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Sombre et fébrile, mené d’une main de maître, « Jusqu’à la corde » est une épopée policière, frénétique et tempétueuse.
L’impulsion d’une littérature de haute capacité, qui œuvre et à l’intrinsèque de ce récit, ainsi qu’au double sens.
Ce deuxième degré élève l’intelligence conquise, et pointe du doigt là où ça fait mal.
Il démontre en summum, combien l’histoire des hommes, les actes et les conséquences sont liés à la symbiose sociétale et politique.
Les psychologies dans ce livre aux nombreux langages sont des confrontations avec l’irrépressible mouvance sociale. Ce livre est avant tout, une mise en scène magistrale des vecteurs prégnants qui éprouvent les existences. Ce qui forge immanquablement une identité et ce à quoi l’être devient ange ou démon. Ici, dans ce livre où l’atmosphère incarne d’emblée l’histoire en elle-même, la démonstration est perfectionniste.
Certes, c’est une fiction dans un pays dont on ignore le nom. Ici, ou ailleurs, l’année et le recensement des jours. La trame est élargie et laisse l’opportunité à l’imagination de prendre toute sa place.
Lionel Destremau rassemble avec panache et lucidité, l’ampleur des dérives humaines.
L’apartheid et le racisme , la prostitution. Ce qui déclame de la pauvreté, d’un manque affectif et des troubles de la personnalité innés à l’éducation et au contexte de l’époque.
Tout est incurablement gris et « Jusqu’à la corde » est une mise en abîme, une plongée dans un crime atroce jusqu’à tirer la corde et en finir.
Roxy, un chien (Ils seront plusieurs dans ce récit), découvre avec son maître, fortuitement, le cadavre d’un enfant (noir) d’à peine cinq ans. Dans une forêt, caché sous des feuilles, la vulnérabilité de l’enfance et sa pureté, l’entrelacement avec l’horreur.
L’inspecteur Filem Perry se rend sur les lieux. Cet homme désabusé par le temps, d’un âge certain, est néanmoins intuitif et pragmatique. Son côté vieux flic est un atout.
Le tout petit a dans sa poche une boîte à musique. Avec son coéquipier Mayid Frin, ils vont remonter à la source. Comprendre que la clef se trouve ici.
L’enfant semble anonyme. Non recherché, le poids de la ségrégation en son corps replié. L’échec des disparités raciales, un emblème. Mais c’est sans compter sur la ténacité de Filem Perry qui rassemble l’épars, avance pas à pas avec son chien Pat collé à lui dans une enquête devenue un tsunami.
Le récit est séquencé en chapitres, dont chacun des protagonistes est mis en lumière.
Il vont prendre vont prendre place dans ce récit magnétique.
De fil en aiguille, l’étau se resserre.
Qui sont-ils ? Le récit est cadencé dans l’évènementiel. Tout s’emboîte, telles des poupées gigognes. Lionel Destremau avance les pions. Il dévoile le pouvoir relationnel, dans un pensionnat, de trois amis. Les faux-semblants et l’exutoire des frustrations, les vengeances, adultes devenus. Ce qu’une existence peut détenir, comme meurtrissures insondables.
Les parcours différents et pourtant tous liés par les affres sociétales. Les torpeurs intestines et les inégalités à l’instar d’une bombe à retardement.
L’intrigue dévoile les causes et les raisons. Somme le verdict. Qui a tué cet enfant et pourquoi ? Ici, le tremblant des douleurs de la vie. Sans antidote, si ce n’est par un crime.
L’écriture est hypnotique. D’un rythme filmique, intense, et laisse subrepticement la réponse dans un point final d’apothéose.
«Jusqu’à la corde » est un tissage fascinant. C’est un livre empreint d’humanité envers et contre tout. L’exigence d’une enquête de lutte et de bravoure.
En lice pour le prix Hors Concours 2024. Publié par les majeures Éditions La Manufacture de livres.
Jusqu'à la corde s'ouvre sur la découverte du corps d'un enfant d'environ cinq ans dans une forêt, sous un tas de feuilles. Personne n'a signalé de disparition. Personne ne réclame le corps, impossible à identifier en l'absence d'indices, juste une boîte à musique trouvée dans la poche du garçonnet. L'enquête est confiée à Filem Perry, vieux flic proche de la retraite, physiquement et moralement fatigué, pessimiste sur sa capacité à sa changer le monde mais suffisamment patient pour tirer le moindre fil grâce à un instinct resté intact.
« Il y avait, dans une enquête de terrain comme dans la vie, des fragments d'inconnu, des soupçons naissant à partir d'une poussière, des idées surgies instinctivement plutôt qu'accouchées grâce à la raison.(...) Il me fallait cesser de douter ainsi et poursuivre le chemin sur lequel je m'étais engagé jusque là, aller au bout de cette piste, l'épuiser complètement quitte à ce qu'elle s'avère totalement vaine. »
Lionel Destremau reprend les mêmes éléments que dans son livre précédent ( le génial Gueules d'ombre ), à savoir un cadre spatio-temporel impossible à identifier tellement il est brouillé, mêlant des éléments familiers qui n'ont rien à voir les uns avec les autres : deux guerres évoqués, un pays pratiquant la ségrégation raciale, des inventions technologiques du présent actuel mais sans Internet ni téléphone portable, des noms de lieux et personnages qui ne correspondent à aucune langue. Evidemment, si on a lu Gueules d'ombre, on perd là le formidable effet de surprise liée à la découverte de cette décalque étrange du réel, et donc un peu de sel, même si on est ravis de replonger.
Les chapitres alternent les points de vue des différents protagonistes, les flics avec Filem Perry au premier plan, mais aussi tous ceux qui ont pris gravité autour drame sans qu'on devine immédiatement leur rôle et incidence sur la mort du garçon. Et notamment Arkan Niera, fil conducteur et fascinant personnage évoluant des champs de coton aux cabarets en passant par les rings de boxe.
L'intrigue est kaléidoscopique, menée de mains de maître pour nous conduire dans les méandres de l'enquête. Chaque éclat converge brillamment vers une résolution aux accents de tragédie grecque et de saga familiale. Chaque chapitre semble révéler beaucoup sur le passé des personnages mais troublent encore plus le présent de l'enquête, d'autant que parfois le personnage du passé réapparait longtemps après dans ce présent.
Plus qu'un polar, l'auteur a composé un roman noir d'atmosphère extrêmement sophistiqué, à l'écriture raffinée, sondant ses personnages à l'os, leur gris, leur ambiguïté, tout en questionnant subtilement le lecteur, tout en résonant avec notre monde contemporain sur les traumatismes hérités de la guerre ou du racisme institué.
Un enquêteur, Siriem Plant, doit trouver quelle est la véritable identité du soldat Carlus Turnay qui est dans le coma et dont on ne retrouve pas de proches légitimes. Cette recherche pourrait être banale et plutôt simple, mais à la sortie de la guerre et avec des témoins presque tous disparus, la tâche se révèle plus ardue qu'espérée.
On est ici dans un pays totalement fictif qui sort d'une guerre dont on ne connaît pas la cause ni l'issue. On sait juste qu'il y a eu des victimes et que cette intrigue se déroule après cette période trouble.
Bien que le contexte soit présent, il passe très vite au second plan car on se concentre sur la recherche menée par Siriem Plant. Les chapitres alternent ceux de l'enquêteur et ceux des différents protagonistes. Ils donnent une voix aux personnages rencontrés ou à leurs proches même ceux qui sont morts sur le champ de bataille et qui ont connu Carlus Turnay. Cette polyphonie de différents témoignages rend la lecture très active. On essaye au fur et à mesure de comprendre qui était Carlus Turnay et de décrypter si c'est sa véritable identité ou un nom d'emprunt. La réponse sera apportée à la fin et la construction du roman est très bien faite pour conduire à cette résolution.
Un roman avec pour fond un contexte anxiogène mais qui est gommé par la dynamique de l'écriture et la quête de découvrir la véritable identité de la personne recherchée.
J’ai découvert Lionel Destremeau avec son roman Gueules d’ombre, dont je ne vous ai pas encore parlé.
Une fois, encore avec ce nouveau roman, il sait jongler entre polar et roman noir, en s’appuyant sur de personnages attachants et sombres.
Le roman débute sur la découverte d’un corps d’enfant mort, à peine camouflé sous des feuilles, dans la forêt. Personne ne réclame cet enfant. Qui est-il ? c’est ce que va s’efforcer de trouver l’inspecteur Filem Perry .
Les nombreux personnages de cette intrigue vont être des morceaux de puzzle qu’il va falloir imbriquer, pour reconstituer l’histoire d’une famille, d’amitiés, d’amour et de secrets.
Entre la forêt, les rings de boxe, et les cabarets, il y a la courte vie de cet enfant qui se dessine.
Un polar complexe, empathique et très intéressant qui nous mène petit à petit jusqu’à une fin tragiquement surprenante.
Si vous ne connaissez pas Lionel Destremau, je vous conseille vivement ses romans.
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