Quand nos lecteurs participent aux salons littéraires Retrouvez leur reportage : Lire en Poche à Gradignan, la fête du livre au Château du Clos de Vougeot, La Fête du livre de Merlieux, Lisle Noir, les vendanges du Polar,
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Reçu dans le cadre de la Masse Critique Littérature du site Babelio, je l’avais spécialement choisi vu mon amour pour cette maison d’édition qu’est Actes Sud. Non je ne suis pas payée pour écrire ceci (jamais en fait même !), puisque mes demandes ponctuelles de « partenariat » sont toutes restées lettres mortes. J’estime que leur catalogue, tant en littérature blanche qu’en littérature noire, est composé de vraies pépites riches et variées. Visiblement, « Trash Vortex » ne déroge pas à la règle !
Attention, alerte ! Ce livre est en quelque sorte un OVNI littéraire. Si vous cherchez un récit simple, écrit d’une plume simpliste fait de phrases uniquement composées de sujet, verbe, complément alors je vous avertis : passez votre chemin, « Trash Vortex » n’est pas fait pour vous !
Par contre, si l’originalité du style d’écriture est un élément de vos choix littéraires ou si, justement, vous souhaitez en découvrir un nouveau alors vous frappez à la bonne porte. Je n’étais jusqu’alors jamais tombée sur une plume aussi étoffée, travaillée et recherchée.
Les phrases, à rallonge (mais pas dans le sens péjoratif) comprennent un flot d’informations comme pourraient le faire des paragraphes. Commencées au début d’une page, elles peuvent s’étendre quasi sur la page entière. Pour la fluidité, on repassera mais cela m’a tellement magnétisée que j’en ai été conquise. Pourtant, vous devez savoir que ce n’était pas gagné, ni dans mes habitudes – celles-ci étant d’habitude plutôt très concrètes. Bref, cela m’a fasciné mais je peux aussi comprendre que cela puisse rebuter une partie du lectorat.
Ensuite, j’ai beaucoup apprécié les portraits de personnages, beaucoup existants ou ayant existés, m’amusant à tenter de découvrir les vraies identités (par exemple, un certain président américain au teint carotte ou ce milliardaire mégalomane rêvant toujours plus de pouvoirs ; d’ailleurs, l’auteur, Mathieu Larnaudie aurait-il des dons divinatoires ? J’espère pas pour tout alors
C’est notre monde dans ce livre, pas de doute. Notre monde où les gros paquebots sombrent, tout comme les sous-marins de poche, où les cathédrales et les pays brûlent, où les hommes politiques ont le teint couleur carotte. Mais c’est notre monde vu par les hautes sphères : ministres, chefs de cabinet, dirigeants d’entreprise, riches héritiers, ainsi que ceux qui gravitent autour, agents immobiliers, conseillers, architectes, majordomes.
L’intrigue progresse comme en spirale : elle suit le fil d’un personnage puis saute et s’accroche à un autre point de vue, s’attardant à chaque fois sur un moment qui semble insignifiant mais qui concentre pourtant un morceau de l’histoire.
Cette écriture dense, précise et ardue, jusqu’à entortiller, doubler, voire tripler les parenthèses, mérite qu’on se batte avec elle pour la savourer. Il faut par exemple attendre la page 98 pour voir apparaître le premier “je”, et la page 236 pour apprendre le prénom de ce personnage. À force de phrases longues et sinueuses, on identifie les liens entre les protagonistes et on parcourt le globe avec eux, emportés, naviguant aisément dans les milieux de l’art, de la politique, de l’immobilier, du pouvoir.
Tout tourne autour d’un grand groupe français aux activités partagées entre les médias, l’armement et l’immobilier. Eugénie Valier, héritière de cet immense empire, fascinée par la certitude d’une apocalypse proche et par, peut-être, “le désir de prendre part à l’Histoire, autrement dit de vivre la fin d’un monde, d’y assister de près, d’y participer, de contribuer même, à sa manière, à hâter sa venue”, décide de démanteler l’entreprise familiale pour consacrer l’intégralité de sa fortune à deux projets. D’un côté, il y a la fondation Valier, dédiée au nettoyage, tellement laborieux qu’il en paraît vain, des océans encrassés par les “trash vortex”, ces tourbillons de courants marins qui tractent les déchets vers des zones stagnantes devenues continents de plastique. D’un autre, il y a la société Terra Viva, spécialisée dans la construction de bunkers résidentiels de luxe, considérée par Madame Valier comme la seule activité qui dispose d’un futur, “un futur relatif, un futur dans les limites étroites de l’avenir qu’à ses yeux ce monde avait encore, un futur resserré qui consistait en réalité à escorter le plus longtemps possible ce monde dans les convulsions de son agonie, la seule donc qui correspondait encore à ses visions, à la conception du monde qu’elle professait et avec laquelle elle s’apprêtait à mourir.”
C’est un livre sur ce qui s’achève, un livre sur la fin. Une fin qui n’en finit plus de finir. “L’obsession de l’effondrement a fait de nous des effondrés en sursis.” Ce gros roman donne corps à l’écoulement du temps. Ce temps qui manque mais qui s’acharne à continuer de couler.
J'aime la manière dont Mathieu Larnaudie nous fait entrer dans l'univers de Frances Palmer, d'Hollywood mais aussi de ces centres dans lesquels on retenait prisonniers des individus dont le seul défaut était de ne pas rentrer dans le moule. A travers sept moments clés de la vie de l'actrice, étayés par des photos ou une vidéo qu'il décrit, l'auteur nous donne l'impression d'entrer par une fenêtre et de découvrir ce qui se trame. C'est parfois fort, même s'il n'y aucun pathos mais au contraire, une certaine distance. Néanmoins les passages concernant la façon dont les femmes internées étaient vendues aux soldats par des gardiens ne peuvent pas laisser indifférent. Notre désir est sans remède est à la fois un beau portrait de femme forte et le portrait d'une société qui ne pouvait accepter ceux qui déviaient de la norme (mais les temps ont-ils vraiment changé?). La plume de l'auteur est à l'image de sa rhétorique, extrêmement agréable. C'est autant un plaisir de le lire que de l'écouter. Mathieu Larnaudie était présent au festival Epoque de Caen et est intervenu, au côté de Marie Le Gall et de la passionnante psychiatre du CHU de Caen, Perrine Brazo, dans un débat qui portait autant sur l'évolution du traitement de la "folie" que sur le féminisme. Et écouter un homme défendre passionnément le droit des femmes à "être", quelque que soit cette manière d'être est déjà un plaisir.
Une très belle évocation de l'actrice américaine Frances Farmer, à travers ce roman dense et riche.
Le mot "roman" n'est peut être pas très adapté pour ce texte, mais il ne s'agit pas non plus d'une biographie, ni d'une étude, ni d'un essai. L'auteur, sur un peu moins de 250 pages, évoque des tranches de vie de cette femme, peu connue du grand public.
L'histoire dans un premier temps se déroule à l'envers, pour au milieu du livre revenir au récit, évoquant l'âge d'or du cinéma et les grands noms mythiques de cette industrie, machine à broyer du rêve.
Si la première partie du livre relève plus du documentaire, et du coup tient le lecteur à distance du personnage, la seconde partie nous plonge dans l'horreur de la folie et du traitement que va subir Frances Farmer. Au fil des lignes la sensibilité gagne du terrain vers un chapitre final bouleversant de tristesse et de solitude.
L'écriture est exigeante, dense, un peu "froide" dans l'exposé des faits, ce qui laisse peu de place à l'émotion (du moins dans la première partie). L'auteur semble vouloir garder ses distances avec son personnage et s'agissant d'une actrice il aurait été facile de verser dans l'hagiographie, sauf que cette femme n'est pas une sainte et c'est peut être le respect de l'auteur qui prime dans son choix d'implication.
Belle découverte que ce livre et de nombreuses réflexions sur le sens de la célébrité, des choix et chemins d'une vie, de la liberté et de la maladie. A méditer quand nous nous abreuvons d'images sordides de "stars" déchues.
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