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« La première fois où j'ai fait l'amour avec Stella, j'ai su que je ne pourrai jamais plus vivre sans : elle passera toujours avant les convenances, la carrière, avant même la morale ».
Helsinki, années 1970. Stella, Alex et leurs amis sont remplis d'ambitions et de hautes espérances. Dans la fougue de l'adolescence, ils font les quatre cent coups. Mais une passion dévorante vient troubler leur insouciance, et arrive le temps de l'âge adulte et des compromis. Mais oublie-t-on jamais son amour de jeunesse ?
Porté sur cinquante ans par un souffle irrésistible, ce roman est le portrait sensible d'un amour destructeur et de l'éveil au monde de toute une génération. Au sommet de son écriture, Kjell Westö tire avec brio les fils du destin et nous offre l'égal scandinave de Bienvenue au club de Jonathan Coe et des Intéressants de Meg Wolitzer.
Si vous aimez les romans d'introspection, alors, vous y êtes et croyez-moi, vous allez vous faire plaisir. Il y a beaucoup de nostalgie dans cette oeuvre de Kjell Westö construite sur un vaste retour en arrière d'une cinquantaine d'années développé sur plus de cinq cents pages. Le personnage que l'on découvre au début du roman, narrateur qui restera sans nom, a une soixantaine d'années : il rédige un article sur les liens entre deux écrivains sud-américains, Borgès et Bolanõ. C'est un homme empreint de doute et d'incertitude qui s'interroge sur ce qu'il a été, ce que fut sa vie, le sens de ses relations aux autres : sa famille et surtout ses amis. « Je lisais et j'écrivais (ce que j'avais fait toute ma vie) et pourtant je savais peu de choses, tout comme j'avais peu de choses à dire. Dans le fond je ne savais pas qui j'étais, je ne savais même pas si mes souvenirs étaient vraiment les miens. »
Alors qu'il est plongé dans ses pensées, il se sent observé et voit un inconnu fuir en emportant un objet posé au sol. Quelques jours plus tard, son ami d'enfance est poignardé par ce même inconnu.
Cet événement joue le rôle de la petite madeleine proustienne. En effet, le narrateur comprend alors que tout s'explique par ce qu'ils ont été, lui et ses amis : « j'étais lié à tout ce qui s'était passé, pas seulement à cet incident et aux événements actuels, mais aussi aux faits et gestes du passé, qui s'étaient produits au fil de plusieurs décennies et conduisaient au point où je me tenais actuellement.»
Et le premier chapitre s'ouvre sur l'évocation de la rencontre avec l'ami en question alors qu'ils n'avaient qu'une dizaine d'années : Alex Rabell, garçon appartenant à une grande famille bourgeoise, vivant dans le magnifique manoir de Ramsvick au bout d'une presqu'île plongeant dans le golfe de Finlande : un large corps de logis peint en blanc, des dépendances, un ponton, un hangar à bateaux, un sauna, le tout entouré de forêts de sapins. Je vous sens rêveur… sachez que les paysages et les lumières sont quasiment des personnages de cette histoire. A peine le roman terminé, on n'a qu'une envie : prendre un billet d'avion pour Helsinki (mieux vaut attendre encore un peu, il y fait moins six degrés…) Le père d'Alex, Jakob, est un homme d'affaires qui passe son temps à l'étranger. Le patriarche à la tête de cette dynastie d'entrepreneurs se nomme Per-Olf Rabell dit Poa : il vit au manoir et ne voit pas d'un très bon œil cette amitié naissante entre ce garçon issu d'une famille modeste et son petit-fils.
On touche finalement ici au coeur du roman : les relations du narrateur avec son ami Alex et la sœur de ce dernier, Stella, dont il tombera éperdument amoureux (ce que clame le bandeau avant même la lecture).
On est dans les années 1970 à Helsinki, ces trois jeunes sont beaux, pleins de vie, tout est encore possible, encore permis. Ils profitent des belles journées d'été, se baignent et s'aiment. Ils découvrent la sexualité et se laissent aller au plaisir. Tout semble leur sourire...
Mais c'est sans compter sur le poids des secrets familiaux, de la réussite sociale, des tensions, des jalousies, des trahisons, et des compromis qui viendront gangrener l'âge adulte, sans effacer le souvenir lumineux de ces belles années pleines d'insouciance et de passion.
Le roman est épais et l'auteur prend le temps d'analyser dans le détail la dimension psychologique de chacun de ses personnages : apparaissant ainsi dans toute leur complexité, luttant contre des décisions qu'ils regrettent souvent, s'interrogeant sur la place qu'ils doivent occuper dans ce monde moderne fait de dominations économiques, de violence, de migrations, où tout se mélange sur des réseaux sociaux qui font la pluie et le beau temps, ils se demandent, sans trouver de réponse, si la mémoire est fiable ou si chacun reconstruit le passé, souvent d'ailleurs, de façon inconsciente.
J'ai beaucoup aimé le fait que l'auteur ne donne finalement pas de réponse à tous ces questionnements. C'est à chacun de trouver SA réponse au fond de soi, avec ce que nous sommes, notre sensibilité, notre rapport aux autres et au passé.
L'auteur nous invite à plonger dans le passé des personnages pour tenter de comprendre ce qu'ils sont devenus un demi-siècle plus tard, alors que la société a tellement changé. La place est désormais ouverte à la nouvelle génération : comment s'appropriera-t-elle le monde ? Comment se situera-t-elle par rapport à ses aînés ? Comment jugera-t-elle leurs prises de position ? Saura-t-elle mieux gérer un monde en pleine mutation sociale, économique et politique ?
Un roman qui incite à une belle introspection, une plongée en soi-même… pas toujours facile mais souvent nécessaire pour avancer...
LIREAULIT http://lireaulit.blogspot.fr/
Un homme qui se faufile nuitamment dans son jardin et qui quelques jours plus tard tente de poignarder l'homme d'affaires Alex Rabell, il n'en faut pas plus au narrateur pour se plonger dans les souvenirs d'une vie qu'il a partagée avec Alex et sa sœur Stella, une amitié née au cœur de l'enfance, au bord de la mer de Finlande et qui a perduré des décennies durant. Du début des années 70 jusqu'à nos jours, il a donc côtoyé la famille Rabell, une ''dynastie d'entrepreneurs'' dirigée par le grand-père Poa, des gens riches, conscients de leur position, arrogants de fait, soucieux de préserver leur intimité et de garder leurs secrets. Moins privilégié, le narrateur voue une admiration sans faille à Alex et tombe éperdument amoureux de Stella. Le temps passant, son regard change sur son ami d'enfance, il s'en éloigne sans pour autant le renier. Stella, quant à elle, reste son grand amour. Malgré les séparations, les trahisons, les rancoeurs, la passion tempétueuse se transforme en amitié tranquille mais les liens restent forts. A presque 60 ans, il peut dérouler ses souvenirs depuis l'époque lointaine où sa renconre avec les enfants Rabell a changé sa vie.
Jouant les Nick Carraway, humble devant les puissants, pauvre devant les riches, le narrateur raconte les Rabell, Poa, le patriarche fier et volontiers méprisant, Clara, la mère altière et un brin guindée, Jacob, le père invisible, le sujet tabou, Alex, enfant autoritaire, adulte prêt à tout pour toujours amasser plus d'argent et Stella, l'apprentie comédienne avec qui il joue à ''je t'aime, moi non plus'' pendant près de cinquante années. Autour d'eux, d'autres garçons, brutes épaisses ou souffre-douleur, d'autres filles, bonnes à baiser ou à épouser selon leur milieu d'origine, d'autres parents, falots, trop prolétaires pour qu'on en fasse grand cas. Et le monde qui continue de tourner : la bande à Baader qui terrorise l'Allemagne, Olav Palme assassiné, le mur de Berlin qui tombe, l'attaque de Charlie Hebdo, etc. Tous ces évènements brièvement évoqués, le narrateur y reste imperméable, tout préoccupé qu'il est des Rabell. Attirance et répulsion, amour et haine, partages et trahisons semblent rythmer son existence dans l'ombre de cette famille en vue. Lui-même tente de faire son chemin. Il publie un roman qui très vite est un succès, mais ne peut renouveler l'exploit et survit en enseignant les lettres au lycée. Eternel looser, il est sans cesse partagé entre le désir irrépressible de s'accrocher à son amour pour Stella et son amitié pour Alex et la volonté de les fuir pour se préserver.
Une très belle saga romanesque, des êtres profondément blessés qui cachent leurs faiblesses sous le masque de la nonchalance ou de l'arrogance. Une histoire d'amitié pas toujours facile, branlante, déséquilibrée mais fondatrice. Et bien sûr une histoire d'amour éternel entre la jeune fille de bonne famille, la rebelle, l'artiste, la part solaire des Rabell et le jeune homme incertain, admiratif, le fils désargenté d'un simple vendeur en électro-ménager porté sur la boisson. Sur près de 600 pages, Kjell Westö nous immerge totalement dans la vie de ses héros dont nous partageons le quotidien, les joies et les peines, et tout cela dans les magnifiques paysages finlandais. Un gros coup de cœur.
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