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«Nous nous sommes construits par les histoires et nous serons effacés par les données»
Préférence système d’Ugo Bienvenu paru chez Denoël Graphic, grand prix de la critique ACBD 2020, ma préférence à moi? Bien plus que ça : mon gros, très gros, coup de cœur à moi! Fahrenheit 2.0, 2055 odyssée du cyberespace, dystopie mâtinée de poésie, ce roman graphique pose de nombreuses questions philosophiques telles que la sauvegarde puis la transmission du beau et de la mémoire collective de l’humanité.
Ce roman graphique s’ouvre en 2055 sur les funérailles d’Anthony, le père d’Yves Mothon qui exerce le métier d’archiviste dans une société gérant le big data. Son rôle? Détruire les données jugées inutiles afin d’éviter la saturation du système. Et quelles sont-elles? Celles qui sont le moins consultées. Aussi décidera-t-on de sauvegarder les vidéos sur youtube , les posts sur les réseaux sociaux au détriment d’œuvres majeures de notre patrimoine artistique tels 2001 Odyssée de l’espace ou l’œuvre intégrale de W.H. Auden. Yves, lui, veut sauver ce qu’il considère comme la beauté du monde. Inlassablement, il tentera de défendre ces œuvres devant deux juges, le plus souvent en vain. Alors, avant de les détruire, il en sauvegardera les données dans la mémoire de son robot domestique Mikki, se mettant en péril ainsi que sa femme Emy - avec laquelle il entretient des rapports de plus en plus tendus - et leur enfant à venir. Ce n’est pas Emy qui porte le bébé mais Mikki, programmé par Yves pour sauvegarder les fichiers subtilisés mais également protéger Isi, la petite fille à naitre au cas où les choses tourneraient mal...
Suite à des soupçons de fuites, le bureau des enquêtes va lancer une investigation afin de découvrir le coupable. L’étau se resserre et Yves se verra contraint de prendre la fuite avec Emy, Mikki et son précieux chargement, direction l’Auvergne.
Y parviendront-ils tous sains et saufs ? Les données seront-elles sauvées?
Ugo Bienvenu est un artiste polyvalent, à la fois réalisateur de courts métrages et de clips, producteur, illustrateur, éditeur. Sa première incursion dans la bd fut une adaptation remarquée de Sukkwan Island de David Vann.
Préférence système est le deuxième opus d’une trilogie. Le premier opus, Paiement immédiat dont l’action se déroule également dans un futur proche (2058) est une réflexion sur le 7ème art autour du désir de reconnaissance, de notoriété, des difficultés liées au financement et des affres de la création lors du tournage d’un film de SF à portée philosophique. Préférence système, le second opus, se déroule dans un futur proche également, la réflexion portant sur la mémoire individuelle (avec la mort du père), puis collective, la culture, la transmission, la sensibilité, nos rapports aux nouvelles technologies. Le troisième opus, contrairement aux deux autres, se déroulera lui dans un futur très lointain.
Le dessin est précis et efficace. L’essentiel, selon le bédéiste est de «créer un sentiment de familiarité sur quelque chose qui n’existe pas encore.» C’est pourquoi le décor, que ce soit Paris ou la campagne, l’intérieur de l’appartement d’Yves, de son lieu de travail sont ancrés dans le réel, la notion de futur étant amenée par l’habillement, les voitures, le design des casques VR, les robots, bien sûr. Au crédit du dessinateur, le soin apporté à l’expressivité du bébé.
A première vue, je n’étais pas attirée par les dessins aux larges aplats de couleur parfois saturée.
Ce qui m’a littéralement envoûtée, c’est l’histoire. On va passer d’un climat froid, inquiétant dans la première partie à un récit initiatique et une ode à la nature empreints de poésie dans la seconde partie plus contemplative avec de nombreuses planches muettes, jusqu’à la scène d’action finale.
J’ai été bouleversée par l’utilisation du poème d’Auden qui, à l’instar d’Ugo Bienvenu fait partie de mes poèmes favoris.
La fin reste très ouverte, la dernière planche entrant en résonance avec les deux premières.
Une réussite totale qui mérite amplement son prix!
Et Mikki, me direz-vous? Vous pourrez le retrouver dans un avenir très proche sur la couverture de Métal hurlant qui fait fait son grand retour ce 29 septembre 2021.
Cui cui cui... Cui cui.
Je m'essaye moi aussi au langage des fleurs...
Euh, des oiseaux ! S'cusez pour la confondure. Me manque quelques repaires.
Comprenez, depuis l'effusion des réseaux sociaux, et la prise de parole de Monsieur Nimporte-qui, il est nécessaire d'arbitrer sur la mémoire collective, faute de place. Évidemment, ce qui est récent est mis en avant, ce qui est ancien se noye dans le passé.
Vous connaissez la blague de la grosse mite, une histoire de bon Génie dyslexique... Warff !! On est bien barrés :(. Les critères pour faire ce tri se doivent d'être objectifs. On préférera donc toujours une vidéo de petit chat mignon à un film soporifique de Kubrick - ici, 2001 l'Odyssée de l'espace. Il suffit de se fier au nombre de vues ces dernières années ! Imparable...
Mais, la révolte s'organise, malgré sa répression (30 ans de prison si vous êtes découvert par Dupond et Dupont).
Comme Estelleb, l'album m'a rappelé 1984 d'Orwell, mais aussi Farenheit 451 de Bradbury (le film de Truffaut a sûrement été effacé de ce monde). Une variante aux autodafés.
J'ai adoré l'idée de la GPA relayée dans le bot personnel.
L'accident du couple et la fuite du robot mène à une scène magnifique d'émotions. Isi VIVRA !!
Reste à lui permettre de se développer correctement. Malgré toute sa bienveillance, l'amour et la compassion restent des émotions qui manquent à nos amis droïdes. La data ne fait pas tout.
Un coup de coeur pour moi aussi !!
Nous plongeons dans une France futuriste où robots et humains cohabitent. Par un dessin réaliste et de belles planches, l'auteur nous dépeint une crise numérique : Yves est archiviste dans un centre de données et souffre de l'élimination progressive des œuvres passées qui sont délaissées, oubliées. À travers un futur terrifiant et un regard ironique, nous réfléchissons à notre propre utilisation des données, ici, un choix est fait entre l'Art et la superficialité, un choix qu'Yves n'accepte pas.
Une BD intelligente qui souligne le désintérêt croissant des nouvelles générations pour l'Art et la montée en puissance de la superficialité. Un hymne artistique et poétique de défense de l'Art.
Les traits immersifs de l'auteur m'ont fait passer un très grand moment de réflexion. J'ai beaucoup aimé le regard lucide sur les comportements humains de Mikki, robot qui porte l'enfant d'Yves et d'Emy, sa femme. De plus, les références littéraires, cinématographiques et musicales qui ponctuent cette BD sont un petit plus qui rendent cette-dernière vraiment innovante et agréable à lire. Enfin, j'ai trouvé la deuxième partie de la BD très touchante par sa simplicité !
Une BD terrifiante et réaliste sur notre utilisation non exhaustive des données et sur ce qui pourrait nous attendre... Je ne la conseille cependant pas à tous les âges, il faut avoir une certaine maturité pour comprendre au mieux cette œuvre.
"Si John-Streamy72 veut continuer de partager ses vidéos sur youtube, si Kamelia-72 veut continuer de poster ses photos de vacances [...] Que penseriez-vous si nous disions à K-Rineohmygod qu'elle ne peut plus montrer son corps sur Instagram ? » ... le topo est donné : Comment continuer à poster sur les réseaux sociaux ou diffuser de l'information de masse dans une société où la capacité de stockage est limitée ? Quelles oeuvres culturelles méritent d'être sacrifiées pour gagner en mémoire artificielle ? À l'heure du cloud et de la donnée illimitée, Ugo Bienvenu nous offre dans ce roman graphique, une vision glaçante d'une société futuriste - en 2050 - non loin de la nôtre. À mi-chemin entre 1984 de Georges Orwell et le Meilleur des mondes de Aldous Huxley, il met en scène Yves Mathon qui, chargé de libérer des données (pour ne pas saturer les big data) va faire le choix d'en sauver, à l'encontre des principes d'une société hyper controlée. En choisissant l'oeuvre au contenu « juste des choses que je trouvais belles », Yves va mettre en difficulté sa famille, mais à quel prix ? Je m'arrête là pour ne pas trop en dévoiler mais préparez-vous à des remises en questions - individuelles et collectives - car Ugo Bienvenu va plus loin que le thème de l'intelligente artificielle et des big data en abordant également des sujets plus humanistes comme la filiation ou encore celui de la religion.
Graphiquement c'est également une belle réussite, l'identification est totale. Particulièrement sensible au trait rétro d' Ugo Bienvenu, la froideur des personnes et le réalisme des dessins nous immergent complètement dans cette dystopie contemporaine colorée. Et comme pour les personnages dans Paiement accepté (2017), toute ressemblance avec des personnes existantes n'est pas vraiment... fortuite ? ;)
Gros coup de coeur de mon côté, vraiment ne passez pas à côté de cette bande dessinée, qui même refermée, continue de faire cogiter !
Préférence système, d'Ugo BIENVENU, un tout jeune dessinateur, ayant déjà travaillé pour MARVEL, qui propose ici un récit d'anticipation, très inspiré et inspirant. Il m'a permis de prendre conscience que même si le style graphique ne répond pas de prime abord avec nos attentes et habitudes, sa cohérence avec l'histoire peuvent donner un ensemble très efficace et agréable. Je n'aurais jamais pensé qu'un robot puisse me procurer une telle émotion.
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