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Gabriela Cabrezón Cámara est une auteure émérite. Après « Les Aventures de China Iron » finaliste de l’International Booker Prize 2020 et du prix Médicis étranger en 2021, « Tu as vu le visage de Dieu suivi de Romance de la Noire blonde » sont deux textes engagés, serrés comme un café fort, sombres, intranquilles, vifs et poignants.
« Le Rat-Charognard et ses amis, les macs du Sabor, le bar à putes de Lanus où tu as rencontré Dieu »
Cette mosaïque cruciale, aride est un lever de voile sur les mécanismes implacables, les turpitudes, les cris dans la nuit noire, femmes en proie aux violences intestines, aux douleurs infinies et soumissions oppressantes.
Beya, prostituée, droguée de force, piégée, frappée , poupée dans les mains d’un proxénète. Beya cherche le visage de Dieu.
« Tu voudrais partir. Et tu fais bien, ici tout n’est que torture. »
Beya, le feu, implacable symbole, telle Marita Verón 23 ans, une fille de 3 ans, le 3 avril 2002, enlevée et asservie par un réseau de traite des femmes. »
Tucumàn en flammes, la poésie consolante alliée de Beya, dans une désolation infinie. Les mots ne jouent pas à la marelle ni avec les rais de lumière. Les faits sont dévoilés, Beya « tu es verte, tu te prends pour un cactus, tu te délires en aleo vera, tu conserves la sève de la haine dans ta chair tuméfiée, tu sens pousser les épines qui éloigneront les dents des chacals merdeux de ces sables pourris, tu offres tes feuilles au soleil qui t’embrasse comme le feu embrasse les injustes au jugement du Seigneur. »
Lire ce fragment est un séisme mental. Magistral, puissant, triste car irrévocable. La prostitution cannibale, s’échapper de l’enfer, un bandeau de feu sur les yeux.
Le deuxième texte étale son arborescence. On pourrait presque mettre un point virgule entre les deux, tant la plume de Gabriela Cabrezón Cámara reste égale, soutenue et presque provocatrice. Le langage même d’une force des combats.
« Elena mon amour, ma vie, mon souffle, ma femme mon mari mon taureau ma donzelle, ma sœur mon amante était malade.Cancer, m’a-t-elle dit. Et incurable. »
« Romance de la Noire blonde » politique, un pavé dans la mare, contre-poids et fulgurance. Contemporain et sociétal, l’œuvre-femme, arborescence sociologique.
« Sacrifice. Assise à la frontière de l’œuvre, je serai ton Vatican, tes militaires, tes penthouses en plein Buenos Aires, ma bonze consumée dans l’explosion. »
Ce texte de compassion mêlée, grêles sur les toits, l’habitus tremblement de terre, le féminisme à cris et larmes, la belle Gabi, le feu.
Ici, la littérature berce les femmes et propulse leurs voix et leurs corps. Ce qui arrive dans cet esclavagisme, dans ces bouleversements où elles ne sont plus que des proies et des luttes, des sourires effacés et l’anéantissement même de leur condition. La mort ne sera pas l’oubli.
La trame est un étendard , un flambeau.
Un livre qui forme un triangle avec « Oscura ». C’est au lecteur de continuer le combat. Ce livre, ode à elles, à ceux de l’ombre, aux sans-voix et aux murmures à peine audibles, un livre que l’on dédie aux femmes d’Argentine et à celle du monde. C’est une histoire à répéter. Que le silence n’octroie pas la finitude.
Bouleversant, les éditions de l’Ogre viennent de mettre au monde ce que le renom à de plus fort et de plus crucial. Traduit avec brio de l’espagnol (Argentine) par Guillaume Contré.
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