De précieux conseils de lecture pour toutes les envies de découverte...
Elle arrive de New York, il vient de Cuba, ils s'aiment. Il lui montre une photo de groupe prise en 1989 dans le jardin de sa mère et elle y reconnaît la sienne, cette femme mystérieuse qui ne parle jamais de son passé. Ils vont chercher à comprendre le mystère de cette présence et les secrets enfouis de leurs parents...
Leonardo Padura nous parle de Cuba et de sa génération, celle qui a été malmenée par l'histoire jusqu'à sa dispersion dans l'exil : « Poussière dans le vent. » Nous suivons le Clan, un groupe d'amis soudés depuis la fin du lycée et sur lequel vont passer les transformations du monde et leurs conséquences sur la vie à Cuba. Des grandes espérances des nouveaux diplômés devenus médecins, ingénieurs, jusqu'aux pénuries de la « période spéciale » des années 90, après la chute du bloc soviétique (où le salaire d'une chercheuse représente le prix en dollars d'une course en taxi) et la fuite dans l'exil à travers le monde.
Des personnages magnifiques, subtils, nuancés et attachants, soumis au suspense permanent qu'est la vie à Cuba et aux péripéties universelles des amitiés, des amours et des mensonges. Ils vont survivre à l'exil, à Miami, Barcelone, New York, Madrid, Porto Rico, Buenos Aires. Ils vont prendre de nouveaux départs, témoigner de la force de la vie.
Leonardo Padura écrit un roman universel. Il utilise la forme classique du roman choral mais la sublime par son inventivité et son sens aigu du suspense, qui nous tient en haleine jusqu'au dernier chapitre.
Ce très grand roman, qui place son auteur au rang des plus grands romanciers actuels, est une affirmation de la force de l'amitié et des liens solides et invisibles de l'amour.
De précieux conseils de lecture pour toutes les envies de découverte...
Poussière dans le vent fait pour moi partie de ces livres, dont j'ai ralenti la lecture des derniers chapitres, pour prolonger le plaisir. Et, là cette dernière page refermée, je me sens orpheline. Orpheline de ces hommes et de ces femmes qui m'ont accompagnée pendant quelques jours, des émotions incroyables ressenties à leurs côtés, de cette île au destin tragique, de ces cubains qui ont du mal à vivre bien, que ce soit sur leur ile ou dans leur exil.
Alchimie parfaite entre destins individuels et L Histoire avec un grand H, ce livre nous raconte la vie d'un groupe d'amis, le Clan. Ils se sont connus pendant leur enfance, ou un peu plus tard. Leurs vies vont prendre des directions très différentes, certains vont quitter l'ile vers l'Amérique ou l'Europe, d'autres vont y rester, essayant de survivre tant bien que mal, aidés par les subsides que leur envoient ceux qui sont partis.
2014 : le roman débute par la rencontre de Marcos et d'Adela. Marcos est un des nombreux cubains ayant choisi l'exil, c'est le fils de deux membres du Clan. Adela est américaine, fille d'un réfugié argentin et d'une exilée cubaine. Sa mère a complètement coupé les ponts avec son ile de naissance et Adela (par réaction ?) en a fait le sujet des ses études. Quelle n'est pas sa surprise de reconnaitre sa mère sur une photo de groupe, publiée par la mère de Marcos. Mais cette femme s'appelle Élisa, et non Loreta comme sa mère. Adela va vouloir comprendre.
L'auteur reprend ensuite à partir de l'époque de la photo (1990) l'histoire des membres du Clan. En 1990, peu après la prise de la photo, deux évènements vont secouer le groupe. L'un se suicide, une autre cette Élisa disparait. Et ces deux épisodes vont influencer directement sur la destinée de chacun d'entre eux. Les parties successives du roman vont s'attacher plus particulièrement à l'un d'entre eux et à son histoire, mais aussi à l'histoire d'Adela dont l'origine est brutalement remise en cause.
C'est un roman riche, foisonnant, qui à travers les destins de quelques personnes nous montre les conditions de vie à Cuba au cours des dernières décennies, comment le déclin des état communistes en Europe a fait de cette ile un pays perdu, où trouver à manger était un problème, où les magasins étaient souvent vides, où les communications étaient restreintes, un pays qui restait communiste envers et contre tous, un pays qu'on pouvait difficilement quitter, et dans lequel une fois parti il était compliqué de revenir, un pays où l'état et la police créait un climat de peur, où tout un chacun pouvait se croire espionné.
Le thème de l'exil est abordé à de nombreuses reprises par l'auteur, expliquant la difficulté de l'exilé à reconstruire une vie, pas tant sur le plan matériel, que sur le problème de l'appartenance. Comme le dit l'un de ces exilés « nous ne sommes dans la mémoire de personne et personne n'est dans notre mémoire à nous ». Même ceux qui ont le mieux réussi dans l'exil, ne se remettront jamais complètement de leur départ « cette chaleur n'était pas sa chaleur, ses nouveaux amis étaient seulement cela, des nouveaux amis, et non ses amis, ce qu'il avait perdu était irrécupérable ».
J'ai appris beaucoup de choses pendant cette lecture. J'ai surtout aimé ces hommes et ces femmes, j'ai ressenti leurs émotions, la force de l'amitié qui les lie malgré les aléas de la vie et la distance géographique imposée par l'exil. Je les quitte à regret.
« Pour Clara, bordel de merde ! parvint à crier Bernardo.
- Pour Clara ! lui répondirent les autres, qui furent encore capables de sourire et de boire, avant que certains d'entre eux, Irving en tête, ne se mettent à pleurer quand Ramsés, comme vingt-cinq ans plus tôt, mit la chanson de Kansas qu'aimait tant Bernardo et qui leur rappelait ce qu'ils étaient tous, ce qu'était toute la vie : Dust in the wind. »
Merci infiniment aux éditions Metailié pour ce partage #Poussièredanslevent #NetGalleyFrance
J'ai adoré.
C'est un groupe d'amis, qui s’appellent entre eux le clan ; ils vivent dans un Cuba qui sombre.
Quel plaisir de les suivre pendant près de 30 ans ; ceux qui vont choisir de partir, ceux qui vont rester.
Le personnage principal est Cuba avec ses contradictions, sa misère, l'excellence de son enseignement, sa corruption, ses danses, sa musique...
Il est question d'exil, de déracinement, de pauvreté, de résilience, de trahison et de solidarité.
Il est aussi questions de rêves, d'espoir, de déception, de renoncement et d'espérance.
Ce récit est surtout une ode à l'amitié.
L'écriture est élégante et nostalgique.
Les personnages sont attachants et je les quitte avec regret.
Un roman émouvant et passionnant.
Une mère en fuite permanente. " Qu'est-ce que cette femme fuit, qui, pourquoi ? Pour aller où ?".
Une fille à la recherche de sa mère. Un clan qui se désagrège et la petite musique du hasard.
Quand je referme Poussière dans le vent, impressionnant roman de Leonardo Padura, je le fais avec regret même si la lecture en a été un peu longue.
Je termine ainsi de belles pages d’une aventure collant au plus près à la vie des Cubains, de Cuba et d’ailleurs. Sur les pas de Clara, Darío, Horacio, Bernardo, Irving, Walter, Joel qui formaient ce fameux Clan, l’auteur de L’Homme qui aimait les chiens, un précédent roman que j’avais adoré, retrace amour, amitié, haine, jalousie, drames, mais aussi vie sociale, misère, émigration, histoire d’un pays où une dictature a été renversée pour instaurer une révolution se voulant égalitaire sans pouvoir éviter la domination d’une caste privilégiés et les trafics en tous genres.
Il faut dire que la rupture avec le géant voisin tout puissant, dès 1960, n’a rien arrangé, Cuba se liant avec le monde soviétique, jusqu’à la chute du Mur de Berlin, en 1989.
Au travers des problèmes rencontrés par Clara et ses amis, Leonardo Padura m’a fait prendre conscience des souffrances endurées, de la misère, de la faim, alors qu’en même temps, la jeunesse poursuivait de brillantes études comme Ramsés et Marcos, les enfants de Clara et Darío le prouvent.
S’il découpe son récit en dix grandes parties, l’auteur alterne les époques, revient en arrière, explique, ménage le suspense jusqu’au bout. Ainsi, il permet de comprendre pourquoi de nombreux Cubains ont tenté de fuir leur île à laquelle ils sont profondément attachés. Où qu’ils aboutissent, cet amour-haine persiste toujours, même lorsque Barack Obama rétablit le contact entre les deux pays, embellie que son successeur s’empressera de gâcher, hélas.
L’essentiel du problème qui hante le livre de la première à la dernière ligne est concentré chez une certaine Loreta Fitzberg, mère d’Adela. Cette Loreta est une vétérinaire passionnée par les Cleveland Bay, une race chevaline unique, et elle est responsable d’un ranch, bien loin de Cuba, The Sea Breeze Farm, près de Tacoma (USA). Ringo, son cheval favori, âgé de 26 ans, est sur le point de mourir quand elle apprend que sa fille de 17 ans est amoureuse du jeune Marcos, un fan de base-ball, qui a réussi à fuir Cuba et vit en Floride, à Hialeah où la majorité des exilés cubains vivent comme à Cuba mais avec des supermarchés pleins !
Pourquoi Loreta est furieuse d’apprendre que sa fille fait l’amour avec un Cubain ? Il faut que Clara ouvre un compte Facebook, demande son fils, Marcos, comme ami, puis Darío, son père, Ramsés, son frère, et que Clara poste une photo de groupe prise à la maison familiale de Fontanar, à La Havane, pour que se déclenche une avalanche de révélations.
En effet, au premier plan, sur cette photo, une certaine Elisa, mariée à Bernardo qui vit maintenant avec Clara, est enceinte mais a disparu après cette fameuse photo prise en 1990.
À partir de là, Leonardo Padura dont j’avais aussi beaucoup aimé La transparence du temps et Retour à Ithaque, m’a fait vivre quantité d’aventures, de rebondissements, de tensions, de scènes d’amour torrides qu’elles soient hétéro, lesbiennes ou homo. Il m’a surtout plongé au cœur de la misère, des privations, des souffrances endurées par tout un peuple obligé de se débrouiller, d’espérer recevoir de l’argent des émigrés ayant réussi à gagner les États-Unis, le Mexique ou l’Espagne.
En même temps, une surveillance policière permanente basée sur le mouchardage, le système des indics, crée une atmosphère pesante dans les familles ou les groupes d’amis comme dans ce Clan formé autour de Clara.
Ainsi va la vie de ces personnages auxquels je m’attache de plus en plus, comme de la poussière dans le vent, Dust in the wind, fameuse chanson de Kansas, interprétée par Steve Walsh.
Avec les États-Unis, l’auteur m’emmène en Espagne, à Madrid, à Barcelone mais aussi en Italie, à Toulouse, s’appuyant toujours sur une documentation précise, jamais lassante, toujours très instructive.
Leonardo Padura m’a ramené à Cuba où il vit, une île où, hélas, je n’ai pas pu rester assez longtemps à cause du covid, un pays que je commençais à vraiment apprécier. Hélas, les confinements successifs dus à la pandémie dont nous ne sommes toujours pas débarrassés ont donné un coup terrible au tourisme qui permettait à beaucoup de Cubains de vivre et j’ai appris qu’ensuite, la faim, l’absence de nourriture en quantité suffisante causait à nouveau de gros problèmes.
Cela n’a pas empêché Cuba d’envoyer de nombreux médecins dans certains pays qui en manquaient grâce à l’excellence de la formation donnée sur l’île, formation que Leonardo Padura ne manque pas de souligner.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Dans une discothèque de Miami, Adela, une jeune Américaine, rencontre Marcos, un Cubain fraîchement exilé. Elle est passionnée par Cuba, dont sa mère est originaire mais ne veut pas parler. Lui, il veut oublier la misère et vivre comme un Américain. Ils réalisent rapidement que leurs parents se connaissaient à La Havane. A la manière d'un polar, par d’incessants allers-retours entre l'Amérique du jeune couple et le Cuba des parents, Leonardo Padura fait ressurgir le passé et ses mystères.
Poussière dans le vent est l'occasion pour Leonardo Padura de nous raconter l'histoire de sa génération. Il aurait très bien pu être un des membres de ce clan de lycéens, étudiants puis jeunes adultes qui sont maintenant éparpillés à travers le monde. Dans les années 1990, après la chute de l'URSS et l'abandon du pays frère, leur vie était très difficile à Cuba. L'auteur nous décrit toutes les combines pour survivre ou pour partir. Il nous parle aussi de la difficulté de l'exil, du manque viscéral de la terre natale pour certains, des rêves perdus, des regrets de ceux qui sont restés, des amitiés indéfectibles mais aussi des trahisons, de la culpabilité et de plein d'autres choses qui font le quotidien des Cubains. Il y a aussi ce thème universel, la question que se pose, une fois la jeunesse passée, tout groupe d'amis : qu’est-ce qui nous est arrivé ?
Poussière dans le vent est un roman très fort, un pavé avec quelques longueurs et répétitions, mais je serais bien restée encore des heures et des heures avec ses personnages si attachants. Chacun d'eux y est minutieusement campé et Leonardo Padura les a rendus admirablement vivants pour mieux nous émouvoir.
Leonardo Padura est un auteur que j'aime beaucoup. J’ai visité Cuba, il y a quelques années, avec son policier Mario Conde dans ma liseuse. En élucidant ses cold cases il m’a permis de mieux appréhender l’histoire de cette île et de comprendre l’arrivée de Castro. Avec ce nouveau récit Padura nous raconte son époque, celle de la fin du rêve communiste.
https://ffloladilettante.wordpress.com/2021/12/29/poussiere-dans-le-vent-de-leonardo-padura/
Poussière dans le vent est un roman choral d’une grande intensité, très rythmé, qui m’a enthousiasmé comme tous ceux que j’ai pu lire de cet auteur, à savoir, L’homme qui aimait les chiens, La transparence du temps et Retour à Ithaque.
Adela et Marcos ont vingt ans. Elle arrive de NewYork, est tombée amoureuse d’un balsero, un réfugié cubain. Elle s’est installée avec lui à Hialeah, ville située à côté de l’aéroport de Miami, où vivent beaucoup de cubains qui se sont exilés et qui essaient de retrouver leur identité et de se reconstruire en ayant vivantes les traditions de leur île, un inepte caprice de jeunesse, pour sa mère.
Un jour, Marcos reçoit de sa mère, Clara, une photo de groupe prise en 1990 dans le jardin de leur maison. C’était le 21 janvier, jour anniversaire des trente ans de sa mère. Lui, n’avait que six ans. Marcos et Adela l’étudient pour tenter d’identifier les différents personnages. Adela est aussitôt intriguée et très troublée par cette photo et va chercher à en savoir davantage.
Trois jours après cette fête, un orage avait de façon étrange et définitive altéré le cours de l’existence de chacun des membres de ce groupe d’amis, baptisé le Clan, car le lendemain même de la fête, l’ami des parents de Marcos, Walter qui prenait la photo est mort. Il s’est suicidé … (ou pas). D’autre part, l’amie de la mère de Marcos, Elisa, enceinte on ne sait pas vraiment de qui, a disparu après cette photo.
Si ce n’est pas à proprement parler un roman policier, Poussière dans le vent est un roman qui comporte beaucoup de mystère, un suicide mystérieux et une paternité mystérieuse et l’on va s’interroger tout au long du roman pour tenter de résoudre ces deux énigmes.
C’est donc en 1990 que débute le roman, un an après la chute du mur de Berlin puis la quasi fin du socialisme en Europe de l’Est. Cette période est spéciale pour la société cubaine, Cuba se retrouve complètement isolée, sans aucune ressource économique, sans aucun allié commercial, sans aucun appui politique et sans ressource économique. Il y a donc une rupture dans la société cubaine et de nombreux jeunes gens, fatigués, obligés de se démener pour faire face aux innombrables pénuries matérielles et alimentaires, désenchantés et voyant tous leurs espoirs anéantis prennent le chemin de l’exil, poussés par un besoin vital de liberté. Ce sera le cas de huit de ces amis soudés depuis la fin du lycée et confrontés aux transformations du monde et à leurs conséquences sur la vie à Cuba. Deux resteront sur l’île, Clara et Bernardo, car sans doute pour Clara, il lui était plus facile de résister que de se reconstruire.
En suivant ces huit membres du Clan, Leonardo Padura nous entraîne et nous fait vivre au plus près de cette diaspora cubaine.
Il est à noter cette ambivalence chez ces exilés cubains qui consiste à renier sans cesse leur île sans pouvoir ou vouloir s’en défaire.
Remarquable roman sur l’exil, très pertinent sur le fond, Poussière dans le vent est en plus et peut-être encore davantage un roman sur l’amitié, la fidélité et sur l’amour, amitié et confiance entre eux, véritable refuge qui leur permet de surmonter les difficultés, de dépasser les faits et de faire face aux situations souvent très difficiles. C’est un roman, néanmoins traversé par la peur qui est quasiment omniprésente, le soupçon et la peur que l’autre ne vous dénonce, d’où nécessité de s’adapter.
Leonardo Padura réussit d’ailleurs à toucher le lecteur, par ses personnages bien sûr, mais surtout par les valeurs universelles qui les habitent, à savoir la peur, l’amitié, l’amour.
Un très grand roman sur une petite île, comme aime à définir Cuba, Leonardo Padura lui-même, Poussière dans le vent, « Dust in the wind », en plus d’être une fine et talentueuse peinture de l’âme de la société cubaine permet de suivre l’Histoire mondiale.
Pour terminer, je ne résiste pas à vous offrir le refrain de cette belle chanson du groupe Kansas auquel il est fait référence à plusieurs reprises dans le livre :
Dust in the wind De la poussière dans le vent
All we are is dust in the wind Nous ne sommes que de la poussière dans le vent
Dust in the wind De la poussière dans le vent
Everything is dust in the wind Chaque chose n'est que de la poussière dans le vent
The wind… Le vent...
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
J'aime beaucoup les livres de Leonardo Padura que je tiens parmi les grands auteurs contemporains, même s'il a tendance à écrire de gros et lourds livres : 630 pages et 800 grammes ! -mais qui, à part moi, est assez dérangé pour peser un livre ? Poussière dans le vent, malgré quelques longueurs et redites est un excellent roman sur l'exil, sur les raisons qui poussent à quitter son pays, ses amis, sa famille, à tout laisser pour tenter de vivre ailleurs. Si l'intrigue se déroule dans les années 90 à Cuba -période particulière puisque l'ex-URSS ne finance plus le pays-, on pourrait aisément la transposer de nos jours dans un autre pays dans lequel la guerre, la pauvreté extrême ou le non-respect des droits de l'homme poussent à partir : "Pour avoir vécu parmi des émigrés, Adela savait que personne ne quitte l'endroit où il est heureux, à moins d'y être forcé -et c'est alors en général qu'il perd le fragile état de bonheur." (p.62). "Un mélange de joie et de tristesse habitait Irving. Mais il se sentait poussé, par dessus-tout, par une détermination plus puissante que le sentiment d'appartenance ou de déracinement, que la famille ou les amis : le désir de vivre sans peur." (p.205) En ces moments où certains veulent nous faire croire que tous les réfugiés sont des délinquants et qu'ils quittent leurs pays sans bonnes raisons, il est utile de citer, de lire et faire lire ce genre de roman.
Avec beaucoup de finesse, d'élégance et d'humanité, Leonardo Padura fait les portraits des huit amis, leurs rapprochements, leurs querelles, leurs différences et surtout leurs liens qui semblent inusables. Tous ont des personnalités différentes, des envies, des désirs propres et de ce roman cubain. Il fait avec ses héros cubains, un roman universel. Il sait installer ses personnages dans des contextes forts, dans des intrigues avec suspense qui tient jusqu'au bout. Il sait aussi parler admirablement de l'amitié, de ce qui lie ces huit Cubains mais aussi de ce qui peut les séparer et de ce qui peut les réunir de nouveau. Un roman choral, de ceux qui installent des personnages difficilement oubliables, sensible sans être larmoyant, d'une justesse et d'une pudeur profondes.
Et tout le roman est mis en musique par Kansas et sa chanson qui en donne le titre : Dust in the wind.
Les éditions Métailié ont publié quatre titres à l’occasion de cette rentrée littéraire, un roman atypique qui nous vient d’Islande, un deuxième allemand à tendance historique, un espagnol et ce dernier titre cubain : des identités différentes, aux antipodes les unes des autres, le feu et la glace. J’ai d’abord choisi de lire la voix caribéenne du cubain Leonardo Padura. S’il s’est effectivement fait naturalisé espagnol en 2011, l’homme est retourné vivre à Cuba, même s’il n’est pas vraiment en queue du peloton pour faire des reproches à son île et ses dirigeants.
Poussière dans le vent, le dernier roman de l’auteur, ne compte « que » six cents pages pourtant son épaisseur effective c’est celle de sa narration qui repose sur ce clan, cette bande d’amis d’un quartier de La Havane, unit autour des moments festifs qu’ils s’accordent, qui finit par éclater lorsque la plupart de ses membres va s’épandre aux quatre coins de la planète. Evidemment l’auteur n’aurait pu composer six cents pages d’amitiés et d’amours entrecroisés, de portraits plus vrais que nature, sans les parts d’ombre qui s’y rapportent, forcément : ces voiles jetés sur des pans de passé qu’ils croyaient fermement oubliés mais qui finissent par se manifester au moment ou ils s’attendent le moins. Ce défilé de portraits, ceux de Clara, Dario, Horacio, Elisa, Irving, Bernado, Walter – de femmes et d’hommes réunis par par cette destinée tyrannique incarnée en lieu de naissance, cette prison aux embruns paradisiaques qu’est Cuba, s’instaure comme un échantillon composite de la population insulaire.
Si ces personnages se laissent découvrir avec avidité et appétence, toujours avec cette mystérieuse île caribéenne en arrière-plan, comme s’ils étaient indissociables du caractère de leur lieu de vie, qui tient plus d’une geôle, que d’un lieu de vie réellement choisi. Ils sont chacun d’entre eux le reflet, lumineux ou sombre, de leur pays, que visiblement Leonardo Padura aime autant qu’il craint. Il n’est en effet jamais avare de critiques entre deux épisodes narratifs, ou descriptifs, et l’une de ses volontés, visiblement, est de tenter de faire cerner à son lecteur, la nature même de Cuba. C’est un exercice compliqué auquel il s’attelle, et il avoue bien volontiers l’ampleur de la tâche qu’il s’est attribué, Cuba semblant être une entité que seuls les siens sont en mesure de cerner et de comprendre. Chacun des personnages entretient un rapport très fort avec son île, un rejet net et précis, répulsif de par l’indigence – physique et intellectuelle – qu’elle fait naître, mélancolique ou incassable pour ceux qui ne souhaitent pas se sortir de son attraction. À mon sens, il est question d’un magnétisme qui s’exerce à travers une attraction diffuse dont même ceux qui n’y ont jamais mis les pieds en sont l’objet. Chacun a son rapport tout à fait personnel, et unique à Cuba, les uns qui se sont empressés de fuir, ceux qui y reviennent, ceux qui l’occultent : il semblerait bien que l’île caribéenne échappe à toute tentative de caractérisation, Cuba est insaisissable et définitivement inaccessible à ceux qui n’y sont pas nés.
La découverte et divulgation des secrets tiennent la narration de bout en bout, et dans sa globalité, je me suis immiscée de bon gré au milieu de ces péripéties existentielles de ce groupe de jeunes gens un peu irresponsables, tous à la folie de l’insouciance de leur jeunesse, qui deviennent peu à peu des adultes murs et responsables, aux disputes, ruptures et disparitions diverses qui ont émaillé ce groupe : les séparations amicales ou amoureuses, les retrouvailles, les interrogations sur leur vie de Cubain, déraciné ou non, accompagnées de la musique du groupe américain Kansas Dust in the wind, Poussière dans le vent, donc. Un peu comme cette île, mirage d’espoirs, qui finiront déçus, d’avenirs sans issue, qui se désintègrent sous le sceau de la réalité acérée et illusoire. Leonardo Padura n’en finit jamais de mettre en garde contre les dangers de cette tentation de vie sous le soleil cubain.
Tenter de saisir l’identité de Cubain, et des Cubains, est ainsi une chose bien difficile et Leonardo Padura est un excellent guide, grâce les pistes qu’il met à notre disposition par les biais de ses différents personnages. Si chacun se débat avec sa propre vie, ses choix parfois précipités, ses problèmes, la plupart des personnages se débattent d’abord avec leur vie d’exilé cubain : et c’est un exil particulier, puisque les lois du pays leur interdisaient de revenir. Comment concilier sa condition d’exilé en Espagne, en France, au Salvador, aux États-Unis, avec sa nationalité, qui les ramène toujours au pays d’une manière ou d’une autre, quand même la chaleur vous semble différente d’un hémisphère à l’autre. C’est un roman qui ouvre la voie à une multitude de pistes de réflexion que nous offre sur son pays, qui peut nous sembler si paradisiaque, mais se révèle être à travers les mots de l’auteur, un mystère inaccessible.
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Merci Ghislaine pour cette belle chronique qui donne envie de découvrir les personnages et leur lutte quotidienne pour une vie meilleure. Belles lectures. Prenez soin de voys