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La guerre constitue un moment de vérité pour le régime colonial car elle permet de mesurer la réalité de son contrôle sur les hommes et sur les espaces. Déjà mis à contribution entre 1914 et 1918, le Soudan français qui correspond en partie à l'actuel Mali, est appelé à deux reprises à participer à l'effort de guerre entre 1939 et 1945. Cette étude cherche à mesurer cette participation d'un double point de vue économique et militaire et à comprendre, d'une part, comment l'administration coloniale l'a organisée et, d'autre part, quelles réactions elle a suscitées chez les Soudanais. On peut ainsi dégager les limites d'une mise en valeur tant vantée en métropole après cinquante années de présence mais aussi les premiers craquements d'une domination de plus en plus en plus rejetée. La contestation vient de ceux que l'administration coloniale appelle les " évolués " qui se sont révélés au moment du Front populaire et que l'on retrouve lors du bouillonnement politique des années 1943-1945. Leurs espoirs d'intégration ont disparu avec Vichy, perçu comme un retour en arrière démontrant l'impossible transformation du régime colonial. A la fin de la guerre, le mot indépendance n'est plus tabou. Mais, pour le colonisateur, ces hommes ne constituent pas la menace principale ; celle-ci est plutôt représentée par les musulmans proches de Cheikh Hamallah, que l'on cherche à briser avec le soutien de la Tijaniyya " officielle " au
lendemain des tragiques événements de Nioro-Assaba en août 1940. C'est au nom de la lutte contre cet homme et ses fidèles mais aussi d'une meilleure administration des nomades que la frontière entre le Soudan français et la Mauritanie est rectifiée à l'été 1944. Comme à l'occasion de la Grande Guerre, on demande au Soudan en 1939 et en 1943 des hommes, travailleurs et soldats, des denrées vivrières et du bétail. Le rôle de la colonie doit se comprendre dans le cadre de l'AOF car le mil, le riz, la viande et les travailleurs réclamés sont destinés aux territoires voisins et en particulier au Sénégal. Ainsi, se dessine une spécialisation dans le cadre de ce vaste ensemble
malgré les réticences des autorités locales qui y voient la remise en cause de leurs politiques de développement. En envoyant des navétanes au Sénégal, elles doivent renoncer à faire du Soudan un grand producteur d'arachides. Le Soudan de 1945
est bien éloigné de celui de 1939. En à peine quelques années, l'administration coloniale a perdu l'initiative, ce n'est plus elle qui a le tempo des transformations, elle est désormais sur la défensive.
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