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Au fond des ruelles de villes marocaines, ou dans leurs faubourgs écrasés de ce soleil qui n'efface pas les misères mais les fige dans un éblouissement, des enfants naissent et meurent, certains s'échappent. Les vieux peuvent encore rêver de leur lutte émancipatrice contre le colonialisme mais pour les jeunes, seul le zodiac en direction de Malaga et le travail dans les serres du sud de l'Espagne semble une perspective radieuse. Encore faut-il survivre à la traversée.
« Le soleil, tous les soleils se levaient lentement. Même la vie passait au ralenti. A l’entrée d’une ville triste, se trouvait un quartier pauvre. Les habitants aussi étaient pauvres…. Dès que les rayons apparaissaient, aux premières heures du matin, les maisons se réchauffaient. »
Des nouvelles, tranches de vies réalistes, des histoires simples de la survie quotidienne d’ados marocains qui vivent dans les gourbis des quartiers défavorisés. Cloisons métalliques ou carton, planches disjointes qui laissent voir la vie miséreuse de ses habitants. L’intimité est souvent bafouée. Les voisins entendent, n’ont pas besoin de tendre l’oreille, les corps qui se retrouvent avec les faibles râles et mots doux qui vont avec. La jeune voisine qui prend son bain dans le tub est lorgnée à travers la cloison par son jeune voisin « Dans la cloison il y avait un trou, et dans l’autre maison, une fille était entrain de se baigner. C’était leur voisine Saïda ». Les cris, les pleurs, tout s’entend, tout se sait. Le bébé qui pleure de faim parce que sa mère ne peut plus le nourrir, son lait s’est tari, faute de nourriture et il pourrait mourir.
Les enfants sont tout le temps dehors. Un jour, ils vont jouer dans un terrain vague transformé en terrain de foot dont ils se voient interdire l’accès parce qu’une belle et grande maison s’y construit.
Les garçons et filles rêvent d’amour, oui, mais voilà…. Même là, c’est impossible. Le travail ? Chaque matin, ils vont en chercher sans beaucoup d’espoir. Les garçons qui suivent bien à l’école ne peuvent espérer continuer d’étudier, ils doivent abandonner, travailler et ramener quelques dirhams à la maison pour manger.
Des rêves, ils en ont. Trouver la fille qu’ils aimeraient toute leur vie, partir dans le sud de l’Espagne et travailler comme des damnés dans les exploitations fruitières (ce sera toujours mieux que ce qu’ils vivent au Maroc). Même Aïda, enceinte, qui accouche d’un bébé mort-né dans le zodiac veut tenter sa chance.
Est-ce humain qu’un enfant parte le matin dans le froid vendre des sacs dans le souk le dimanche au lieu de s’amuser avec les copains ou faire ses devoirs ? Pourtant Ayoub le fait et, il a même pu s’acheter un livre, son rêve est d’avoir une petite bibliothèque à lui. Il a préféré refiler l’argent au voleur plutôt que son trésor (le livre).
Des tranches de vies sans presque plus d’espoir, ni rêve si ce n’est tenir à tout prix, même l’exil, avec beaucoup d’interdits, de barrières, de murs infranchissables.
Les nouvelles ne sont pas misérabilistes mais réalistes. Les gamins n’ont pas le temps de pleurnicher et prennent ce qu’ils peuvent en passant. Ont-ils de l’espoir, foi en une vie meilleure ? Je ne sais si leurs rêves sont plus grands que leur âge, mais ils sont foutrement débrouillards et vivants.
Avec des mots simples et forts, Lahoucine Karim dépeint un Maroc où la misère, le trafic, les combines, la survie et, quelque fois l’amour son omniprésents.
Les enfants scolarisés dans ce coin du Maroc, à la périphérie d’une ville, ne savent même pas situer leur pays, le Maroc, sur la carte accrochée au tableau « Certains garçons avaient reconnu l’Europe, surtout les deux pays du sud : l’Espagne et l’Italie. D’autres doutaient que leur pays existe vraiment sur la carte ».
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