Des incontournables et des révélations viendront s'ajouter à cette liste au fil des semaines !
Quelque chose est en train de craquer. Face à l'angoisse apocalyptique qui hante notre temps, les puissants de ce monde se préparent eux aussi à l'effondrement. Certains croient assurer leur survie en s'offrant de luxueux bunkers, d'autres capitalisent sur le désastre qu'ils ont contribué à provoquer.
Eugénie Valier, héritière déclinante d'un grand groupe industriel, se résigne quant à elle à une mort prochaine. Et puisque l'humanité court à sa perte, elle décide de démanteler l'empire érigé par son père au lieu de le léguer à son fils. L'intégralité de sa fortune ira à une fondation destinée à nettoyer les "trash vortex", ces vastes tourbillons marins qui charrient tous les déchets dérivant à la surface des océans. Mais cette mission, a priori vertueuse, sert en fait un projet de liquidation générale, auquel se mêle un inavouable règlement de comptes familial.
Avec cette satire virtuose des élites économiques, politiques, et des multiples acteurs qui gravitent autour d'elles, Mathieu Larnaudie nous emporte dans une traversée vertigineuse de notre époque, et signe le grand roman d'une civilisation fascinée par sa propre fin. Que reste-t-il à transmettre lorsque demain est incertain ?
Face aux catastrophes dites naturelles diverses et variées qui menacent notre planète, les réactions des « élites »les plus riches et les plus puissantes sont souvent similaires : se faire construire des bunkers qui affleurent à peine le plancher des vaches du vulgum pecus, et si possible participer avec bonne conscience à un « développement durable et vertueux »défiscalisé.
C’est ainsi qu’Eugénie Valier, femme d’affaires multi milliardaire aussi mal en point que la planète décide de léguer toute sa fortune à des professionnels du business écologique et philanthropique. Elle a un fils qui ramassera quelques miettes, et elle même règle ainsi ses comptes avec son père. En effet , il s’agirait d’éliminer le » Septième continent »vortex de plastique au milieu des océans.
J’ai été très intéressée par l’histoire de Ferdinand, petit canard en plastique jaune tombé avec des milliers de ses congénères d’un conteneur parti de Hong-Kong et qui dérive pendant 5 ans avant de s’échouer sur une côte irlandaise.
On va y retrouver une bonne douzaine de personnages plus ou moins honnêtement convaincus de la cause, et il est amusant de reconnaître le président de la République,
Al Gore, N.Hulot, et un président à la mèche jaune…,etc, une belle galerie cruelle de portraits.
Mais, avant de me laisser emporter par un puissant vortex de mots et de phrases interminables qui rappelle la force des courants (bravo l’artiste) j’ai tout de même ressenti une poussée de masochisme, mais la curiosité m’a emportée et j’ai dérivé sans dégâts apparents à travers cette satire de la croyance dominante de notre époque qui se termine dans une Venise qui a vécu .
Reçu dans le cadre de la Masse Critique Littérature du site Babelio, je l’avais spécialement choisi vu mon amour pour cette maison d’édition qu’est Actes Sud. Non je ne suis pas payée pour écrire ceci (jamais en fait même !), puisque mes demandes ponctuelles de « partenariat » sont toutes restées lettres mortes. J’estime que leur catalogue, tant en littérature blanche qu’en littérature noire, est composé de vraies pépites riches et variées. Visiblement, « Trash Vortex » ne déroge pas à la règle !
Attention, alerte ! Ce livre est en quelque sorte un OVNI littéraire. Si vous cherchez un récit simple, écrit d’une plume simpliste fait de phrases uniquement composées de sujet, verbe, complément alors je vous avertis : passez votre chemin, « Trash Vortex » n’est pas fait pour vous !
Par contre, si l’originalité du style d’écriture est un élément de vos choix littéraires ou si, justement, vous souhaitez en découvrir un nouveau alors vous frappez à la bonne porte. Je n’étais jusqu’alors jamais tombée sur une plume aussi étoffée, travaillée et recherchée.
Les phrases, à rallonge (mais pas dans le sens péjoratif) comprennent un flot d’informations comme pourraient le faire des paragraphes. Commencées au début d’une page, elles peuvent s’étendre quasi sur la page entière. Pour la fluidité, on repassera mais cela m’a tellement magnétisée que j’en ai été conquise. Pourtant, vous devez savoir que ce n’était pas gagné, ni dans mes habitudes – celles-ci étant d’habitude plutôt très concrètes. Bref, cela m’a fasciné mais je peux aussi comprendre que cela puisse rebuter une partie du lectorat.
Ensuite, j’ai beaucoup apprécié les portraits de personnages, beaucoup existants ou ayant existés, m’amusant à tenter de découvrir les vraies identités (par exemple, un certain président américain au teint carotte ou ce milliardaire mégalomane rêvant toujours plus de pouvoirs ; d’ailleurs, l’auteur, Mathieu Larnaudie aurait-il des dons divinatoires ? J’espère pas pour tout alors
C’est notre monde dans ce livre, pas de doute. Notre monde où les gros paquebots sombrent, tout comme les sous-marins de poche, où les cathédrales et les pays brûlent, où les hommes politiques ont le teint couleur carotte. Mais c’est notre monde vu par les hautes sphères : ministres, chefs de cabinet, dirigeants d’entreprise, riches héritiers, ainsi que ceux qui gravitent autour, agents immobiliers, conseillers, architectes, majordomes.
L’intrigue progresse comme en spirale : elle suit le fil d’un personnage puis saute et s’accroche à un autre point de vue, s’attardant à chaque fois sur un moment qui semble insignifiant mais qui concentre pourtant un morceau de l’histoire.
Cette écriture dense, précise et ardue, jusqu’à entortiller, doubler, voire tripler les parenthèses, mérite qu’on se batte avec elle pour la savourer. Il faut par exemple attendre la page 98 pour voir apparaître le premier “je”, et la page 236 pour apprendre le prénom de ce personnage. À force de phrases longues et sinueuses, on identifie les liens entre les protagonistes et on parcourt le globe avec eux, emportés, naviguant aisément dans les milieux de l’art, de la politique, de l’immobilier, du pouvoir.
Tout tourne autour d’un grand groupe français aux activités partagées entre les médias, l’armement et l’immobilier. Eugénie Valier, héritière de cet immense empire, fascinée par la certitude d’une apocalypse proche et par, peut-être, “le désir de prendre part à l’Histoire, autrement dit de vivre la fin d’un monde, d’y assister de près, d’y participer, de contribuer même, à sa manière, à hâter sa venue”, décide de démanteler l’entreprise familiale pour consacrer l’intégralité de sa fortune à deux projets. D’un côté, il y a la fondation Valier, dédiée au nettoyage, tellement laborieux qu’il en paraît vain, des océans encrassés par les “trash vortex”, ces tourbillons de courants marins qui tractent les déchets vers des zones stagnantes devenues continents de plastique. D’un autre, il y a la société Terra Viva, spécialisée dans la construction de bunkers résidentiels de luxe, considérée par Madame Valier comme la seule activité qui dispose d’un futur, “un futur relatif, un futur dans les limites étroites de l’avenir qu’à ses yeux ce monde avait encore, un futur resserré qui consistait en réalité à escorter le plus longtemps possible ce monde dans les convulsions de son agonie, la seule donc qui correspondait encore à ses visions, à la conception du monde qu’elle professait et avec laquelle elle s’apprêtait à mourir.”
C’est un livre sur ce qui s’achève, un livre sur la fin. Une fin qui n’en finit plus de finir. “L’obsession de l’effondrement a fait de nous des effondrés en sursis.” Ce gros roman donne corps à l’écoulement du temps. Ce temps qui manque mais qui s’acharne à continuer de couler.
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