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« Les disparus des Argonnes » est un livre très intéressant à découvrir. Son écriture est très visuelle. Ce qui n’est pas surprenant quand on sait que son autrice est par ailleurs scénariste. On imagine d’ailleurs très bien une adaptation sur grand ou petit écran du livre. Inspiré d’une histoire réelle qui a défrayé la chronique entre 1982 et 2003, le roman est très intelligemment construit. Il met tout d’abord l’accent sur la famille de l’une des victimes ; son incompréhension puis sa détresse et son isolement. Ainsi il permet de mettre en avant de manière glaçante l’indigence des autorités, à la fois militaires et policières, qui com nt complètement failli à leur mission et à leurs devoirs. La dernière partie est plus originale puisqu’elle met le lecteur dans la peau de la sœur de l’accusé et renverse totalement le point de vue. Ce qui apparaissait comme une juste de quête de vérité est alors vu comme de l’acharnement judiciaire. Ce qui ne peut à nouveau pas laisser le lecteur indifférent. Un livre très réussi !
Librement inspiré de l'affaire des disparus de Mourmelon, ce roman nous replonge dans une affaire judiciaire terrible. Dans les années 80, de jeunes appelés disparaissent alors qu'ils commencent une permission. C'est le portrait des familles qui gravitent autour des disparus que l'auteur choisit de mettre en avant. Les mères sont rongées par la détresse, la douleur. Ces familles pauvres à qui les autorités ne vont pas répondre : enquêtes bâclées par une gendarmerie qui refusera longtemps de s'occuper de cette affaire, une armée qui ne déroge pas à sa règle : rester la grande muette. Julie Peyr sait aussi dépeindre des milieux sociaux modestes où l'amour des siens est souvent le bien le plus précieux.
L'auteur nous emmène à la suite de Jocelyne au début, mère courage, des autres ensuite, de leur combat pour retrouver un signe, un corps peut-être. A la fin, le dernier regard sera pour Dominique la soeur du principal suspect décidée à le défendre malgré ses doutes.
Le point de vue est original. Ici on raconte les victimes, les proches des drames, leur vie bouleversée. Ce n'est pas si courant dans la littérature. Comme une tentative de réhabiliter ceux qui ne sont pas dans les boxes au procès mais enfoncés dans leur douleur sur les bancs d'une cour d'assisse.
« Les disparus des Argonnes » est une fiction qui s'inspire d’un véritable fait divers ayant défrayé la chronique dans les années 80 : les disparus de Mourmelon.
Gilles Veyrades, vingt ans, effectue son service militaire et disparaît lors d'une permission. Sa mère, Jocelyne ainsi que le reste de sa famille s'inquiètent très rapidement et ne croient pas à une désertion comme le pense les autorités. Le service de Gilles touchait à sa fin et sa copine était enceinte. Face à l'inaction de la gendarmerie, Jocelyne remue ciel et terre pour essayer de retrouver son fils. Elle mène l'enquête pour tenter de comprendre ce qui a pu se passer ce jour du 13 février 1981. En interrogeant, les amis du garçon à la caserne, Jocelyne apprend que la voiture de Gilles était en panne et qu'il avait décidé de faire du stop sur une route nationale. La famille met en place une battue près du chemin emprunté par le jeune homme mais elle ne donne rien. Alors que Jocelyne se désespère du silence radio et du mépris de l'armée et de la gendarmerie, d'autres jeunes hommes qui effectuaient leur service dans le même secteur géographique que son fils, disparaissent après voir fait du stop.
Dans ce roman, Julia Peyr met en scène deux personnages principaux : La mère de Gilles ainsi que Dominique, la sœur du suspect. Elle donne ainsi la parole aux oubliés, aux familles qui n'ont pas été écoutées. A travers ce récit, elle met en exergue le dysfonctionnement de la justice et le mépris de l'armée pour les familles qui sont seulement des gens ordinaires et non des notables.
L'écriture de l'auteure est fluide et très agréable. J'ai apprécié la sensibilité et la sobriété de sa plume. Elle ne cherche pas à faire de sensationnalisme, les dialogues sont très justes. La psychologie de ses personnages est particulièrement travaillée. « Les disparus des Argonnes » est un roman noir d'atmosphère qui se lit d'une traite et qu'il est difficile de lâcher.
Cette lecture m'a donné envie de découvrir le roman précédent de l'auteure « Anomalie ».
Julie Peyr est également scénariste et a collaboré avec Arnaud Desplechin sur plusieurs films (Jimmy P, Trois souvenirs de ma jeunesse etc.).
« Les disparus des Argonnes » a fait partie de la première sélection du Prix de La Closerie des Lilas 2022.
Une famille dans les années 80, vivant en banlieue parisienne, tout ce qu'il y a de plus banal...
Mais elle est plutôt atypique : Leïla et son petit frère Medhi ont été abandonnés par leur mère, jeune femme perdue et droguée et ont été recueillis par Danielle, institutrice, aussi engagée dans son métier que militante dans la section locale du Parti, et Dédé, son mari, effacé et silencieux, travaillant dans l'usine Citroën du coin.
Nous les suivons à travers le regard de Medhi et ce qui fait son quotidien : sa famille, son quartier, la natation et sa sœur...
Sa sœur Leïla.
Une jeune fille au caractère affirmé, au "tempérament imprévisible fait d'ordres et d'injonctions, de [...] désirs secs et égoïstes" dont il ne peut se séparer. Il est fasciné par elle, tandis qu'elle le manipule selon ses désirs.
Un jour, à la piscine, ils font la connaissance de Mai, jeune fille fragile et d'un milieu social plus élevé que le leur. Ils deviennent amis et forment un trio inséparable. Jusqu'à ce que Leïla, toxique et asphyxiante, en décide autrement...
J'ai été charmée par ce roman qui montre à quel point l'adolescence est une période douloureuse et fascinante, où tout est vécu sans demi-mesure : on aime, on haït, on se laisse faire, on se révolte, on a des rêves plein la tête, on renonce, on craint, on essaie de se construire malgré le jugement des autres, si précieux à cet âge, malgré les liens familiaux et fraternels qui peuvent être destructeurs, malgré la toxicité de certaine relation...
C'est aussi un roman sur les non-dits et les secrets, sur les liens que l'on garde avec sa famille lorsque l'on est adulte, sur le déterminisme social, sur la différence entre se construire ici et ailleurs, sur la maternité, le deuil et la maladie, sur la part d'adolescence qui reste en soi lorsque l'on devient adulte.
C'est un très beau roman et l'amour qui existe entre Leïla et Medhi puissant et troublant m'a énormément touchée...
"Je voudrais tant que tout soit comme avant. Avant j'étais comme une reine. Et toi, tu étais mon royaume".
La plume de l'autrice est belle, poétique, précise et douce, elle dépeint aussi bien la tendresse que la violence, elle sait choisir les mots justes pour décrire des situations troublantes et dérangeantes, sans que l'on ait besoin de faire une pause dans sa lecture.
Ce roman vibrant, je l'ai dévoré, je l'ai adoré!
C'est un gros coup de cœur
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