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Un spectre hante les puissances occidentales : la terreur biologique.
Fin septembre 2005, le coordinateur pour la grippe aviaire et humaine à Genève prédit de 2 à 150 millions de morts dans le monde lors d'une prochaine pandémie: « comme en 1918! » Les États planchent sur des scénarios catastrophes, afin que du jour au lendemain, l'économie mondiale ne tombe pas en panne, parce que cadres dirigeants et simples ouvriers seraient hors d'état de travailler.
Cette peinture des « tempêtes microbiennes » qui nous attendent, si elle n'est pas nouvelle, traduit toutefois une amplification considérable de l'idée de sécurité sanitaire, et une dégringolade vertigineuse dans la fiction - chiffres exagérés, analogies sans fondement, etc.
Quelles sont les origines de cette envahissante logique du pire? Quels en sont les enjeux lorsqu'elle s'applique à la défense contre les menaces microbiennes?
Patrick Zilberman dégage trois grands axes de la sécurité sanitaire: le rôle heuristique de la fiction pour la conception et le test des procédures de gestion des crises ; la logique du pire comme régime de rationalité de la crise microbienne ; l'organisation du corps civique.
1. La place grandissante dans l'appareil de la sécurité sanitaire qu'occupent les scénarios (fictions qui feignent le réel en proposant des actions).
2. Le choix systématique du scénario du pire dans la sphère de la sécurité internationale comme des menaces microbiennes. Or l'événement déjoue les prévisions : il est toujours autre chose.
Les scénarios du pire deviennent un handicap pour la pensée, non parce qu'ils envisageraient le pire mais parce qu'ils sont prisonniers de la prévision.
3. Dans l'espoir de renforcer l'adhésion aux institutions politiques et pour faire face à la désorganisation sociale engendrée par la crise épidémique, les démocraties sont de plus en plus tentées d'imposer un civisme au superlatif (l'accent est mis sur les devoirs et les obligations du citoyen, sur la nécessité de faire preuve d'altruisme), qu'il s'agisse des quarantaines, de la vaccination préventive ou encore de la constitution de réserves sanitaires sur le modèle des réserves de la sécurité civile.
Enfin, la sécurité sanitaire contribue à la crise de l'État-nation puisqu'elle pousse les États à adopter des solutions globales, même ceux qui, comme les États-Unis ou la Chine, se montrent d'ordinaire extrêmement chatouilleux sur le chapitre de la souveraineté nationale. L'État-nation est aujourd'hui en crise faute pour lui de maîtriser des problèmes qui sont précisément internationaux dans leur nature même.
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