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Amsterdam, 1656. Alors que Rembrandt voit ses créanciers à sa porte, il croise dans la foule le regard bleu d'un inconnu qui immédiatement capte son attention. Cet homme, Comenius, est un philosophe et pédagogue tchèque qui a été contraint par la guerre de quitter son pays. Cette première rencontre signe le début d'une amitié insolite et de plusieurs face-à-face passionnés, intimes et inattendus. Sur fond de siècle flamboyant, nous sommes conviés à les écouter tantôt débattant des questions de leur temps, tantôt confiant leurs doutes d'homme et de père. Mais dans l'atelier, ce regard bleu qu'il faudrait parvenir à rendre sur la toile demeure insaisissable. Au fil des séances, le portrait que Rembrandt peint auquel Comenius sert de modèle devient alors l'enjeu de ces riches heures entre deux génies. Le peintre signera-t-il ce tableau ? Lui donnera-t-il un titre ? Rembrandt et Comenius se livrent ici un combat singulier dont l'issue est à la fois inévitable et surprenante.
A Amsterdam en 1656, alors que, fulminant, Rembrandt assiste à la saisie de ses biens par ses créanciers, il croise un obsédant regard bleu dans la foule venue assister à sa déconfiture. Contre toute attente, ce premier contact avec le philosophe et pédagogue tchèque Comenius, contraint à l’exil par la Guerre de Trente Ans, initie une relation amicale entre les deux hommes, qui, au fil de leurs discussions dans l’atelier où Rembrandt s’évertuera à capturer sur sa toile le regard qui l’a tant troublé, en viendront insensiblement à s’apprécier chaque fois un peu plus.
C’est en tombant à la Galerie des Offices à Florence sur une toile, sans titre ni signature, mais récemment authentifiée comme un portrait de Jan Amos Komensky, dit Comenius, par Rembrandt, que Lenka Hornakova-Civade a eu l’idée de ce roman. Ce tableau suggérant que les deux hommes se sont sans doute côtoyés à Amsterdam, elle a imaginé leur dialogue, dans une confrontation de leurs visions du monde, l’un peintre majeur de notre histoire, l’autre penseur ancré dans la mémoire collective tchèque.
Peu connu en France, ce dernier s’avère d’une modernité étonnante – en particulier au regard de l’actualité récente -, lorsqu’en véritable visionnaire dans l’Europe à feu et à sang du XVIIe siècle, il propose, seul contre tous, un programme digne de l’UNESCO : éducation pour tous grâce un système scolaire international, coordination politique européenne pour le maintien de la paix entre nations, réconciliation des Eglises au sein d’un christianisme tolérant. Belle utopie à une époque qui en était encore, notamment, à juger pernicieuse l’éducation des filles, aux capacités intellectuelles d’ailleurs communément admises inférieures à celles des garçons, et où chaque souverain tentait d’imposer sa religion dans une Europe déchirée par des guerres incessantes entre catholiques et protestants.
De ces deux géants investis d’un génie en nette rupture avec leur temps, Lenka Hornakova-Civade réussit à nous faire toucher du doigt les extraordinaires personnalités, dans une mise en scène qui, pour être imaginaire, se nourrit avec naturel d’une solide documentation et nous fait découvrir, de manière passionnante, aussi bien les réflexions philosophiques de l’un, que l’infinie exigence artistique de l’autre. Sur ce dernier plan, elle a l’avantage de sa propre expérience de peintre, qui, de manière évidente, contribue à nous rendre palpable le travail de l’artiste, du capharnaüm tout en odeurs et jeux de lumière de son atelier, jusqu’à ses humeurs et le plus précis de ses gestes. Au fil des pages, c’est comme si le lecteur pénétrait l’intimité de la demeure du peintre, en même temps qu’il se sent transporté dans l’un de ces tableaux représentant la florissante Amsterdam du XVIIe siècle, alors entrepôt du monde au carrefour de toutes les routes commerciales, mais aussi creuset culturel et artistique à son apogée.
Alors, si, comme Ernst van de Wetering, l’historien d’art néerlandais qui certifia comme un Rembrandt ce fameux tableau resté sans nom ni signature, vous vous demandez avec curiosité ce que deux génies aussi atypiques que Rembrandt et Comenius ont bien pu se dire pendant les séances de peinture qui les tenaient assis l'un en face de l'autre, il ne vous reste plus qu’à entreprendre cet immersif voyage dans le temps que nous offre ce roman, à tous égards recommandable.
Alors que ses biens sont en train d'être dispersés pas ses créanciers, et que la foule s'arrache robes et bibelots, Rembrandt aperçoit un grand homme au regard bleu au milieu de la foule. Un moment plus tard, cet homme dépose au creux de la main du peinte son pilon en pierre, qui lui servait à broyer les minéraux pour en extraire les couleurs.
Après cette première rencontre, sans paroles, les deux hommes se rencontreront dans les salons de notables amstellodamois, puis lentement, au rythme de séances de pose, ou de visites deviendront de grands amis.
Entre le peintre hollandais et le pasteur-philosophe-éducateur tchèque, Commenius, exilé loin de son pays et œuvrant pour la paix en Europe au moyens de lettres et missives adressés aux rois et grands d'Europe, il n'y avait que peu de points communs.
Echanges sur la condition de père, de veufs, sur l'éducation des enfants en général et des apprentis-peintre , sur leurs visions du monde et son appréhension par les ombres et la lumière pour l'un, l'écrit pour pour l'autre, sur l'éducation des enfants en général, pour Commenius et et des apprentis-peintres pour Rembrandt.
Et ce regard bleu, profond, honnête, érudit de Commenius que Rembrandt utilisera pour le donner à nombre de ses figures bibliques, ...
Une amitié insolite et profonde
Deux hommes qui ont marqué leur époque et dont la trace est encore prégnante aujourd'hui.
Un beau roman, profiod et poétique à la fois.
Un auteur que je découvre, et dont je vais rechercher d'autres ouvrages.
Un regard bleu
14 février 2022
Un regard bleu de Lenka Hornakova-Civade
Lenka Hornakova-Civade raconte en post-face comment elle a été happée par un tableau exposé à la galerie des Offices à Florence, le portrait d'un vieillard assis et son regard profond et lumineux empli d'une humanité généreuse. Un tableau sans titre, ni signature, peint dans les années 1660, attribué depuis peu au grand Rembrandt. Il est communément admis qu'il serait le portrait de Comenius, philosophe humaniste et pédagogue morave, ancré dans la conscience collective tchèque ( dans chaque commune, au moins une école porte son nom ). Leur rencontre est hautement probable, Comenius vivant à partir de 1656 à Amsterdam dans le même quartier que le peintre.
L'auteure a rêvé une merveilleuse conversation entre ces deux grands hommes. Elle nous fait pénétrer dans l'atelier de Rembrandt et imagine ce qu'ils se disaient lors des longues séances de pose qu'exigeait le maître hollandais. de sa plume ciselée, elle décrit des face-à-face passionnés, intimes et inattendus, presque un combat entre l'ombrageux et colérique Rembrandt plein de l'orgueil du démiurge et le doux utopiste Comenius dont le mystère résiste à la perspicacité du peintre qui semble s'épuiser à lire dans le regard bleu transparent de son insaisissable modèle.
Pourtant, on comprend bien ce qui les unit, animés de la même soif : tracer un chemin vers la vérité et l'universel afin de trouver l'humain. Rembrandt empruntera la voie artistique dans son extensionnalité quand Comenius se fera chantre acharné de la paix, possible selon lui par une éducation commune à tous les Européens, hommes et femmes, optimiste persuadé que l'homme est perfectible à mesure qu'il progresse dans la connaissance. Dans une alternance de points de vue qui glisse de l'un à l'autre, les deux hommes finissent par baisser la garde et se dévoilent plus intimement, leurs doutes en tant qu'homme et père, leurs méditations sur la mort, le deuil et l'immortalité, presque un bilan de vie pour deux hommes à l'âge déjà fort avancé.
Le XVIIème siècle est une période passionnante que Lenka Hornakova-Civade explore avec intelligence à travers la rencontre Rembrandt-Comenius. La modernité est en marche sans que ce soit pour autant le siècle des Lumières. L'homme s'émancipe mais les contours de l'Europe reste incertain avec les derniers soubresauts des guerres de religion. Les traités de Westphalie de 1648 ont enfin instauré la paix mais l'Allemagne est émiettée en principautés catholiques et protestantes, l'Europe centrale est la grande perdante dominée par les Habsbourg. Comenius incarne la figure du migrant, lui le tchèque protestant chassé de son pays par la noblesse catholique triomphante, exilé tour à tour en Pologne, Angleterre, Suède, Hongrie puis Pays-Bas.
Au-delà de toutes ces qualités, ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman, ce sont les magnifiques passages sur la peinture. L'auteure y déploie une large palette de mots plein de sensibilité pour laisser voir le peintre au travail avec son modèle.
« Je vais le redresser mon modèle, poser ses coudes sur les accoudoirs, joindre ses mains, travailler son regard. Et sa barbe. La barbe est aux hommes ce que la coiffure est aux femmes. La sienne esr blanche, trop blanche pour être vraie. Je vais l'arranger un peu, lui donner plus de panache, du mouvement. Il faudra que je lui dise un jour quel soin je prends de lui. Au bout de quelques minutes, ma main oeuvre au rythme de sa respiration, même si je ne perds pas de vue mes précédents dessins et tout mon travail préparatoire. Je fais son portrait, pas le mien.
Je pourrais le peindre jeune.
Oui, je pourrais le rajeunir, au moins de quelques années ou de quelques voyages, ou de quelques morts dont il ne veut pas me parler que je sens présents. Rien que cette barbe avec ses reflets de terre de Sienne, puis ce dos qui devient plus droit ... Assez de vieux et de vieilleries aujourd'hui. le médecin n'a pas fait preuve de la même délicatesse que moi. Il est plus cruel que le peintre. Il n'a pas modifié, arrangé la réalité, ma réalité. Sa sincérité était trop évidente, je me suis vu tel que je suis, approchant de la mort. Il parait que je dois remercier Dieu d'être arrivé à mon âge, avec mon caractère et ma singulière manière de vivre ? Tiens, Comenius est plus courbé que moi, voilà qui me rassure. En le redressant, je me redresse. »
Et c'est un grand plaisir de lire tout en admirant les toiles évoqués : le portrait de Comenius évidemment, mais également les portraits de Saskia la première épouse de Rembrandt, ceux des riches négociants Margaretha de Geer et Jacop Trip ou encore de Siméon dans le temple.
Esprit, ouvre-toi !
L’auteur croise le regard de Comenius, philosophe et pédagogue tchèque, comme l’a exprimé Rembrandt dans son Portrait d’un vieil homme, immédiatement elle a le dessein d’imaginer la rencontre et l’amitié entre ces deux géants.
Elle fait vivre ce XVIIe siècle, avec une écriture puissante qui sait parfaitement unir en épousailles l’Histoire et les arts.
Elle nous restitue l’acuité du regard de Rembrandt sur son monde qui s’effondre, dès les premières lignes, nous entrons dans l’intimité du peintre, dont la maison et les œuvres sont pillés par des huissiers, tels des charognes ; la foule qui assiste et essaie de prendre ce qu’elle peut.
Dans ce chaos, le peintre rencontre le regard bleu de Comenius.
« Ce regard bleu vient d’ailleurs, ma banqueroute déplace bien des curieux. Il me distrait et je suis surpris de m’en trouver satisfait aujourd’hui. Le regard bleu, ce détail, ce coin enfoncé dans l’assemblée hostile, me rassure quant à mes capacités. Je ne passe jamais à côté d’un sujet. »
Plus tard, ils se rencontreront lors d’une soirée, où le peintre est à peine considéré, alors que Comenius, fait part avec véhémence de ses théories.
Amsterdam, est une ville cosmopolite, et Comenius est en exil sous la protection de la famille de leur hôte.
Un peu plus d’une dizaine d’années se déroulent sous nos yeux, et nous découvrons le travail du peintre et ses obsessions, en parallèle l’esprit d’un philosophe tchèque qui a, non seulement un esprit brillant, mais aussi ce désir de partage et d’offrir l’accès au plus grand nombre, les outils de la connaissance.
J’ai été subjuguée par cet aspect, l’esprit novateur de Comenius, les détails, comment après avoir tout perdu ou presque de ses écrits, Comenius reconstitue son œuvre, avec lucidité, opiniâtreté, et comment il sème ses idées, comment il table tout sur l’éducation des plus jeunes.
« Ma correspondance me prend le plus clair de mon temps. Je pourrais dicter, mes enfants me proposent régulièrement leur service, mais je tiens à tenir ma plume. Il est si bon de toucher le papier, d’y poser sa pensée.»
Il y a aussi une belle réflexion sur l’exil et l’enrichissement induit :
« Ce ne sont pas mes voyages mais l’exil qui m’a fait découvrir la notion de patrie, en même temps qu’une formidable appartenance à la grande communauté des hommes.»
J’ai trouvé ce livre audacieux, parfaitement éclairant sur les thèmes abordés, j’ai vécu dans cette capitale de l’Europe savante, dans ce siècle fascinant. Un peintre qui met à distance ce regard acéré sur le monde et un humaniste qui vit intensément son siècle pour en restituer une méthode éducative, car il sait que l’éducation est à la base de tout.
Ces conversations rêvées sont parfaitement orchestrées et nous montrent l’aspect exceptionnel de ces deux personnages.
C’est tout un jeu d’ombres et de lumières dans lesquelles l’Europe se dessine.
Si nos têtes pensantes concernant l’éducation en France pouvez se pencher sur les théories de Comenius…
Ce quatrième roman de Lenka Horňáková-Civade est surprenant et d’une grande richesse, l’écriture sait allier le souffle et l’éloquence, nuancer la puissance de ces deux hommes si différents.
Un siècle qui vit sous nos yeux, qui nous transporte, il n’y a pas de surenchère, juste une belle exigence.
La dichotomie entre le peintre qui ne jure que par l’excellence et son individualisme et le philosophe qui souhaite élargir la connaissance, en faire une aspiration universelle, une arme pour la paix, est parfaitement dessinée.
En filigrane, la vieillesse s’invite dans le tableau, décrépitude ou acquisition de sagesse ?
« L’âge nous libère de presque tout. La vieillesse se mérite.»
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2022/04/18/un-regard-bleu/
L'inspiration peut naître d'un même regard à des siècles d'écart. Un regard bleu croisé dans les allées d'un musée au 21ème siècle, qui transperce la toile par la volonté et le talent du peintre qui croisa ce même regard au 17ème siècle à Amsterdam. Le peintre s'appelle Rembrandt, le modèle est Comenius un célèbre philosophe et théologien tchèque. Pour Lenka Hornakova-Civade dont l'écriture se nourrit des arts autant que de l'Histoire, cette rencontre ne peut que déboucher sur un roman, sans qu'elle se doute à cet instant combien son texte allait entrer en résonance avec l'actualité.
Le dialogue que l'autrice imagine entre ces deux hommes se déroule sur une quinzaine d'années entre 1656 et 1669 date de la mort du peintre. Amsterdam est alors une ville en plein essor, très cosmopolite et véritable laboratoire d'idées dans de nombreux domaines, sur un continent meurtri par les guerres de religions. C'est d'ailleurs ce qui a chassé Comenius de sa terre natale. La guerre. Le grand projet du philosophe est celui de l'éducation du plus grand nombre qu'il considère comme le meilleur moyen d'éviter les guerres. Et peut-être d'unifier ce vaste territoire derrière une bannière commune. Rembrandt, échaudé et revenu du genre humain ne jure que par l'excellence et rechigne à adhérer à l'aspiration universelle de Comenius. Leur dialogue, passionnant, prend tout son sens autour du projet de livre illustré conçu par Comenius : associer les mots à l'image pour favoriser la reconnaissance et l'apprentissage de tous. L'exigence artistique peut-elle être compatible avec une large diffusion ?
Il sera question du pouvoir de l'art, de celui de l'artiste ou encore de la force des idées. De l'inné et de l'acquis. En toile de fond, les prémisses d'une volonté d'Europe, de faire cesser les guerres déclenchées au moindre prétexte. Une utopie en quelque sorte, qu'il faudra plus de trois siècles pour voir enfin aboutir même si l'on se dit aujourd'hui que les protections paraissent bien faibles face aux humeurs belligérantes. "La guerre est facile. Radicale et tranchante. La paix est difficile à établir, fastidieuse à cultiver et épuisante à maintenir" constate Comenius, l'exilé meurtri, plus décidé que jamais à miser sur l'éducation des masses. Mais le savoir est un pouvoir, et qui veut partager le pouvoir ?
Avec ce quatrième roman, Lenka Hornacova-Civade poursuit son exploration de l'Histoire tchèque à travers son appartenance à l'Europe. Sa plume est irriguée par son regard d'artiste qui saisit avec acuité le geste du peintre, sa palette, son œil et les restitue avec la finesse de celle qui manie le pinceau autant que le stylo. Pierre après pierre c'est une œuvre cohérente et passionnante qu'elle construit. Rencontrer Vladimir Vochoc dans La symphonie du Nouveau monde fut un honneur, être invitée à la table de ces deux grands hommes en est un autre. Des rencontres qui éclairent, enseignent. Et, je l'espère, inspirent.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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