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«Il est étrange de se dire qu'après Mozart tout s'est brusquement ralenti dans le bruit, la fureur, le tintamarre. Il y a eu une accélération de l'Histoire, soit, mais sur fond de stupeur, de torpeur. De nos jours, la vitesse est partout sauf dans les esprits. Du temps de Wolfgang, c'est le contraire. On voyage en diligence, les préjugés barrent l'horizon, c'est encore l'immense province, la noblesse, à quelques exceptions près, n'entend rien à ce qui va venir, mais le bouillonnement sensuel et neuronal est là, l'intelligence fuse à travers les doigts et les souffles. L'humanoïde actuel est un montage électronique à tête molle. La pointe du XVIII? siècle, au contraire, est un oiseau spirituel à animalité de soie et d'acier.»Philippe Sollers.
Ce n’est pas une énième biographie, ce n’est pas un roman, ce n’est pas un essai, alors, qu’est-ce que c’est ? me direz-vous, déjà — à juste titre — agacé par le début de cette chronique !
Eh bien, à dire vrai, ce n’est rien de particulier. C’est un fourre-tout, c’est un déballage, c’est un élan, un cri, oui, un cri d’amour pour la musique de Mozart !
Et l’on sort de cette lecture complètement avide de mettre en route spotify pour écouter religieusement la sonate KV 310 en la mineur, la plus extraordinaire de Mozart, selon Sollers. Et comment ne pas être d’accord avec lui ? Comment aller à l’encontre de son jugement lorsqu’il dit que La Flûte enchantée est le plus bel opéra de Wolfgang ?
Tout ce que dit Sollers dans ce fleuve ininterrompu de passion est frappé au coin du bon sens. C’est que l’écrivain (clarinettiste de jazz inhibé) à une sensibilité exacerbée et un goût d’une fiabilité impressionnante.
N’a-t-il pas fait lui-même le pèlerinage autrichien sur les traces du divin enfant, comme on fait son pèlerinage à Compostelle ?
Malheureusement, presque tout ce qu’a connu Mozart a disparu. Ne reste plus que le Théâtre des états à Prague où Mozart dirigea lui-même Don Giovanni en 1787…
Quand on y pense, comme on aurait voulu être là !
Et comme on aurait voulu être là ce soir d’hiver au domicile de Mozart pour la répétition des Noces de Figaro en présence de l’ami de la famille Joseph Haydn !
Ce n’est pas Philippe Sollers qui nous dirait le contraire !
On voit au fil de ce texte bouillonnant que Sollers n’apprécie guère le siècle qui suivit celui de Mozart, un siècle qui dénigra le compositeur, le siècle de l’avènement de la bourgeoisie, et du triomphe des bonnes mœurs. Nous partageons complètement ce point de vue. Toutefois, dans son éloge des grands compositeurs tels que Bach, Purcell, ou Haendel, Sollers ne retient aucun nom français, ce qui nous paraît un peu injuste, car nous avons tout de même à notre actif Jean Philippe Rameau ou François Couperin, qui, sans avoir la stature des maîtres précédemment cités, sont tout de même des compositeurs subtils, d’ailleurs redécouverts de nos jours.
Un dernier point (mais ce n’est qu’un détail), je pense que le portrait de Mozart qui illustre la jaquette du livre n’est pas représentatif des véritables traits de Mozart. À mon avis, il faut, si l’on veut avoir une idée exacte du visage de Mozart, se reporter à la toile célèbre de Barbara Kraft (qui est du reste au musée de Salzbourg). Le tableau de Della Croce peint en 1780, qui représente la famille Mozart au grand complet (la mère décédée à cette époque apparaît sur une toile dans la composition), confirme les traits très particuliers du musicien, traits que partagent sa sœur Nannerl et sa mère, un visage long, un peu potelé, des yeux en amande, et un nez quasi bourbonien. On ne dirait pas selon nos critères actuels que les Mozart étaient beaux, mais que cela ne vous empêche surtout pas de lire cet excellent livre et d’écouter la musique irremplaçable et sublime de Wolfgang Mozart…
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