Des romans policiers à offrir ? Faites le plein de bonnes idées !
« C'est une histoire de mères, de grand-mère, de fille et de petite fille, d'amour et de non-dits qu'elles voudraient protecteurs, une histoire de racines et d'identité, de famille et de bâtardise fatalement transmise de génération en génération. De cette difficulté, les femmes feront une dynastie » C'est ainsi que, dans un additif en fin d'ouvrage, Lenka Hornakova, tchèque de naissance, mais française d'adoption depuis 1991, résume son roman rédigé en français,
Trois récits successifs à la pemière personne ; celui de Magdalena,de Libaçe et d'Eva, trois femmes unies par la filiation et par un même destin ; celui d'être nées de père inconnu . « des enfants de l'amour » pour leur mère, nées d'un rapport consenti mais des « bâtardes » dans la Tchécoslovaquie rurale dont on suit la transformation politique des années 45 aux années 80, de la fin de la période nazie , à l'arrivée du communisme et au déclin de l'hégémonie soviétique .
Au travers des 3 chroniques de vie on voit apparaître un autre personnage important , fédérateur, celui de Maria, la mère de Magdalena, la première à avoir choisi de ne pas avorter, qui a su convertir sa faiblesse en énergie et qui a transmis à chacune de ses descendantes la volonté de marcher tête haute, de tenir sa place dans le village et de se faire respecter . Un beau portrait de femme forte qui fait front, devenue l'accoucheuse des femmes de la communauté
Si le roman est composé de chroniques de vies difficiles, rattrapées et brisées chacune par les bouleversements politiques survenus dans le pays, il s'attache aussi aux petits riens qui donnent sens à la vie, petites satisfactions quotidiennes d'un travail dont la société reconnaît la qualité, émotions face à la nature , ainsi qu'aux brefs mais intenses moments d'une rencontre amoureuse, tout ce qui survient sans qu'on l'attende, illumine la vie et en fait disparaître la grisaille.
C'est, à mon sens ce que suggère « giboulées de soleil », la belle métaphore que constitue le titre
Un roman attachant, habilement construit sur l'exploration des ombres du passé, la volonté de comprendre les secrets et des non-dits . A la fin les masques tombent « la bulle à secrets explose . Les verrous se brisent »
A Amsterdam en 1656, alors que, fulminant, Rembrandt assiste à la saisie de ses biens par ses créanciers, il croise un obsédant regard bleu dans la foule venue assister à sa déconfiture. Contre toute attente, ce premier contact avec le philosophe et pédagogue tchèque Comenius, contraint à l’exil par la Guerre de Trente Ans, initie une relation amicale entre les deux hommes, qui, au fil de leurs discussions dans l’atelier où Rembrandt s’évertuera à capturer sur sa toile le regard qui l’a tant troublé, en viendront insensiblement à s’apprécier chaque fois un peu plus.
C’est en tombant à la Galerie des Offices à Florence sur une toile, sans titre ni signature, mais récemment authentifiée comme un portrait de Jan Amos Komensky, dit Comenius, par Rembrandt, que Lenka Hornakova-Civade a eu l’idée de ce roman. Ce tableau suggérant que les deux hommes se sont sans doute côtoyés à Amsterdam, elle a imaginé leur dialogue, dans une confrontation de leurs visions du monde, l’un peintre majeur de notre histoire, l’autre penseur ancré dans la mémoire collective tchèque.
Peu connu en France, ce dernier s’avère d’une modernité étonnante – en particulier au regard de l’actualité récente -, lorsqu’en véritable visionnaire dans l’Europe à feu et à sang du XVIIe siècle, il propose, seul contre tous, un programme digne de l’UNESCO : éducation pour tous grâce un système scolaire international, coordination politique européenne pour le maintien de la paix entre nations, réconciliation des Eglises au sein d’un christianisme tolérant. Belle utopie à une époque qui en était encore, notamment, à juger pernicieuse l’éducation des filles, aux capacités intellectuelles d’ailleurs communément admises inférieures à celles des garçons, et où chaque souverain tentait d’imposer sa religion dans une Europe déchirée par des guerres incessantes entre catholiques et protestants.
De ces deux géants investis d’un génie en nette rupture avec leur temps, Lenka Hornakova-Civade réussit à nous faire toucher du doigt les extraordinaires personnalités, dans une mise en scène qui, pour être imaginaire, se nourrit avec naturel d’une solide documentation et nous fait découvrir, de manière passionnante, aussi bien les réflexions philosophiques de l’un, que l’infinie exigence artistique de l’autre. Sur ce dernier plan, elle a l’avantage de sa propre expérience de peintre, qui, de manière évidente, contribue à nous rendre palpable le travail de l’artiste, du capharnaüm tout en odeurs et jeux de lumière de son atelier, jusqu’à ses humeurs et le plus précis de ses gestes. Au fil des pages, c’est comme si le lecteur pénétrait l’intimité de la demeure du peintre, en même temps qu’il se sent transporté dans l’un de ces tableaux représentant la florissante Amsterdam du XVIIe siècle, alors entrepôt du monde au carrefour de toutes les routes commerciales, mais aussi creuset culturel et artistique à son apogée.
Alors, si, comme Ernst van de Wetering, l’historien d’art néerlandais qui certifia comme un Rembrandt ce fameux tableau resté sans nom ni signature, vous vous demandez avec curiosité ce que deux génies aussi atypiques que Rembrandt et Comenius ont bien pu se dire pendant les séances de peinture qui les tenaient assis l'un en face de l'autre, il ne vous reste plus qu’à entreprendre cet immersif voyage dans le temps que nous offre ce roman, à tous égards recommandable.
Alors que ses biens sont en train d'être dispersés pas ses créanciers, et que la foule s'arrache robes et bibelots, Rembrandt aperçoit un grand homme au regard bleu au milieu de la foule. Un moment plus tard, cet homme dépose au creux de la main du peinte son pilon en pierre, qui lui servait à broyer les minéraux pour en extraire les couleurs.
Après cette première rencontre, sans paroles, les deux hommes se rencontreront dans les salons de notables amstellodamois, puis lentement, au rythme de séances de pose, ou de visites deviendront de grands amis.
Entre le peintre hollandais et le pasteur-philosophe-éducateur tchèque, Commenius, exilé loin de son pays et œuvrant pour la paix en Europe au moyens de lettres et missives adressés aux rois et grands d'Europe, il n'y avait que peu de points communs.
Echanges sur la condition de père, de veufs, sur l'éducation des enfants en général et des apprentis-peintre , sur leurs visions du monde et son appréhension par les ombres et la lumière pour l'un, l'écrit pour pour l'autre, sur l'éducation des enfants en général, pour Commenius et et des apprentis-peintres pour Rembrandt.
Et ce regard bleu, profond, honnête, érudit de Commenius que Rembrandt utilisera pour le donner à nombre de ses figures bibliques, ...
Une amitié insolite et profonde
Deux hommes qui ont marqué leur époque et dont la trace est encore prégnante aujourd'hui.
Un beau roman, profiod et poétique à la fois.
Un auteur que je découvre, et dont je vais rechercher d'autres ouvrages.
Un regard bleu
14 février 2022
Un regard bleu de Lenka Hornakova-Civade
Lenka Hornakova-Civade raconte en post-face comment elle a été happée par un tableau exposé à la galerie des Offices à Florence, le portrait d'un vieillard assis et son regard profond et lumineux empli d'une humanité généreuse. Un tableau sans titre, ni signature, peint dans les années 1660, attribué depuis peu au grand Rembrandt. Il est communément admis qu'il serait le portrait de Comenius, philosophe humaniste et pédagogue morave, ancré dans la conscience collective tchèque ( dans chaque commune, au moins une école porte son nom ). Leur rencontre est hautement probable, Comenius vivant à partir de 1656 à Amsterdam dans le même quartier que le peintre.
L'auteure a rêvé une merveilleuse conversation entre ces deux grands hommes. Elle nous fait pénétrer dans l'atelier de Rembrandt et imagine ce qu'ils se disaient lors des longues séances de pose qu'exigeait le maître hollandais. de sa plume ciselée, elle décrit des face-à-face passionnés, intimes et inattendus, presque un combat entre l'ombrageux et colérique Rembrandt plein de l'orgueil du démiurge et le doux utopiste Comenius dont le mystère résiste à la perspicacité du peintre qui semble s'épuiser à lire dans le regard bleu transparent de son insaisissable modèle.
Pourtant, on comprend bien ce qui les unit, animés de la même soif : tracer un chemin vers la vérité et l'universel afin de trouver l'humain. Rembrandt empruntera la voie artistique dans son extensionnalité quand Comenius se fera chantre acharné de la paix, possible selon lui par une éducation commune à tous les Européens, hommes et femmes, optimiste persuadé que l'homme est perfectible à mesure qu'il progresse dans la connaissance. Dans une alternance de points de vue qui glisse de l'un à l'autre, les deux hommes finissent par baisser la garde et se dévoilent plus intimement, leurs doutes en tant qu'homme et père, leurs méditations sur la mort, le deuil et l'immortalité, presque un bilan de vie pour deux hommes à l'âge déjà fort avancé.
Le XVIIème siècle est une période passionnante que Lenka Hornakova-Civade explore avec intelligence à travers la rencontre Rembrandt-Comenius. La modernité est en marche sans que ce soit pour autant le siècle des Lumières. L'homme s'émancipe mais les contours de l'Europe reste incertain avec les derniers soubresauts des guerres de religion. Les traités de Westphalie de 1648 ont enfin instauré la paix mais l'Allemagne est émiettée en principautés catholiques et protestantes, l'Europe centrale est la grande perdante dominée par les Habsbourg. Comenius incarne la figure du migrant, lui le tchèque protestant chassé de son pays par la noblesse catholique triomphante, exilé tour à tour en Pologne, Angleterre, Suède, Hongrie puis Pays-Bas.
Au-delà de toutes ces qualités, ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman, ce sont les magnifiques passages sur la peinture. L'auteure y déploie une large palette de mots plein de sensibilité pour laisser voir le peintre au travail avec son modèle.
« Je vais le redresser mon modèle, poser ses coudes sur les accoudoirs, joindre ses mains, travailler son regard. Et sa barbe. La barbe est aux hommes ce que la coiffure est aux femmes. La sienne esr blanche, trop blanche pour être vraie. Je vais l'arranger un peu, lui donner plus de panache, du mouvement. Il faudra que je lui dise un jour quel soin je prends de lui. Au bout de quelques minutes, ma main oeuvre au rythme de sa respiration, même si je ne perds pas de vue mes précédents dessins et tout mon travail préparatoire. Je fais son portrait, pas le mien.
Je pourrais le peindre jeune.
Oui, je pourrais le rajeunir, au moins de quelques années ou de quelques voyages, ou de quelques morts dont il ne veut pas me parler que je sens présents. Rien que cette barbe avec ses reflets de terre de Sienne, puis ce dos qui devient plus droit ... Assez de vieux et de vieilleries aujourd'hui. le médecin n'a pas fait preuve de la même délicatesse que moi. Il est plus cruel que le peintre. Il n'a pas modifié, arrangé la réalité, ma réalité. Sa sincérité était trop évidente, je me suis vu tel que je suis, approchant de la mort. Il parait que je dois remercier Dieu d'être arrivé à mon âge, avec mon caractère et ma singulière manière de vivre ? Tiens, Comenius est plus courbé que moi, voilà qui me rassure. En le redressant, je me redresse. »
Et c'est un grand plaisir de lire tout en admirant les toiles évoqués : le portrait de Comenius évidemment, mais également les portraits de Saskia la première épouse de Rembrandt, ceux des riches négociants Margaretha de Geer et Jacop Trip ou encore de Siméon dans le temple.
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