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La prodigieuse malle laissée par Fernando Pessoa ne cesse de livrer des trésors
étonnants. A présent, le poète aux diverses personnalités et aux diverses
plumes, le dramaturge, le penseur, etc. nous apparaît aussi comme auteur de
nouvelles policières. Cela pourrait surprendre. Mais l'écrivain a maintes fois
signalé le plaisir trouvé dès l'enfance à lire Poe, Conan Doyle, Arthur
Morrison and others, car ses premiers textes ont été écrits en anglais. Il y
trouvait un « rare amusement intellectuel » et s'y est adonné pendant plus de
vingt ans. Les premiers récits, en langue anglaise, étaient l'oeuvre d'un
hétéronyme, et mettaient en scène un ancien policier, Byng, alcoolique, inapte
à la vie quotidienne mais raisonnant de façon infaillible. Byng, tout en
conservant ses attributs principaux, est ensuite devenu, dans les textes
portugais, quelqu'un de plus complexe, un médecin sans clientèle du nom de
Quaresma, qui a bien des traits, physiques et intellectuels, de son créateur.
Passionné par les charades, il s'intéresse tout particulièrement à celles que
constituent les énigmes policières. Il les résout sans quitter son fauteuil,
fort d'une méthode qu'il n'hésite pas à exposer longuement à l'occasion, qui
repose non seulement sur une rigueur logique sans faute, mais aussi sur une
connaissance profonde des diverses catégories de mentalités humaines. C'est ce
personnage que l'on suit au fil des 10 nouvelles réunies pour la première fois
et rassemblées en recueil sous le titre de Quaresma, déchiffreur. Abílio
Fernandes Quaresma est un célibataire d'âge mûr, un médecin n'exerçant pas. Il
habite une petite chambre en désordre, avec une fenêtre ouverte sur les toits,
par où entre la lumière de Lisbonne. Il y passe le plus clair de son temps,
dans un état de demi-maladie indéfinie, végétant entre deux couvertures et
lisant. Il se considère comme un déchiffreur de charades, généralement celles
de l'Almanach de Souvenirs, encore qu'il préfère celles de la vie réelle. Un
léger tremblement et ses doigts jaunis attestent de ses deux vices :
l'alcoolisme et le tabac. Il préfère les cigares bon marché, des Peralta
foncés, à 25 réis, qui contribuent à la toux cadavérique qui le prend parfois.
Dans la personnalité de ce raisonneur se retrouvent de nombreux traits de
caractère de Fernando Pessoa lui-même. Ceci s'explique d'autant mieux que
l'écriture de ces nouvelles s'est poursuivie sur des décennies, jusqu'à la mort
de Pessoa en 1935. Le personnage gagne de ce fait une individualité semblable à
celle d'une personnalité littéraire proche de son créateur. Bien que détonnant
avec le reste de l'oeuvre de Pessoa, on retrouve dans ce recueil la marque de
l'écrivain cérébral, et aussi celle du dramaturge. Les dialogues sont enlevés,
et les intrigues variées et prenantes. Toutes, ou presque, se passent dans la
Lisbonne chère à l'écrivain et à son semi-hétéronyme Bernardo Soares, et
s'amusent à laisser le lecteur patauger avec les policiers et les juges qui
s'évertuent vainement à résoudre les énigmes avant que le docteur Quaresma ne
vienne en donner la solution grâce à la seule vertu de son raisonnement. Pessoa
est né en 1888 à Lisbonne. Pendant trente ans, de son adolescence à sa mort, il
ne quitte pas sa ville de Lisbonne, où il mène l'existence obscure d'un employé
de bureau. Mais le 8 mars 1914, le poète de vingt-cinq ans, introverti,
idéaliste, anxieux, voit surgir en lui son double antithétique, le maître «
païen » Alberto Caeiro, suivi de deux disciples : Ricardo Reis, stoïcien
épicurien, et Álvaro de Campos, qui se dit «sensationniste ». Un modeste
gratte-papier, Bernardo Soares, dans une prose somptueuse, tient le journal de
son « intranquillité », tandis que Fernando Pessoa lui-même, utilisant le
portugais ou l'anglais, explore toutes sortes d'autres voies, de l'érotisme à
l'ésotérisme, du lyrique critique au nationalisme mystique. Pessoa, incompris
de son vivant, entassait ses manuscrits dans une malle où l'on n'a pas cessé de
puiser, depuis sa mort en 1935, les fragments d'une oeuvre informe, inachevée,
mais d'une incomparable beauté. INEDIT Ce recueil passionnera tous ceux qui ont
été séduits par l'univers pessoen et par la personnalité multiple de son
inventeur. Mais les amateurs de littérature policière ne seront pas en reste.
Ils prendront du plaisir à la lecture d'intrigues extrêmement variées et
prenantes, présentées par des narrateurs divers, dont certains ont partie liée
avec l'histoire qu'ils relatent. Si l'on ajoute à cela des caractères bien
dessinés et un dialogue enlevé qui nous rappelle que l'art du dramaturge
faisait partie de l'arsenal pessoen, nous pouvons affirmer que ce nouveau livre
du grand écrivain portugais ne jure pas dans l'ensemble de son oeuvre. PAGE 1
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