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De tous les classiques français, Rabelais est sans doute l'auteur qui se lit aujourd'hui le moins directement. L'obstacle n'est pas seulement la langue. Ses contemporains ne comprenaient pas le dixième de Pantagruel et de Gangantua s'ils n'étaient pas familiers de grec, de latin et même d'hébreu. À l'intérieur d'un milieu humaniste de très haute culture, Rabelais passait pour exceptionnellement docte et savant. Jamais il n'a été un auteur «populaire», si l'on entend par là un auteur compris par le peuple et qui s'adresse à lui.
À ces difficultés s'ajoutent celles du milieu et des péripéties historiques. Rabelais écrit pour les «patrons» évangéliques : Marguerite de Navarre, François Ier, le cardinal «luthérien» Jean du Bellay, le cardinal de Châtillon, futur anglican. Une bonne partie de sa verve satirique est au service d'une cause politique et religieuse ; et son génie, très conscient de ses moyens, consiste à enrober dans une irrévérence que condamnèrent à la fois Rome et Genève un immense répertoire de culture et une chronique d'actualité.
C'est ce tissu très serré dont le meilleur connaisseur de Rabelais nous aide à démêler les fils. Trente ans de familiarité avec Rabelais et la Renaissance permettent à Michael Screech d'aplanir le terrain et de faire revivre le contexte. Par une ironie qu'aurait appréciée Rabelais, c'est un érudit d'Oxford et un humour tout britannique qui viennent redonner leur gaieté gaillarde et scandaleuse à ces rires français d'un siècle éloigné.
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