connue et a fait grand bruit mais l’écriture de Bertrand Schefer est superbe. Je n’ai pas lâché ce livre qui nous livre ce fait divers au rythme fou de ce qui s’est tramé dans les cerveaux des deux malfrats avides de luxure. C’est une fresque dont les mots traduisent le tourbillon d’une folle décision, la rapidité d’une fuite en avant et nous plonge dans l’atmosphère de 1960.
Martin est une petite pastille d'émotion mélancolique où le fantôme d'un vivant hante la vie du narrateur,.
Martin a accompagné l'enfance puis l'adolescence de, on peut le supposer, Bertrand Schefer. Voisins, amis, camarades de classe, ils ne se sont guère quitter durant une quinzaine d'années, partageant loisirs et découvertes. Cette amitié, aucunement sexuelle, s'est arrêtée avec l'âge adulte. Les routes ont divergé avec le passage aux études supérieures.
Martin va pourtant hanter la vie de Bertrand.
Martin a quelque chose d'Arthur Rimbaud mais sans sa production littéraire. Il semble zoner, poursuivant un idéal un peu anarcho révolutionnaire. Les deux hommes se croisent parfois au fil des années.
Martin survit, sdf illuminé, sombrant dans une solitude à rendre fou. Les lieux déserts mais aussi les asiles psychiatriques marquent autant l'homme que son physique. A chaque nouvelle rencontre, le délabrement s'accentue. Pour Bertrand, et quelques autres connaissances, l'impuissance à aider Martin commencent à les hanter, mélange de culpabilité et de pitié.
Martin devient donc au fil des années la figure fantomatique d'une chute inéluctable, l'innocence déchue d'un passé de plus en plus morcelé, le héros de productions cinématographiques où la sincérité n'a pourtant aucun effet pour apaiser le remord.
Martin devient de pages en pages le témoin d'un passé qui s'estompe.
Martin est un petit roman délicat et fragile qui séduit surtout par ce qu'il laisse deviner.
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